lundi 15 novembre 2010

14 novembre 1771 : naissance de Marie-François-Xavier Bichat / Médecin et biologiste français

La vie fulgurante d'un génie
“Il faut voir avant de réfléchir, saisir les apparences avant de pénétrer les causes; et nos idées sont vagues sur tout objet extérieur si elles ne sont pour nous autant d'images.”
“La vie est la somme totale des fonctions qui résistent à la mort.” Bichat.
Pour situer ce personnage exceptionnel de la période révolutionnaire, qui, en si peu de temps, réussit à transformer l'anatomie et la physiologie cellulaire, bien que n'étant ni professeur, ni docteur, il n'en a pas moins la gloire d'être le seul à avoir sa statue dans la cour d'honneur de la Faculté de Médecine de Paris.
Marie-François-Xavier Bichat est né le 14 novembre 1771 à Thoirette-en-Bresse dans le Jura. Son père, Jean-Baptiste, médecin, a obtenu l'un des premiers en France, le double doctorat de médecine et de chirurgie institué par la Faculté de médecine de Montpellier. Il suit l'enseignement primaire à Poncin. A onze ans, il entra au collège des pères Joséphistes de Nantua, puis, en 1790, au séminaire de Saint-Irénée à Lyon où les Sulpiciens, en charge de l'établissement, acceptent des jeunes gens qui ne se destinent pas obligatoirement à la prêtrise mais désirent étudier la philosophie. Poursuivant sur les traces de son père, il fait ses études médicales à Lyon auprès d'un adroit chirurgien de 25 ans, Marc-Antoine Petit. Lyon est agitée entre partisans et adversaires de la Révolution ; le jeune Bichat, obligé d'interrompre ses études, s'engage dans l'Armée des Alpes avec le grade de chirurgien surnuméraire à l'Hôpital de Bourg-en-Bresse.
Après le retour au calme, début 1794, il se rend à Paris où il devient le collaborateur, le protégé et l'ami du prestigieux chirurgien Pierre Desault, au Grand Hospice de l'Humanité (ancien Hôtel-Dieu).
A l'Hôtel-Dieu, il travaille sans cesse et n'a plus que l'idée fixe, sans hypocrisie, d'attirer sur soi l'attention de son maître. L'occasion lui en sera fournie un jour par hasard ; le grand chirurgien Desault ayant fait un cours sur les fractures de la clavicule, l'étudiant désigné pour recueillir la leçon étant absent, Bichat offre de remplacer ce dernier. Le lendemain, lorsqu'il fit la lecture de ses notes, la pureté de langage, la netteté des idées, l'exactitude d'enregistrement font une grande sensation ; il est applaudi par ses camarades avant même qu'il ait terminé ce sont eux qui, au regard de la postérité, viennent de le distinguer. Le maître apprenant par la rumeur ce qui s'est passé, fait venir auprès de lui ce nouveau venu, le juge, lui ouvre sa maison et lui promet l'avenir… La formation chirurgicale qu'il doit à cet éminent opérateur se reflète constamment dans ses futurs travaux. Xavier rencontre le gotha médical de l'époque : Pinel, l'homme qui libère les fous et les soigne comme des malades, Cabanis, toxicologue distingué, Corvisart, futur médecin de l'Empereur…
L'injustice, la délation ou quelques inimitiés aussi injustifiées que calomnieuses précipitent sans égards Desault dans la morne prison du Luxembourg pour n'avoir pas pansé les blessés du 10 août. Ayant échappé à la guillotine, il est libéré et des honneurs de compensation lui sont offerts : on le nomme professeur de clinique chirurgicale mais les égards tardifs ne le consolent pas.
Le 10 prairial an III (29 mai 1795), Desault, à la suite d'une visite à “l'enfant Capet” (Louis XVII), emprisonné au Temple, est pris d'une forte fièvre accompagnée de frissons. Deux jours plus tard, il meurt brusquement et Bichat se retrouve seul à 24 ans.
Avec amour, Bichat relit, classe, rédige les leçons que n'écrivait jamais son maître ; il les publie en un ouvrage qui est en même temps un hommage au génie de Petit et Desault.
Comme il se sentait promis à une fin prématurée, Bichat a mené, suivant l'expression de Léon Binet “une véritable course contre le temps”. En 1797, il fait un premier cours d'anatomie dans lequel il amorce sa fameuse découverte des membranes synoviales. Les six cents autopsies qu'il fit au Grand Hospice d'Humanité ne sont qu'un exemple de son énorme labeur.
Il sait limiter son champ d'action, il considère la chirurgie comme une base essentielle de toutes les connaissances médicales . “L'universalité des connaissances dans le même individu est une chimère… qui sommes-nous pour oser poursuivre sur plusieurs points la perfection qui, le plus souvent, nous échappe sur un seul”.
En trois ans, il publia trois ouvrages, chacun passant pour un chef-d'oeuvre par les perspectives infinies qu'il fait découvrir et par la nouveauté de l'accent et des idées.
- En 1799, dans le “Traité des Membranes” pour la première fois, sont décrites les synoviales : “Tous les animaux sont un assemblage de divers organes qui en exécutant chacun une fonction concourent… à la conservation du tout . Or ils sont formés de différents tissus de natures très différentes et qui forment les éléments de ces organes”.
- “Les Recherches physiologiques sur la Vie et la Mort” divisées en deux parties, l'une théorique, bourrée d'idées neuves sur les différentes fonctions de la vie organique : digestion, respiration, circulation, absorption, exhalations, sécrétions, nutrition ; l'autre expérimentale, exposant à l'aide de considérations tirées de l'anatomie, de la physique et de la pathologie, le passage de la vie à la mort et l'influence qu'exercent les uns sur les autres les principaux organes du corps humain.
- son traité d'”Anatomie Générale” voit la création de la notion de tissu où il décompose les organes en leur tissu élémentaire. Il en décrit 21 variétés selon leurs caractères distinctifs, notamment le système cellulaire, le système séreux, et le système synovial. Bichat développe les notions de contractilité, d'irritabilité et de tonicité et entrevoit les mécanismes physiologiques de balancement entre anabolisme et catabolisme. Il écrira également les deux premiers volumes d'une “Anatomie Descriptive” qu'il n'aura pas le temps d'achever.
Il éteint sa fièvre de publication et la soif de connaître par l'ardente préférence du travail qu'il a choisi et non pour la compensation d'une misère ou d'un refoulement que certains lui ont prêté.
Il ne cache pas que “la gloire alimente les talents ; son espérance est l'aiguillon de ceux qui se forment ; sa jouissance, le prix de ceux qui se sont formés “.
En 1799, il fait une hémoptysie, révélation d'une phtysie, sans doute tuberculeuse, et conséquence d'une activité débordante dans les laboratoires insalubres, penché sur les cadavres fétides.
En 1796, il avait créé la “Société Médicale d'Emulation” à laquelle il consacra toujours une grande part de son activité. C'est une des plus brillantes associations scientifiques de l'époque qui groupe entre autres : D. Larrey, Bayle, Laënnec, Dupuytren, tous élèves de Bichat, rejoints par Pinel, Fourcroy et Corvisart, qui se constitueront plus tard en école anatomo-clinique, l'une des gloires de la Médecine Française. Dans le même temps, il ouvre rue des Grès (actuellement rue Cujas) un cours privé d'anatomie auquel il ajoute, peu après, l'enseignement de la médecine opératoire. La Société d'émulation et la Société de médecine ayant fusionné en octobre 1800 pour devenir la Société de médecine de Paris, Bichat en devient le secrétaire.
La publication du Traité des membranes en pluviôse an IV (juillet 1799) retient d'emblée l'attention du monde savant, si bien que l'Institut le range au nombre des ouvrages méritant les honneurs de la proclamation à la fête du 1er Vendémaiaire. Peu après, il se voit dispensé du doctorat en médecine que semble lui conférer d'office sa notoriété, il est nommé médecin-chef de l'Hôtel-Dieu.Il est tout juste âgé de vingt-neuf ans.
Six mois plus tard, il publie de ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort.
Son traite d'Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine verra le jour en août 1801. C'est une œuvre gigantesque, puissante, rédigée dans une langue concise et imagée. Tout au long des quatre volumes, on retrouve la marque de leur auteur, faite à la fois d'érudition, de déduction, d'analyse, d'innovation.
Il adresse une lettre à Chaptal Bichatalors Ministre de l'Intérieur dans laquelle il expose ses titres avec une modestie remarquable pour solliciter une place de Médecin à l'Hôtel-Dieu, sans aucun traitement, charge qui n'impose que des devoirs.
Ses projets ne pourront se réaliser ; avant même d'avoir reçu une réponse, il fait une chute dans un escalier de l'Hôtel-Dieu en venant visiter les salles de nécropsie. Le 18 messidor an IX (7 juillet 1802), il perd connaissance. Il est en proie à des céphalées violentes, des troubles intestinaux, un assoupissement et des phénomènes ataxiques se succèdent ; Bichat succomba le quatorzième jour de sa maladie le 22 juillet 1802 ; il avait 31 ans. Il est enterré à Paris au cimetière du Père Lachaise.
Aussitôt après sa mort, Corvisart écrivait au Permier Consul: “Il est resté sur un champ de bataille qui veut aussi du courage et qui compte plus d'une victime. Personne en si peu de temps n'a fait tant de choses et si bien.” Une statue de Bichat, œuvre du sculpteur David d'Angers, se dresse depuis 1859 dans la cour d'honneur de l'ancienne faculté de médecine de Paris.
L'imprévoyance et la pauvreté de Bichat se manifesteront après sa mort : il n'avait pas chez lui de quoi payer ses obsèques. Certes, les idées qu'il a émises sont périmées de nos jours mais ” elles vivent encore, plus ou moins modifiées, comme tout ce qui vit, mais reconnaissables toujours “.
Flaubert ne disait-il pas que la grande école médicale française est sortie du tablier de Bichat.
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