Le combat fut héroïquement conduit par les chefs comme par les troupes.
Les bombardements de l’artillerie lourde allemande, du 21 février et de la nuit du 21 au 22, précédèrent la ruée des divisions d’assaut ; nulle part encore, sur aucun front et dans aucune bataille, on n’en avait connus de pareils. Ils visaient à créer une "zone de mort", dans laquelle aucune troupe ne pourrait se maintenir. Une trombe d’acier, de fonte, de shrapnels et de gaz toxiques s’abattit sur nos bois, nos ravins, nos tranchées, nos abris, écrasant tout, transformant le secteur en un champ de carnage, empuantissant l’atmosphère, portant l’incendie jusqu’au coeur de la ville, s’attaquant même aux ponts et aux localités de la Meuse jusqu’à Genicourt et Troyon. De formidables explosions secouaient nos forts, les empanachaient de fumée.
On ne saurait décrire une telle action, qui n’a sans doute jamais été égalée en violence et qui concentra, sur le triangle étroit compris entre Brabant-sur-Meuse, Ornes et Verdun, le feu dévastateur de plus de deux millions d’obus !
Lorsque les troupes allemandes se portèrent en avant, par petits éléments, le 21 après-midi, puis le 22 au matin - après une nuit où l’artillerie avait repris sans interruption son "pilonnage" infernal - par colonnes se poussant les unes les autres, elles espéraient progresser l’arme à la bretelle.
Quelles ne furent pas leur stupéfaction et leur désillusion de voir que partout, sur leur chemin, des Français surgissaient des décombres et, loqueteux, épuisés mais redoutables quand même, défendaient les ruines de tous leurs points d’appui !
La résistance des chasseurs de Driant, le député-soldat, l’écrivain de "La Guerre de demain" et de "La Guerre de forteresse", veut qu’on la rappelle.
Dans le bois des Gaures veillaient les 56e et 59e bataillons de chasseurs, avec quelques éléments du 165e d’infanterie, en tout quelque douze cents hommes : six batteries de 75 et huit batteries lourdes les appuyaient. Ils furent assaillis par les quatre régiments (80e, 91e, 87e, 88e) de la 21e division, soit huit à dix mille hommes, que soutenaient sept batteries de 77 mm et environ quarante batteries lourdes.
Le bombardement préparatoire les avait littéralement écrasés ; la plupart des abris s’étaient effondrés sous les explosions ; les pertes, avant la prise de contact avec l’assaillant, atteignaient un chiffre très élevé. Nos chasseurs tinrent cependant à l’intérieur du bois, cernés et traqués de tous côtés, pendant près de vingt-quatre heures. Voici dans quels termes émouvants le lieutenant-colonel Grasset, qui a étudié en historien avisé le détail de ces journées, décrit la fin de ce magnifique fait d’armes :
« Le colonel Driant, avec le fourrier Leclère et le chasseur Papin, qui ne l’ont pas quitté, est dans un trou d’obus... Papin est atteint d’une balle. Le colonel lui fait un pansement provisoire, lui serre la main, puis sort seul et vient vers une tranchée où le chasseur Lefèvre l’attend. Mais il y va tout droit, sous le feu des mitrailleuses, au lieu de prendre à gauche, à l’abri d’une petite crête, comme le faisait à ce moment le lieutenant Simon. Il en était à dix mètres : une balle l’atteint au front et il tombe sans prononcer une parole.
Quelques minutes plus tard, le sergent Lauthez, qui franchissait la route à une centaine de mètres plus au sud, aperçut le colonel immobile à l’endroit où la mort l’avait pris. Pas plus que le chasseur Lefèvre, sous la pluie des balles, il ne put aller jusqu’à lui. Tout près de là passait à ce moment le commandant Renouard qui se dirigeait droit au sud ; il disparut derrière une crête, et personne ne le revit plus.
Le magnifique groupe de Driant était mort !
Descendirent seuls, ce soir-là, du bois des Caures, en petites fractions qui se rassemblèrent peu à peu à Vacherauville :
- du 56e bataillon : le capitaine Vincent, atteint de deux blessures et réservé pour une mort glorieuse sur un autre champ de bataille ; le capitaine Hamel, le capitaine Berveiller, le lieutenant Raux et le sous-lieutenant Grasset, avec une soixantaine de chasseurs ;
- du 59e bataillon : le lieutenant Simon, les sous-lieutenants Leroy et Malavault, avec 50 chasseurs.
C’est tout ce qui restait de 1 200 combattants ! »
Maréchal de France
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