Depuis son retour insatisfait de Palestine en 1254, l'idée de repartir en croisade n'avait jamais quitté Louis IX. Il appareille le 2 juillet, et aperçoit Tunis le 15.
Mais son armée est vite décimée, gagnée par la peste…
Cette année-là, la quarante-quatrième de son règne, Louis IX, cinquante-six ans, entamait la célèbre croisade de Tunis, qui allait pour toujours s'inscrire dans la mémoire française.
Un prince aux yeux de colombe
Son image n'avait cessé de s'illuminer au cours des années. Arbitre de l'Europe, justicier, législateur, soldat héroïque, ami des humbles, tendre époux, père de huit enfants (sans compter les trois déjà décédés, dont Louis, qui aurait dû lui succéder), chrétien haïssant tout ce qui pouvait offenser Dieu, le roi est décrit par Georges Bordonove comme « cet homme si doux, ce prince aux yeux de colombe, modestement vêtu mais peigné avec soin et portant un chapeau en plumes de paon blanc, ce roi au visage angélique, très grand, un peu maigre » que les Parisiens vénéraient. Cette âme si parfaitement royale cachait un grand mystère : il brûlait d'offrir sa vie par amour de Jésus-Christ, dont il voulait défendre l'honneur jusqu'au bout.
Depuis son retour insatisfait de Palestine en 1254, l'idée de repartir en croisade ne l'avait jamais quitté.
Dès le 25 mars 1267, jour de l'Annonciation, il avait annoncé sa volonté de reprendre la croix. En juin il avait armé chevalier son fils Philippe, vingt-cinq ans, devenu l'héritier. En 1269, il avait visité plusieurs régions de son domaine, désireux de tout laisser en ordre. Pour le gouvernement, il eût pu nommer régente la reine Marguerite de Provence, mais il la savait trop avide de gouverner et trop portée à se venger de Charles, duc d'Anjou, roi de Sicile (son double beau-frère), qui avait reçu la Provence par son mariage avec Béatrice de Provence. Il avait donc confié le royaume à Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, et à Simon de Nesle.
Optimisme
Toutefois le projet royal était loin de réaliser l'unanimité parmi les chevaliers. Le roi passa outre et annonça que l'on effectuerait un mouvement tournant par Tunis. De là, pensait le roi, on attaquerait l'Égypte, par terre et par mer, puis l'on pourrait aller reprendre Jérusalem. Les dominicains n'avaient-ils pas laissé entendre que le sultan (on disait le roi) de Tunis était favorable au christianisme ? Tout devait donc bien se dérouler.
Le 14 mars 1270, Louis leva l'oriflamme à Saint-Denis, puis alla prier pieds-nus à la Sainte Chapelle et à Notre-Dame. Il embrassa Marguerite et ses plus jeunes enfants en pleurs. En juin, après s'être arrêtée dans chaque basilique, voici, comme vingt-deux ans plus tôt. l'armée à Aigues-Mortes, où les nefs arrivaient lentement. Toutefois l'on appareilla le 2 juillet. Bien vite la tempête fit perdre beaucoup de temps, sans compter les désaccords entre les équipages… Il y eut des morts.
Le 15 juillet, aperçut Tunis. Chose curieuse : aucun défenseur sur le rivage ! On accosta le 18. Pas un point d'eau sous une canicule effarante ! On s'empara facilement du château de Carthage sous le harcèlement de quelques Tunisiens, mais l'on ne tarda pas à comprendre que les braves dominicains avaient pris leurs saints désirs pour des réalités… : le roi de Tunis voulait bel et bien la guerre.
Louis était dans la pire des situations pour l'affronter. Son armée fut vite décimée, gagnée par la peste. L'air devint irrespirable. Les meilleurs chevaliers moururent. Le roi gisait quand on vint lui apprendre avec mille ménagements que son fils bien-aimé Jean-Tristan, juste vingt ans, né pendant sa captivité à Mansourah, était déjà mort. Alors Louis, à bout de forces, dicta ses admirables instructions au prince héritier Philippe.
Sur un lit de cendres
Le dimanche 24 août, se détachant de plus en plus du monde bien qu'encore soucieux des moyens d'amener le roi de Tunis à la foi chrétienne, il se confessa et reçut le saint viatique, puis il entra en prière, étendu sur un lit de cendres en forme de croix. Il trépassa sereinement le 25 août à trois heures de l'après-midi, l'heure même où avait expiré le Christ au Golgotha.
Aussitôt Philippe, devenu Philippe III, reçut l'hommage des barons, tandis que Charles d'Anjou, roi de Sicile, arrivant tardivement avec son armée, se suppléait à son neveu trop abasourdi par l'événement. Il infligea une cuisante leçon au roi de Tunis, qui fut contraint de négocier et de donner toute liberté aux missionnaires et aux marchands chrétiens. Tout n'avait pas été vain et Tunis sentait comme un frisson la victoire morale de Louis dans sa mort. L'épidémie n'ayant pas régressé, Philippe III ordonna le 11 novembre le rembarquement
Louis allait être canonisé en 1297. Comme le dit le duc de Lévis Mirepoix, nous ne le quitterons pas « sans le considérer dans son charme mystique, dans cette grâce aérienne de son âme, dans cette fraîcheur que son nom évoque, dans cette vision qu'il représente du printemps de la France ».
MICHEL FROMENTOUX ; L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 3 au 16 décembre 2009
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