L’élection d’Arafat à la tête de l’État palestinien à naître conduit les commentateurs à se poser gravement la question : sont-ce les résistants palestiniens qui ont inventé les “pirates de l’air” ? Les uns soutiennent cette hypothèse, d’autres prétendent au contraire que c’est De Gaulle qui créa ce nouveau délit en faisant enlever Ben Bella en plein ciel ; d’autres encore assurent que c’est Robert Hemmerdinger, fondateur du Front national des Français juifs qui fut le premier pirate de l’air en tentant de s’emparer de la Caravelle qui le conduisait à Paris après son arrestation avec plusieurs autres membres de l’OAS.
Eh bien, tout cela est faux. C’est en 1916, le 29 janvier exactement, que l’expression “pirates de l’air” vint pour la première fois sous la plume d’un journaliste au lendemain du bombardement de Ménilmontant par les zeppelins.
Intitulé “Zeppelins sur Paris, les crimes des pirates de l’air“, le récit, par Jean Bernard dans La Vie de Paris, de ce qui fut sans doute le premier bombardement civil de l’histoire vaut d’être rapporté dans les termes employés à l’époque.
Il était à peine dix heures (du soir), le ciel était clair et le temps était si doux que les parisiens déambulaient par les rues en devisant, le nez au vent, les mains aux poches. (…) les premiers appels de trompe des pompiers déchirèrent l’air.
- Tiens ! Des zeppelins !
Une simple constatation mais pas de panique et les familles continuèrent de dévaler lentement pour regagner leur logis. On peut bien l’avouer, personne n’avait peur et, sur le pas des portes, les commères devisaient, donnant leur avis.
- Dame, ce n’est pas étonnant, c’est ce soir qu’on devait allumer quelques centaines de nouveaux becs de gaz. Ils auront été avertis et ils nous envoient leur salut.
Les gamins intéressés suivaient les conversations mais pas un ne songea à rentrer. On eût dit une soirée de fête. Toutes les têtes se dressaient vers la voûte sombre, suivant dans les airs les petites étoiles filantes formées par les avions de combat qui balayaient le ciel.
Des détonations sourdes, à plusieurs reprises, vinrent secouer les causeurs.
- Ce sont des bombes, disait-on. Mais personne ne voulait croire à la randonnée des monstres ennemis.
- Nous sommes trop bien gardés ! Ils ne pourraient pas venir. Et puis, zut ! Nous n’avons pas peur.
Cette phrase de défi justifiait toutes les audaces. Les curieux emplissaient les larges voies, interrogeant les sergents de ville.
- Où sont-ils, Monsieur l’agent ? On voudrait tout de même bien les voir. Les policiers avaient des gestes vagues et imprécis.
- Rentrez chez vous, cela vaut mieux que d’attendre les bombes.
Et, comme il se faisait tard et qu’une obscurité quasi complète enveloppait la capitale, chacun regagna son domicile en ne songeant même plus aux dirigeables allemands.
Hélas ! En ouvrant les yeux, le matin, les Parisiens furent douloureusement surpris. Un zeppelin, pour de bon, avait survolé Paris et jeté quatorze bombes sur la capitale. Les journaux, par prudence, taisaient le nom du quartier, le populeux Ménilmontant, où le crime s’était accompli, mais le secret fut bientôt celui de Polichinelle et il n’était pas dix heures que Paris montait déjà vers les lieux sinistrés. Autos de maître, taxis de louage, motocyclettes et bicyclettes escaladaient les pentes pittoresques du XXe arrondissement.
Les soldats du Kaiser avaient frappé des innocents. Ce n’était ni des monuments historiques, ni des bâtiments intéressant la pyrotechnie de la guerre, ni des casernes qui avaient été atteints. Non. C’étaient les demeures ouvrières d’un pauvre coin paisible. Des femmes, des petits enfants, des vieillards, voilà les victimes.
Si les Allemands, à bout de forces, ont voulu terroriser la population parisienne, ils se sont bien trompés ! Personne n’en a peur. Pas plus les grands que les petits. Et le mot de la situation m’a semblé être donné par une brave ouvrière qui revenait du marché, son filet à la main, et qui disait à sa voisine :
- Au fond, ce n’est pas un mal. On souffre si peu, nous autres, pendant que nos hommes se battent, qu’on oublierait presque que c’est la guerre.
Ce premier bombardement fit vingt victimes dont les obsèques furent célébrées le 7 février 1916 en l’église Notre-Dame de la Croix de Ménilmontant. Le cortège, en marche vers le Père Lachaise, s’arrêta devant la mairie du XXe où une estrade avait été dressée. L’oraison funèbre des vingt malheureux fut prononcée par le ministre de l’Intérieur Malvy, qui devait, un an plus tard, sur dénonciation de Clemenceau, être condamné au bannissement pour forfaiture. Il avait protégé les meneurs défaitistes et soutenu une feuille de liaison vendue aux Allemands : “Le Bonnet rouge”.
Son petit-fils, Martin Malvy, ancien ministre du gouvernement Cresson, est aujourd’hui porte-parole du Parti socialiste…
Serge de Beketch http://www.france-courtoise.info
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