Pourquoi ne pas tenter l'entrée de la Provence dans le giron capétien ? Après avoir tenu tête à de farouches oppositions, Blanche de Castille caresse cet espoir… Elle prépare le mariage de son fils Louis IX avec Marguerite, célébré le 27 mai dans une belle simplicité.
Cette année-là, la huitième de son règne, Louis IX, vingt ans, épousait, le 27 mai en la cathédrale de Sens, Marguerite de Provence, treize ans, fille de Raimond-Bérenger IV, comte de Provence, et de Béatrice de Savoie. Cette union, voulue par la reine-mère Blanche de Castille, qui exerçait encore la régence (Louis n'allait être proclamé majeur qu'à vingt et un ans) entrait dans un vaste plan qui depuis Philippe Auguste, grand-père de Louis, consistait à étendre l'influence capétienne dans le Midi de la France.
Hérésie
Nous avons vu dans notre dernier numéro comment Louis VIII avait juste avant sa mort (1226) pratiquement mis fin dans le Languedoc à une dissidence politique qui se doublait d'une dissidence religieuse. Cela n'était pas allé sans drames effroyables entre les barons du Nord, rudes et souvent peu raffinés, et les seigneurs du Midi, dont le comte de Toulouse, plus portés à la tolérance, au goût des arts, au charme des “cours d'amour”, mais dont l'insouciance avait laissé se développer l'hérésie cathare, véritable guerre à la création, avec, au nom de la pureté parfaite, refus du mariage, de la famille, de tout devoir d'état et, bien sûr, de l'autorité de l'Église. La civilisation française, pétrie de christianisme et fondée sur la continuité familiale, ne pouvait admettre en son sein ce ferment de dissolution, et le roi se devait de soutenir la croisade lancée par la papauté, qui, en plus, lui donnait l'espoir d'agrandir le territoire de ses pères.
Drame fratricide
Louis VIII, après la quelque peu violente prise d'Avignon, avait vu les ralliements à la couronne se précipiter, mais c'est Blanche de Castille, en tant que régente, qui, après d'habiles négociations, avait conclu ce drame par le traité de Paris signé sur le parvis de Notre-Dame le 12 avril 1229 : le comte de Toulouse qui, pourtant, avait cru, comme tant d'autres féodaux du Nord et du Sud, pouvoir profiter de la régence et de l'appui du roi Edouard III d'Angleterre, pour reprendre la lutte, dut se résoudre à la soumission pieds nus, en chemise. Il donnerait sa fille en mariage à Alphonse, comte de Poitiers, frère cadet du jeune roi de France ; le fief toulousain garderait ses libertés et reviendrait à la couronne si le couple n'avait pas d'enfant.
Le drame fratricide allait certes laisser des cicatrices, mais comme dit justement le duc de Lévis-Mirepoix, « la France du Nord et la France du Midi s'étaient ouvert leurs bras ensanglantés pour demeurer unies dans l'immortalité d'un même destin ».
Cinq ans plus tard, c'est donc à la Provence que pensait Blanche de Castille, Cette femme point laide, mais altière, beaucoup plus crainte qu'aimée, eut le grand mérite de tenir tête à de farouches rébellions, afin de transmettre intacte la couronne au jeune Louis. Il lui fallait maintenant “bien marier” celui-ci.
Le mariage
Après le ralliement (sous Louis VIII) des sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, et presque du comté de Toulouse, pourquoi ne pas tenter l'entrée de la Provence dans le giron capétien ? L'ancien royaume d'Arles, jadis inclus dans la succession des comtes de Toulouse mais encore nominalement terre d'Empire, était alors la possession de Raimond-Bérenger, issu des anciens et puissants comtes de Barcelone ; il était père de quatre filles et d'aucun fils : Marguerite, née en 1221, pleine de douceur et de tendresse, était l'aînée. Depuis un an les négociations allaient bon train entre les envoyés de Blanche et Raimond-Bérenger.
Quand la jeune fille, accompagnée de son oncle Guillaume, évêque de Valence, et de toute une suite de musiciens, approcha de Sens, Blanche et Louis se portèrent à sa rencontre. Le roi, beau jeune homme au teint vermeil, ne put dissimuler sa joie devant cette fiancée qu'il n'avait pas choisie mais qu'il aima tout de suite. Les noces furent célébrées dans une belle simplicité. Certes, pour une jeune fille du Midi habituée, comme son arrière-grand'mère la volage Aliénor, à la vie joyeuse et galante, découvrir un mari déjà adonné à des pratiques religieuses d'une piété exceptionnelle, mais qui pourtant savait rire à l'occasion, fut une surprise. Leur ménage n'en allait pas moins être un modèle de fidélité. Le plus dur serait pour Marguerite de supporter sa belle-mère…
Unions royales
Signalons que toutes les autres filles de Raimond-Bérenger allaient être reines elles aussi : Éléonore allait épouser en 1236 Henri III, roi d'Angletterre, Sancie en 1243 le frère de ce même Henri, Richard de Cornouailles, futur roi des Romains, et Béatrice en 1246 Charles 1er d'Anjou frère de Louis IX, futur roi de Naples et de Sicile.
Certes des étapes durent être ménagées pendant deux siècles pour que la Provence pût être « unie à la France comme un principal à un autre principal », selon le mot de Frédéric Mistral, mais le rapprochement esquissé allait être fructueux, tandis que déjà saint Louis perçait sous Louis IX.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 octobre au 4 novembre 2009
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