mardi 31 août 2010

2 septembre 1870 : Napoléon III est fait prisonnier à Sedan

Le 2 septembre 1870, les Prussiens reçoivent la capitulation d'une armée française enfermée à Sedan, dans les Ardennes. Ils font 83.000 prisonniers y compris l'empereur des Français. Napoléon III envoie un simple télégramme à l'impératrice Eugénie : «L'armée est vaincue et captive, moi-même suis prisonnier».

C'est la quatrième fois dans l'Histoire de France qu'un souverain est capturé sur un champ de bataille. Ce désastre signe l'échec de la guerre engagée à la légère par les Français six semaines plus tôt.

Joseph Savès

Une guerre mal engagée

Napoléon III a déclaré la guerre à la Confédération d'Allemagne du Nord le 19 juillet 1870 d'une façon pour le moins maladroite et précipitée, sans prendre la peine de s'assurer le soutien des grands États européens ni de vérifier les dispositions de l'armée.

La France n'est en mesure de mobiliser que 265.000 hommes, sur un front de 250 kilomètres, de Thionville à Bâle. De leur côté, la Prusse et ses alliés d'Allemagne du Sud en alignent immédiatement 600.000 grâce à une organisation bien rodée et à un réseau ferroviaire très dense.

Les armées françaises sont très vite bousculées par la coalition allemande. Les Français subissent plusieurs défaites non dépourvues de panache comme à Wissembourg, le 4 août 1870, et surtout à Froeschwiller-Woerth, le 6 août. Ce jour-là, à deux reprises, près du village de Reichshoffen, les cuirassiers à cheval chargent sabre au clair dans les houblonnières. Empêtrés dans les piquets et les fils, hommes et chevaux se font absurdement massacrer.

À la suite de ces défaites, qui entraînent l'évacuation de l'Alsace et de la Lorraine, le commandement en chef passe au maréchal Bazaine. Brave mais indécis, celui-ci tente de replier ses armées de l'Est sur Verdun mais se voit barrer la route par l'ennemi. Plutôt que de forcer le passage, il se laisse enfermer dans la place forte de Metz.

Le piège de Sedan

Un mois après la déclaration de guerre, il ne reste à la France que 130.000 hommes de la première armée, regroupés au camp de Châlons sous le commandement du maréchal de Mac-Mahon. L'empereur l'accompagne mais, très malade en raison d'un caillou dans la vessie et pouvant à peine circuler en voiture, il se garde de diriger les opérations.

L'armée manoeuvre en vue de secourir le maréchal Bazaine assiégé à Metz. Celui-ci, qui songe déjà à se rendre, reste étrangement inactif. C'est ainsi que Mac-Mahon est battu le 30 août à Beaumont et, faute de mieux, se replie sur la place forte de Sedan. Le 1er septembre au matin débute la bataille décisive. Blessé, le maréchal de Mac-Mahon laisse le commandement au général Ducrot et celui-ci au général Wimpffen, «le plus ancien dans le grade le plus élevé».

Écrasés par l'artillerie allemande, les Français sont impuissants à desserrer l'étau. L'empereur souffre le martyre et se désespère de laisser tant d'hommes aller à une mort inutile. Lui-même, malgré sa maladie, monte à cheval et va au-devant de la mitraille. Mais la mort se refuse à lui. Le lendemain, soucieux d'éviter un massacre inutile, il donne l'ordre de se rendre et se rend auprès de l'état-major allemand. Il est reçu dans une modeste maison non par le roi Guillaume 1er mais par le chancelier Bismarck.

L'acte de capitulation est signé au château de Bellevue, sur une hauteur à quelques kilomètres de Sedan. À Lyon, Marseille et Paris, sitôt connu le désastre, l'empereur est déchu et la République proclamée.

Le gouvernement provisoire poursuit la guerre cependant que les Prussiens se dirigent à marches forcées vers Paris. La capitale va subir un siège éprouvant jusqu'à l'armistice de janvier 1871.

De son côté, l'ex-empereur quittera sa prison de Wilhelmshösse, dans la Hesse, et rejoindra sa femme, l'ex-impératrice Eugénie, à Londres. C'est là qu'il mourra le 9 janvier 1873, en se faisant opérer de la maladie de la pierre. Son fils unique, le prince Eugène, sera tué en combattant les Zoulous d'Afrique du Sud au service de l'armée anglaise, en 1879. La mort tragique du Prince impérial laissera orphelins les derniers bonapartistes. -

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dimanche 29 août 2010

La prime au crime et à la trahison : L'Affaire Djamila Amrane-Minne

Comment une terroriste criminelle du FLN, ayant du sang sur les mains, a-t-elle pu poursuivre une carrière universitaire en France sans être inquiétée ? Un article de Mattheus.
Au moment où l'État Algérien - l'État-FLN - vient encore, une fois de plus, déverser sa haine anti-française sur les ondes internationales en déclarant que son Assemblée examinerait bientôt un projet de loi « criminalisant le colonialisme français » ; au moment où l'état français ne trouve rien d'anormal à ce qu'une ancienne terroriste vienne bénéficier du système de santé d'un pays qu'elle avait combattu naguère de la manière la plus lâche, il semble opportun et nécessaire de mettre en lumière une affaire jusqu'ici passée sous silence par tous les médias français : l'affaire Djamila Amrane-Minne.
De quoi s'agit-il ? D'un nouveau dossier Boudarel*, d'une nouvelle forfaiture d'état, d'un nouveau caillou noir à jeter dans le jardin du déshonneur français. Mais qui est Djamila Amrane-Minne ?
Née en 1939 en métropole, Danielle Minne, de son nom de jeune fille, arrive avec sa famille en Algérie en 1948 et devient, à l'âge de 17 ans, membre du « réseau bombes » de Yacef Saadi. A cette époque, fin 1956, début 1957 (début de la Bataille d'Alger), le FLN, dont la politique terroriste est librement affirmée et revendiquée, cherche des jeunes femmes à l'allure innocente pour distraire l'attention de la police et poser des bombes dans les lieux publics. Danielle Minne, qui prend le pseudonyme de « Djamila », est l'une d'entre elles.
Dans l'après-midi du 26 janvier 1957, la jeune femme entre au bar Otomatic, à Alger, et va déposer un engin explosif dans les toilettes. Elle ressort. Quelques minutes plus tard, la bombe explose, suivie de deux autres détonations à la Cafétéria du Milk-Bar (déjà touchée quelques mois plus tôt) et au café du Coq-Hardi. Bilan : 4 femmes tuées, une soixantaine de blessés (plusieurs amputés), dont de nombreux enfants. Un élément de plus dans la lutte de terrorisme aveugle à laquelle se livre le Front de Libération National, presque unanimement considéré aujourd'hui, en France comme (évidemment) en Algérie, comme un mouvement de combat pour la liberté, une sorte de Résistance luttant contre l'hydre fasciste incarnée par la présence française en Afrique du Nord. Danielle Minne, ayant rejoint les maquis FLN, est vite arrêtée. Jetée en prison, elle en ressort à l'époque de l'indépendance.
Mais cela n'est rien. Cela est de l'histoire ; histoire d'un terrorisme lâche et sans honneur, certes, mais comme en tant d'autres lieux et à tant d'autres époques. Cela n'est rien, car le pire est à venir et il nous est scandaleusement contemporain.
Danielle Minne, devenue après mariage, Djamila Amrane-Minne, a pu, sans jamais être inquiétée, sans jamais qu'un obstacle vienne se mettre sur son chemin, devenir universitaire en France et suivre, dans le pays même qu'elle avait trahi, une carrière parfaitement honorable à l'ombre du statut avantageux de fonctionnaire de l'enseignement supérieur. Oui, une porteuse de valise du FLN, pire, une poseuse de bombes, une terroriste revendiquée, est devenue, avec la bénédiction passive et le soutien actif de l'Etat et de ses institutions, Maître de Conférences à l'Université du Mirail, à Toulouse.
En 2002, elle est même nommée Professeur des Universités, plus haut grade de la hiérarchie, par un décret signé de Jacques Chirac, Président de la République ! Pendant des années, cette femme a enseigné l'histoire de la décolonisation (sic !), publiant articles et ouvrages sur la question, avec une prédilection particulière, nous indique sa bibliographie, pour le sort des femmes sous la colonisation française, elle qui, lors des attentats de janvier 1957, avait froidement contribué à en tuer quatre, et à en blesser plus d'une vingtaine ! Membre du Groupement de Recherches en Histoire Immédiate (GRHI), son statut l'autorisait à siéger en jurys de thèse universitaire, et à encadrer de jeunes chercheurs.
Voilà comment on écrit l'Histoire... Voilà comment on crache sur la France... Imagine-t-on un seul instant un ancien de l'OAS, jamais repenti, professeur à l'Université d'Alger, et recevant aujourd'hui une retraite de l'État algérien ?
Que l'Algérie, pays dévasté par un demi-siècle de dictature et de guerre civile, honore les Français qui se sont joints au terrorisme FLN, c'est une chose. Mais que la France ait pour une terroriste patentée la sollicitude et les égards qu'elle a toujours refusés aux Pieds-Noirs et aux Harkis, sacrifiés pour raison d'état, c'est à la fois une honte, et un crime. Une honte qui entache le blason déjà marqué de notre histoire nationale. Un crime à l'égard du peuple français et de ceux, nés sur les deux rives de la Méditerranée, qu'ils soient de souche européenne ou nord-africaine, chrétiens ou musulmans, qui ont vécu et sont morts pour la justice et l'honneur de notre pays.
On va dire que nous cherchons à rouvrir les blessures du passé... Mais elle ne sont pas refermées. Elles resteront béantes tant que des injustices de cette espèce seront permises ou favorisées. On va dire qu'il y a prescription, et amnistie, ce qui est vrai. Mais notre but n'est pas de traîner Mme Amrane-Minne devant les tribunaux. Elle a affaire avec celui de sa conscience. Notre but est seulement de projeter la lumière crue de la vérité sur ce dossier honteux, et de faire en sorte que les Français, tous les Français, puissent contempler cette trahison personnelle récompensée par une trahison d'état !
Bien que dotées d'un statut autonome assez avancé, les universités françaises sont publiques. Elles vivent par le soutien de l'Etat. Celui-ci, s'il était dirigé par des hommes honnêtes ayant à coeur l'intérêt général, l'honneur de son peuple et le respect de son histoire, ferait au moins en sorte de dénoncer publiquement ses errements de cinquante ans. Un Etat honnête, au minimum, suspendrait immédiatement toutes les prestations publiques dont Mme Minne, on l'imagine, bénéficie dans sa retraite. Par respect pour les seules victimes, ce serait la moindre des choses.
Il n'en sera rien, hélas ! Les Français d'Algérie, victimes d'une épuration ethnique oubliée, et les survivants Harkis, musulmans fidèles remis aux balles, aux couteaux et aux scies des égorgeurs, apprécieront l'étendue de l'outrage.
Les Français de métropole, eux, qui pour beaucoup, font face comme ils le peuvent à une crise économique et morale sans précédent, n'auront rien à dire, comme d'habitude. En plein débat truqué sur « l'identité nationale », le travail honnête et le patriotisme silencieux ne sont plus des valeurs quand la trahison et l'assassinat permettent l'avantage d'une carrière paisible sous le refuge des honneurs publics.
Dès 1963, Djamila Amrane-Minne s'est piquée de poésie, publiant des textes inspirés de sa « lutte » révolutionnaire. Une autre poétesse, américaine, celle-là, et aux mains non entachées du sang des siens, a écrit : « Pécher par le silence quand nous devons protester transforme les hommes en lâches ». (Ella Wheeler Wilcox. 1850-1919)
Alors nous protestons ! Nous protestons aussi fort que nous le pouvons pour mieux montrer à tous l'odieux visage que sait si bien adopter la lâcheté de l'état français quand il vient à s’abaisser dans la plus indigne des forfaitures !
© Mattheus pour LibertyVox
Pour contacter l'auteur : mattheus@libertyvox.com
Notes :
*En 1950, Georges Boudarel, militant communiste français, passe au Vietminh. Nommé commissaire politique dans un camp de prisonniers, il y torture ses compatriotes. Revenu des années plus tard en France, il entreprend, sans jamais être inquiété, une carrière universitaire. A la veille de sa retraite, alors que, sans honte, il demande à l'Etat de faire reconnaître et valoir ses années indochinoises comme « voyage d'études en Extrême-Orient », il est reconnu par des anciennes victimes. S'ensuit un procès, qui n'aboutit à rien. Boudarel, bénéficiant de sa retraite allouée par l'état français, s'éteint paisiblement en 2003.

jeudi 26 août 2010

Les découvertes de Dumont d’Urville

Jules Dumont d’Urville (1790-1842) est l’un des derniers grands explorateurs français alliant qualités de navigateur et curiosité scientifique, dans la lignée de Bougainville et de La Pérouse. De la Vénus de Milo à la Terre Adélie, la France lui doit d’importantes découvertes.

Né en 1790 à Condé-sur-Noireau (Calvados), son éducation est confiée à son oncle,l’abbé de Croisilles, suite au décès de son père, Gabriel Jean François Dumont, seigneur d’Urville. Engagé dans la Marine à dix-sept ans, il devient, en 1812, enseigne de vaisseau. En 1819, il prend part à une expédition scientifique en Mer Noire et dans les îles grecques. Sur une île de la Mer d’Egée, une statue antique vient alors d’être exhumée par un paysan travaillant son champ.
Dumont d’Urville, saisissant l’importance de cette découverte, écrit à l’ambassadeur français à Constantinople. Après de longues tractations, ce dernier parvient à acquérir, pour le compte de la France, cette statue remarquable, qui deviendra célèbre sous le nom de Vénus de Milo et sera conservée au Louvre.

En 1826, on lui confie le commandement de L’Astrolabe et de La Zélée, deux corvettes destinées à explorer l’Océanie. Son expédition de 35 mois procura à la géographie et à la navigation la reconnaissance de terres alors peu connues : Nouvelle-Irlande, Nouvelle-Bretagne, Nouvelle-Guinée… Mais surtout, Dumont d’Urville parvient à localiser les restes de l’expédition de La Pérouse, disparue corps et biens en 1788. Les immenses récoltes d’histoire naturelle, amassées durant tout le cours de la campagne, furent déposées au retour au Muséum d’Histoire Naturelle et le Musée maritime s’enrichit d’un nombre considérable d’objets des peuples visités.
Laissé au “repos” par la Monarchie de Juillet, le marin doit attendre 1837 pour reprendre la mer, à la tête d’une expédition dans les mers australe. En 1839, malgré le scorbut et les glaciers, il parvient à découvrir de nouvelles terres dans l’Antarctique. Repoussant la limite australe de la navigation établie par James Cook (1728-1779), il atteint, par plus de 60 degrés de latitude sud, une terre inconnue qu’il baptise Terre Adélie, en l’honneur de son épouse, Adèle. Menacé par le labyrinthe de glace qui se referme sur son bateau, il met cap au Nord au début du mois de février 1840 et rentre en France via la Nouvelle-Zélande et l’Océan Indien.
A son retour, Dumont d’Urville est nommé contre-amiral et reçoit la grande médaille d’or de la Société de Géographie.
En 1842, celui qui avait affronté tous les dangers de la mer meurt dans un accident de train lors de l’inauguration de la ligne Paris-Versailles. Son corps, ainsi que ceux de sa femme et de son fils, reposent au cimetière du Montparnasse.
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La Grande Guerre : Après l’Affaire Dreyfus

En ces premiers jours de juin 1916, l’heure est à l’union sacrée et à la réconciliation générale. Le cardinal Amette, cardinal-archevêque de Paris, a dit l’absoute aux funérailles nationales accordées au général Gallieni, athée militant qui, deux ans plus tôt, lui avait interdît la visite des blessés dans les hôpitaux parisiens. Poincaré vient d’épingler la Légion d’honneur sur la poitrine de la reine des Belges sans que les républicains fanatiques y trouvent rien à redire.

Mieux encore : le président de la République a décoré deux "émigrés", les princes Sixte et Xavier de Bourbon Parme, frères de l’archiduchesse-héritière d’Autriche, qui, dans l’armée belge, se sont, selon la citation qui accompagne le ruban rouge, « signalés par leur courage, le mépris du danger et le dévouement absolu dont ils ne cessent de faire preuve ». Les gazettes, en ce début de juin, s’émerveillent de tels spectacles qui « serviront demain ceux qui soutiennent des idées de royauté comme ceux qui préconisent les principes démocratiques ».

On énumère les exemples édifiants : « N’a-t-on pas vu des socialistes servir et tomber avec zèle aux côtés du lieutenant-colonel Drian, député de la droite et gendre du général Boulanger ? N’a-t-on pas vu les pacifistes d’avant 14 faire leur devoir brillamment et recevoir la Légion d’honneur sur le champ de bataille sous les ordres de jésuites qui ont quitté la soutane pour endosser le dolman d’officier ? »

D’autres, pourtant, s’indignent que ces embrassades unanimistes vont un peu trop loin. Jusque dans la gauche patriotique, on trouve assez malvenue la revendication d’une "Académie nécrologique des amis de Jaurès" qui, à Paris, réclame une avenue et, à Toulouse, a débaptisé les « légendaires allées La Fayette » pour leur donner le nom du « Grand Homme d’Etat ». Ces « fanatiques nouveaux ne doutent plus de rien », protestent certains qui s’indignent que l’on puisse honorer si tôt un homme qui, en 1907, c’est-à-dire il n’y a pas dix ans, appelait dans son discours du Tivoli-Vauxhall les travailleurs à se servir des fusils « non pour aller fusiller de l’autre côté de la frontière des prolétaires mais pour abattre révolutionnairement des gouvernements de crime ».

Dans la recherche d’exemples spectaculaires de réconciliation, les gazettes ont eu l’idée de rechercher les acteurs de l’Affaire Dreyfus dont les terribles déchirements franco-français sont encore, bien évidemment, dans toutes les mémoires.

Les reporters ont vu « le commandant Alfred Dreyfus, tout auréolé de la Légion d’honneur décernée en 1906 pour solde de tous comptes, à la tête d’une batterie du secteur de Paris, discutant stratégie avec des officiers qui avaient déposé contre lui au procès de Rennes ».

Les commentateurs relèvent que le neveu du capitaine, Emile Dreyfus, dont le père, Mathieu, fut l’âme agissante de "l’Affaire", a, comme son beau-frère Adolphe Reinach, fils de Joseph, été tué en Champagne où il avait gagné la Légion d’honneur au feu, à l’exemple d’ailleurs du fils du colonel du Paty de Clam ; cependant que ce dernier, qui avait été "la dame voilée" de l’Affaire, a reçu, quant à lui, la Croix de guerre.

Les gazettes ont également retrouvé le commandant Anthoine et le commandant de Saint-Morel à qui le capitaine Lebrun-Renault, chargé d’arrêter le capitaine Dreyfus, avait rapporté l’aveu de son prisonnier admettant qu’il avait confié des documents aux Allemands mais « pour les amorcer ». Ils sont aujourd’hui tous les deux généraux.

Le commandant Lauth, dit "le lampiste" alors qu’il joua tout au long de l’Affaire un rôle déterminant en permettant d’abord l’identification de l’auteur du "bordereau" puis en témoignant à charge, est également repéré. Malgré la haine du puissant parti dreyfusard, il a obtenu les galons de colonel et commande un régiment en Lorraine avec « une telle intrépidité que les intellectuels qui l’avaient hué à Rennes l’acclament aujourd’hui ».

En somme, pour une fois, toute la presse est d’accord, jamais la Mort n’a mieux mérité son surnom de "Grande réconciliatrice".

lundi 23 août 2010

Retour sur l’affaire des fosses du franquisme : Garzón, juge intègre ou prévaricateur ?

L’esprit de la Transition démocratique, qui marqua si nettement la vie politique espagnole pendant plus d’un quart de siècle, aurait-il vécu ? Ne serait-il qu’un souvenir éculé ? A en juger par la vague de sectarisme soulevée par « l’affaire du juge Baltasar Garzón », au printemps 2010, la question mérite d’être posée.
De l’avis général, l’instruction contre le magistrat-vedette a exacerbé les tensions du pays, divisant l’opinion publique en deux camps. Une détérioration du climat politique d’autant plus regrettable que l’Espagne se débat dans une profonde crise économique.
En quelques jours d’informations-désinformations, le juge de l’Audience nationale, Baltasar Garzón s’est converti en véritable phénomène médiatique. Ses admirateurs étaient des milliers à protester « contre l’impunité du franquisme », le 24 avril 2010. Dans les rues de Madrid, ils arboraient le drapeau tricolore de la République et le drapeau rouge communiste. Ils réclamaient à grands cris le retour de la République et l’interdiction du Parti populaire. Pour tous, il n’y avait pas de doute : le procès contre le juge salissait la mémoire des victimes et constituait un « scandale sans précédent ».
Propos excessifs d’une minorité de revanchards ? Certes ! Mais il y a plus préoccupant. Des personnalités habituellement peu enclines au radicalisme extrémiste ont jeté leur part d’huile sur le feu. Le quotidien proche du gouvernement, El País, a soutenu sans réserve Garzón, reproduisant les propos les plus insultants pour le Tribunal suprême, critiquant à l’envi, Luciano Varela, le juge chargé de l’instruction.
Pour comprendre vraiment l’affaire Garzón, encore faut-il prendre la peine de s’informer sérieusement. Ce travail, à l’évidence, les grands médias français n’ont pas jugé utile de le faire.
Un détail important a été passé sous silence. Garzón n’est pas jugé pour avoir voulu ouvrir les fosses du franquisme ou enquêter sur les crimes du régime, mais pour « prévarication volontaire » ou manquement grave aux obligations de sa charge. Dans un État de droit, à plus forte raison dans une démocratie, à partir du moment où un juge prétend se substituer au législateur, dès l’instant où il viole délibérément la loi, il est juridiquement mort. Cela, pas un juriste digne de ce nom ne l’ignore.
Mais revenons sur les faits :
Le 26 décembre 2007, José Luis Zapatero fait adopter une « loi de mémoire historique » dont l’origine se trouve dans une proposition du parti communiste (Izquierda Unida). Cette loi a pour objet d’honorer et de récupérer la mémoire de tous ceux qui furent victimes d’injustices pour des motifs politiques ou idéologiques ou de croyances religieuses pendant et après la guerre civile. Elle est le résultat d’un consensus entre la gauche et les partis nationalistes basque (PNV) et catalan (CIU). Ces derniers, de sensibilité démocrate-chrétienne, ont réussi à faire admettre les « croyances religieuses » parmi les motifs de répression. Leur amendement s’est cependant révélé d’un effet limité. Dès sa promulgation, la « loi de mémoire historique » a été systématiquement interprétée en faveur des représentants et sympathisants du camp républicain et de leurs seuls descendants.
Conscient de manier une bombe à retardement, le gouvernement socialiste a d’abord choisi l’inertie. Au dire du secrétaire général d’Amnistie internationale, Claudio Cordone, en matière d’exhumations des restes des fosses communes il n’a fait « pratiquement rien ». Il s’est contenté de laisser agir des associations privées en les subventionnant largement.
Le 16 octobre 2008, Baltasar Garzón, juge d’instruction de l’Audience nationale, s’est prononcé sur 22 plaintes « d’Associations de récupération de la mémoire » pour « génocide et crime contre l’humanité ». Dans un premier temps, le magistrat s’est déclaré compétent pour instruire la totalité « des crimes du franquisme » et a autorisé l’ouverture d’urgence de 19 fosses. Puis, pour éviter d’être désavoué par ses pairs, il a ordonné que « l’instruction nécessaire » soit menée par les juges de province. Le ministère public a immédiatement réagi par la voix du procureur, Alberto Zaragoza, qui a blâmé Garzón pour avoir contourné la loi d’amnistie de 1977 et voulu réaliser une sorte d’inquisition générale rappelant l’instruction générale (Causa General) menée par le ministère public de Franco, entre 1940 et 1943, ce que la Constitution interdit formellement. Le procureur a également reproché au juge d’attenter au principe constitutionnel de non-rétroactivité et de se fonder sur des règles de droit international qui n’existaient pas à l’époque où les actes ont été commis.
Dans la foulée, des journalistes de droite n’ont pas manqué de rappeler que le même juge Garzón avait rejeté, en 1998, une plainte semblable pour « génocide, torture et terrorisme », contre le PCE et son Secrétaire général, Santiago Carrillo, le PSOE et l’État espagnol, plainte présentée alors par l’Association des familles et amis des victimes du « génocide de Paracuellos del Jarama » (2750 à 5000 morts selon les sources). Garzón avait alors contesté la capacité juridique de l’association des plaignants et leur avait reproché de « rompre les normes de rétroactivité » et de violer la Constitution. Il avait même rejeté leur plainte pour « abus de droit » et mis en doute la déontologie des avocats plaignants. Confirmant la position du juge Garzón, le procureur, Pedro Rubira, avait en outre déclaré, quelques mois plus tard, en mars 2000, que les faits étaient prescrits et rappelé que la loi d’amnistie de 1977 s’appliquait de plein droit.
Dix ans plus tard, se fondant sur des arguments et une jurisprudence radicalement inverse, Garzón admettait la plainte des victimes du franquisme. Dès lors, il n’allait pas tarder, à tomber dans son propre piège. En 2009, il faisait l’objet de trois plaintes pour « prévarication volontaire » déposées par le Collectif de fonctionnaires Mains Propres et l’association Liberté et identité.
Début avril 2010, sentant le sort de son ami Garzón scellé, le procureur argentin du Tribunal pénal international, Moreno Ocampo, a proposé que le juge soit détaché auprès du TPI dans l’espoir de bloquer la procédure de suspension. Peine perdue ! Malgré l’accord du ministère public et du gouvernement, malgré les manifestations de soutien dans la rue, malgré la proposition de projet de loi des communistes d’Izquierda Unida visant à modifier la loi d’amnistie, la machinerie judiciaire ne pouvait plus être stoppée.
Un triple procès contre le juge Garzon
Le 14 avril 2010, une mesure disciplinaire de suspension a été prise à l’encontre du juge à l’unanimité des membres de l’Assemblée plénière du Conseil général du pouvoir judiciaire (autorité supérieure garante de l’indépendance des juges). Elle marque l’ouverture du triple procès de Garzón devant le Tribunal suprême (ouverture d’instruction pénale contre des crimes amnistiés par la loi, demande et obtention d’une aide économique à un banquier dont il instruisait l’affaire et interception de communications entre avocat de la défense et son client). Le juge risque 20 ans d’inhabilité professionnelle. Il ne faut pas se tromper sur les vraies raisons de l’ampleur de cette affaire. Pour les amis de Garzón, les tribulations du juge ne sont qu’un prétexte pour donner corps à de sempiternelles contrevérités. À les entendre, en 1936, les « bons » auraient été dans un camp et les « mauvais » dans l’ « autre » ; les victimes des « franquistes » auraient toutes été des personnes honorables, des héros de la démocratie ; la terreur dans le camp national aurait été infiniment plus brutale que celle du camp républicain ; la droite serait seule responsable de la destruction de la démocratie et de la guerre civile ; enfin, héritière du franquisme, elle continuerait de monopoliser le discours et la mémoire du conflit. Autant de contrevérités, battues en brèche par un bon nombre d’historiens. Rappelons brièvement l’absurdité de ces boniments de bateleurs politiques.
Les contrevérités
Première contrevérité : les victimes des « franquistes » étaient toutes des combattants de la démocratie, des gens qui doivent être aujourd’hui honorés et dont les assassins doivent être jugés. Suivant ce discours, peu importe que la vie dans la zone du Front populaire ait été un véritable enfer pour la moitié des espagnols. Oubliées les victimes de la répression front-populiste en raison de leurs convictions religieuses, ou parce qu’elles étaient militaires, nobles ou bourgeois, ou simplement de droite !
Pourquoi devrait-on mettre sur un même plan victimes et bourreaux ? On ne sait ! Trois exemples édifiants devraient suffire pour comprendre la perversité de ce raisonnement.
  • Premier exemple : Juan Peiro et Agapito García Atadell. Peiro était un dirigeant anarchiste, ministre du Front populaire, qui s’opposa à la terreur « rouge » et sauva de nombreuses vies humaines, mais qui fut néanmoins jugé et exécuté par les franquistes. Atadell, était un socialiste, chef de la Brigade d’investigation criminelle, qui dépendait directement du Directeur général de la sécurité et du Ministre de l’Intérieur. Il se rendit coupable de pillages, de viols et de plus de 800 arrestations illégales qui le plus souvent se terminèrent en assassinats. Condamné à mort par un conseil de guerre, il fut lui aussi exécuté. Faut-il pour autant honorer la mémoire de Peiro et d’Atadell de la même manière ?
  • Deuxième exemple : Juan Duarte Martín était un jeune séminariste de 20 ans. Son histoire est de nature à blesser la sensibilité des personnes les plus endurcies. Juan fut dénoncé par ses voisins. Arrêté, le 7 novembre 1936, il fut torturé à mort pendant huit jours. Une jeune femme fut chargée de le séduire. Comme il refusait de rompre son vœu de chasteté, un milicien le castra avec un rasoir et offrit ses testicules à la demoiselle. On le traina dehors pour lui ouvrir le ventre. Encore vivant, on répandit de l’essence sur son corps et on y mit le feu. Les derniers mots de Juan furent « Je vous pardonne… Vive le Christ Roi ! ». Le 28 octobre 2007, le neveu de Juan, José Andrés Torres Mora chef de cabinet de Zapatero, député socialiste et rapporteur de la « loi de mémoire historique », assistait à la béatification de son oncle, un des 498 martyrs distingués par l’Église catholique. Faut-il alors honorer aujourd’hui les bourreaux de Juan Duarte Martin sous prétexte qu’ils combattaient au nom de la liberté ?
  • Troisième exemple : Le poète communiste Marcos Ana, icône de la gauche, fut chargé de lire le manifeste de soutien au juge Garzón, le 24 avril 2010. Cet écrivain, de 90 ans, est le plus vieux prisonnier de l’Espagne franquiste. Il a passé 22 ans dans les geôles pour, dit-on, « un simple délit de conscience ». Pedro Almodovar, envisagerait même de réaliser un film à sa gloire. Ce que l’on sait moins, c’est que Marcos Ana est le pseudonyme de Sebastian Fernando Macarro, milicien qui fut condamné pour l’assassinat de trois personnes innocentes connues pour leurs convictions religieuses. Son dossier judiciaire nº 120976 fait état des motifs de sa condamnation : c’était un jeune leader des Jeunesses socialistes unifiées, chef de groupe dans le « Bataillon Liberté » à Alcala de Henares. Macarro fut condamné à mort en 1943, mais comme il était mineur, lors des faits, en 1936, sa peine fut commuée en 30 ans de réclusion. Ce militant communiste, qui n’a jamais renié son passé, est aujourd’hui présenté comme un combattant des droits de l’homme. N’y a-t-il pourtant pas là de quoi à faire retourner ses victimes dans leurs tombes ?
Deuxième contrevérité : la terreur dans le camp républicain fut infiniment moins importante que celle du camp national. Selon les études les plus sérieuses, le bilan de la répression dans la zone nationale se situe autour de 70 000 exécutions et celui de la zone républicaine autour de 60 000. Il est très vraisemblable que le chiffre final de la zone nationale soit supérieur à celui de la zone républicaine. La terreur rouge a sévi pendant trois ans sur un territoire qui diminuait constamment, alors que la terreur blanche a duré plus de trois ans sur un territoire de plus en plus vaste. Le chiffre de la répression nationale inclut en outre les exécutions postérieures au conflit pour crimes de guerre et représailles politiques. Cela dit, la « guerre des chiffres », ne doit pas masquer un point capital : il y eut une terreur blanche, mais il y eut aussi une terreur rouge, et, en raison de son importance, il est difficile de croire qu’elle fut désorganisée ou incontrôlée comme les commentateurs les plus sectaires l’affirment encore.
Troisième contrevérité : la droite espagnole, hier responsable de la Guerre civile, serait aujourd’hui l’héritière du franquisme. Une bêtise crasse ! Le Professeur américain, Stanley Payne, a balayé récemment la légende de la prétendue responsabilité unique de la droite dans l’origine de la Guerre civile. Relevons seulement un point révélateur : la gauche revancharde exige périodiquement de la droite une condamnation du coup d’État de 1936, mais elle ne se repent jamais de son coup d’État de 1934. Mais venons-en au prétendu héritage franquiste. Il suffit de rappeler les cinq grandes étapes de la Transition démocratique, pour montrer la fausseté de l’affirmation de ce prétendu héritage de la droite espagnole :
  1. Le décret-loi autorisant les Associations politiques fut édicté par Francisco Franco, le 21 décembre 1974, un an avant sa mort.
  2. La loi de Réforme politique fut adoptée par les Cortes Espagnoles le 18 novembre 1976 (par 425 voix pour, 59 contre et 13 abstentions) et ratifiée par référendum populaire le 15 décembre 1976. Ce fut précisément le neveu de « José Antonio », Miguel Primo de Rivera, qui défendit devant les Cortes le projet de loi présenté par le chef du Gouvernement Adolfo Suarez, ancien Secrétaire général du Movimiento (FET de las JONS), un texte qui enterrait le franquisme et qui avait été rédigé en grande partie par un autre ancien Secrétaire général du Movimiento, Torcuato Fernández Miranda.
  3. Les premières élections générales législatives du 15 juin 1977, furent remportées par l’Union du Centre Démocratique d’Adolfo Suarez, ancien leader du Movimiento, devant le PSOE de Felipe Gonzalez.
  4. La loi d’amnistie fut adoptée par les Cortes le 15 octobre 1977 (296 voix pour, 2 contre, 18 abstentions et un nul). Cette loi reçut l’appui, sans la moindre réserve, de la quasi totalité de la classe politique (en particulier des leaders du PSOE et du PCE). Cette amnistie ne se limitait pas à la Guerre civile, mais concernait tous les délits commis dans l’intention de rétablir les libertés publiques ou de revendiquer les autonomies des peuples d’Espagne (notamment les actions violentes des maoïstes du GRAPO et des séparatistes de l’ETA). Elle ne fut donc pas adoptée sous la pression des chars comme le prétendent aujourd’hui les amis du juge Garzón. Elle ne fut pas non plus une « amnistie-amnésie », ni une « lâcheté », mais un acte de générosité et de réconciliation. En 1977, l’ensemble de la gauche la défendait avec véhémence. La position actuelle des partisans de Garzón, qui veulent la réformer ou l’annuler, constitue donc un virage à 180º. Enfin, dernière étape, qui n’eut pas été possible sans la loi d’amnistie :
  5. L’adoption par le Congrès de la Constitution et sa ratification par référendum le 6 décembre 1978 (87% de voix pour).
La Transition démocratique ne fut pas une conquête des ennemis de la dictature
Les faits sont là. C’est indiscutablement la droite franquiste qui prit l’initiative d’instaurer la démocratie. La Transition démocratique ne fut pas une conquête des ennemis de la dictature, elle fut un choix délibéré de la grande majorité de ceux qui avaient été jusque là ses principaux leaders.
L’écrivain, Jorge Semprun, ancien communiste et ministre de la culture socialiste, déclarait il y a peu : « La mémoire des vaincus n’est pas prise en compte et celle des vainqueurs continue de prédominer comme dans l’après-guerre et jusque fort longtemps. La rhétorique de la mémoire des vainqueurs est celle qui prédomine ». Le ridicule ne tue pas ! C’est précisément l’inverse qui est vrai. S’il y avait un certain consensus sur les principales conclusions à tirer des événements de la République et de la Guerre civile dans les années 1990, celui-ci a volé en éclat. Les auteurs favorables au Front populaire ont inondé les librairies de livres, occupé les chaires universitaires et monopolisé les grands médias. Après l’arrivée de Zapatero la tendance s’est renforcée. Mais dans les années 2000, l’imprévisible s’est produit. Une minorité d’historiens indépendants, avec Pio Moa à leur tête, s’est insurgée. Ancien communiste-maoïste, Moa a rejeté les interprétations conventionnelles après avoir eu accès aux archives de la fondation socialiste Pablo Iglesias. Boycotté, méprisé et insulté par les médias officiels, sans le moindre appui du Parti populaire, ce groupe de résistants n’a dû son salut qu’au soutien de centaines de milliers de lecteurs et à d’impressionnants succès d’édition.
Devant l’attitude des amis de Garzón, l’ancien député, président de la Communauté autonome de Madrid, Joaquín Leguina, une des figures historiques du socialisme démocratique espagnol, particulièrement représentative de l’esprit de la Transition, déplorait récemment : « Le message que le juge et ses hooligans ont réussi à coller est tellement négatif qu’il en est sinistre. En fait, cette malheureuse affaire a semé l’idée qu’en trente ans de démocratie les espagnols ont été incapables de surmonter le passé, que la Transition a été une lâcheté, que la guerre civile est un thème tabou et qu’une bonne partie de la droite continue d’être franquiste. Un tissu de mensonges ». Au lieu de chercher à nouveau à discriminer entre « bons » et « mauvais », il est grand temps de donner une vision juste et équilibrée du passé.
Arnaud Imatz 14/08/2010
Correspondance Polémia 21/08/2010
Les intertitres sont de la rédaction

5 juillet 1830 : la prise d’Alger

Il y a cent quatre-vingts ans, le 25 mai 1830, une flotte importante (plus de cent soixante-dix bâtiments de guerre et de commerce) transportant un corps expéditionnaire de 37.000 hommes quitte Toulon. Objectif : Alger. Il est bon de le préciser, Alger n'est pas alors la capitale d'une Algérie qui n'existe pas. Le terme Algérie n'apparaîtra que bien plus tard. Les historiens français dans leur majorité sont très prudents sur le sujet car, on le sait, l'histoire officielle de l'Algérie soutient qu'il y avait en 1830 une nation algérienne. En fait il y a bien un État à Alger mais c'est un État turc connu sous le nom de Régence d'Alger.

UN ÉTAT TURC

En principe il dépendait du sultan de Constantinople mais s'en était affranchi. Dirigé par un dey, il a duré presque trois siècles. Dans son livre (qui fut hélas son dernier) Histoire de l'Algérie 1830-1954, Editions (disparues) de l'Atlanthrope (Versailles, 1993), le professeur Xavier Yacono lui a consacré ses premiers chapitres. La célébrité de cette cité venait de la crainte voire de la terreur causées par ses corsaires, les fameux rais, qui empoisonnèrent la Méditerranée (prise des navires, butins, milliers d'esclaves chrétiens dans ses bagnes). Ce qui apportait une manne financière considérable au budget de la régence. À plusieurs reprises, la ville fut attaquée par des flottes diverses. La plus célèbre fut celle de Charles Quint. Ce fut un fiasco en raison d'une violente tempête. 
Au XIXe siècle, la course a presque disparu. Ce qui posa un grave problème pour les finances du dey. Faute d'autre solution, on décida d'augmenter les impôts. Ce qui fut mal supporté par la multitude de tribus mal contrôlées qui peuplaient le territoire du dey. En jouant habilement sur leurs rivalités, la régence avait pu conserver sa domination. Mais son autorité était de plus en plus en plus contestée. D'autant qu'à Alger même, le pouvoir du dey était menacé par sa milice composée des fameux janissaires. Alger n'était plus la grande ville d'antan. Sa population était évaluée à 30.000 habitants voire plus et celle de la future Algérie à trois millions (estimations de Xavier Yacono). Dans leur immense majorité musulmans. Bref, cette régence qui a été définie par Charles André Julien (historien anti-colonial) comme une « colonie d'exploitation dirigée par une minorité de Turcs avec le concours de notables indigènes » était en décadence. Reste qu'Alger avait la réputation d'être imprenable…

L'EXPÉDITION

Ses causes en sont connues. C'est officiellement pour venger son honneur que la France s'en prend à Alger. Un honneur bafoué lorsque le dey d'Alger en 1827 a souffleté en public notre consul DevaI, un individu douteux d'ailleurs. À l'origine de l'affront une histoire très embrouillée d'un achat de blé par la France sous le Directoire. Et le versement par la France de sommes (4 millions de francs) que le dey n'a jamais touchées. Elles ont été négociées par deux juifs livournais, Jacob Bacri et Busnach, intermédiaires tous azimuts entre la régence et différents États (notamment pour le rachat des esclaves). Ils auraient reçu des acomptes de TalIeyrand qui aurait eu sa part. On comprend l'irritation du dey. En lui-même, l'incident n'est pas grave. Il s'est écoulé trois ans depuis 1827, mais il y avait déjà un contentieux entre les deux pays à propos d'un comptoir français, la Calle. Ça s'est envenimé et des navires de guerre français font le blocus d'Alger mais ce n'est qu'un pis-aller. En réalité, Charles X a besoin d'un succès en politique extérieure. Son régime est en difficultés face à une opposition libérale qui critique d'ailleurs le projet d'expédition. Et même en a révélé des détails. Charles X a pensé à Mehmet Ali, pacha d'Égypte, pour s'emparer de la Régence au nom de la France mais ce fut un échec. Bref, il faut y aller. Principal obstacle : l'Angleterre qui y est hostile. Mais le ministre de la Marine le baron d'Haussez passe outre. À la tête de l'expédition : pour la flotte le vice-amiral Duperré, pour les soldats le ministre de la guerre le comte de Bourmont impopulaire. Il a “trahi” Napoléon à la veille de Waterloo !

Les plans du débarquement remontent à 1808 où Boutin, un agent secret de Napoléon, a été envoyé à Alger pour préparer un coup sur la ville. Il en a ramené un plan minutieux, des croquis sur les emplacements des défenses, sur le port. Et une conclusion : pour attaquer la ville, il faut la prendre de l'intérieur en débarquant sur la plage de Sidi Ferruch, à quelques kilomètres à l'ouest d'Alger. Ça tombe bien. Le corps expéditionnaire dispose de chalands s'ouvrant à l'avant comme à l'arrière. Ce qui préfigure les barges utilisées par les Américains en novembre 1942 au même endroit et plus encore en 1944 en Normandie.

LA VILLE EST À NOUS !

La flotte est arrivée en vue de l'Algérie le 31 mai ; craignant une tempête, elle s'est repliée sur les Baléares avant de revenir le 10 juin. Il y aura bien une autre tempête mais elle ne se produira que le 16 fort heureusement. Le débarquement a lieu le 12. Le dey a rassemblé une armée nombreuse mais disparate et mal commandée. Elle se dispersa après un combat décisif pour les Français. Le professeur Yacono note que des prisonniers français capturés ont été retrouvés massacrés et mutilés. D'où des représailles. Il précise : « c'est déjà le caractère inexpiable de cette guerre ». Qui en annonce beaucoup d'autres. Finalement Bourmont, qui a longtemps hésité, décide, muni d'une forte artillerie, de se diriger sur Alger. Il attaque le fort dominant Alger que les Turcs font sauter. La capitulation est inévitable - elle est demandée et signée le 5 juillet. En trois semaines, la puissance turque s'est effondrée. Bilan du côté français : 1.000 morts, 2.000 blessés et davantage de l'autre côté. À l'annonce de la prise d'Alger l'opinion en France est indifférente, sauf Marseille et Toulon qui la célèbrent bruyamment. Cette victoire ne profitera pas à Charles X chassé par les Trois glorieuses des 27, 28 et 29 juillet 1830, journées que rappelle encore aujourd'hui la célèbre colonne place de la Bastille à Paris.

Dans la convention de la reddition, il y a un paragraphe cinq qui commence par : « L'exercice de la religion mahométane restera libre. C'est le général en chef qui en prend l'engagement sur l'honneur. » Quoi qu'on en dise actuellement, cet engagement sera respecté, notamment par l'armée plutôt anticléricale. Les Français ont été reçus avec enthousiasme par deux minorités qui avaient à souffrir du dey et de ses janissaires. À savoir les Maures (issus de métissages) et les Juifs à la condition peu enviable. On retrouve Jacob Bacri (Busnach a péri dans un pogrom) « chef de la nation juive » au côté de Bourmont. Il n'y a pas eu d'excès contre la population mais les pillages habituels. Des historiens algériens ont monté en épingle la disparition du Trésor de la Casbah évalué à cent millions. Le dey qui a quitté Alger a dû en emporter une partie. 48 millions ont couvert les frais de l'expédition. Pour le professeur Yacono, il est fort probable que le reste ait abouti dans la cassette royale. La période qui suit est très compliquée. L'Algérie intérieure explose en luttes tribales. Le changement de régime en France n'arrange pas la situation. L'armée testera loyale. Bourmont s'est exilé, emportant avec lui le cœur de son fils tué au combat. Il faut tenir Alger mais aussi Oran et Bône. Abandonner Alger, impossible, l'armée ne le tolérerait pas ni un certain orgueil national. De 1830 à 1834 il faudra se décider à ce qui a été appelé l'occupation restreinte, prélude à l'occupation totale. Ce sont les « débuts des possessions françaises du Nord de l'Afrique ». Il faut envoyer des soldats mais, sur place, dès août, des guerriers algériens descendus des montagnes, les “Zaouaoua” (les Zouaves) se présentent aux troupes françaises qui les incorporent. Le professeur Yacono signale le fait ajoutant que dès les débuts d'une conquête qui va être longue, difficile, meurtrière, il y a à la fois « ralliements et résistances ». Nous ne développerons pas. Notre adversaire le plus sérieux et le plus coriace fut Abd El Kader qui sut profiter de nos erreurs, brandit contre nous l'étendard du djihad mais ne put jamais rassembler toutes les tribus algériennes (notamment les Kabyles qui lui furent hostiles). S'il avait eu le temps, aurait-il pu fonder une nation algérienne ?
UN SIÈCLE APRÈS, LE CENTENAIRE
« Nous sommes restés en Algérie parce que nous n'avons pu en sortir » écrit Emile Félix Gautier dans une brochure Un siècle de colonisation publié en 1930. Ce centenaire fut le triomphe. pas modeste, du système colonial. Mais l'Algérie depuis 1848 est composée de trois départements français. Il n'y eut pas en métropole une répercussion profonde mais l'Algérie fut à la une quelques semaines. On le sait bien maintenant, en France il y avait un parti colonial qui triompha ensuite avec l'exposition coloniale de 1931, mais il n'y eut pas (sauf dans des minorités) d'opinion coloniale. Paradoxalement c'est de 1940 à 1945 (et même après), à Vichy comme chez De Gaulle, qu'il y eut l'exaltation de l'Empire. Dans l'Algérie de 1930, il y eut beaucoup de cérémonies et de manifestations spectaculaires. Même si un certain nationalisme. plus religieux que politique est en gestation, on n'observe pas d'hostilité à l'égard du président de la République Gaston Doumergue lorsqu'il traverse un pays qu'il avait bien connu jeune magistrat. Il inaugure notamment à Sidi Ferruch une stèle monumentale (de 15 mètres de haut) ornée de sculptures et d'un bas-relief avec cette inscription : « lci le 14 juin 1830 par ordre du roi Charles X (dans L'Action Française Maurras exulta devant cet hommage de la République au défunt roi), sous le commandement du général de Bourmont l'armée française doit arborer ses drapeaux, rendre sa liberté aux mers, donner l'Algérie à la France. » Avait été ajoutée une suite grandiloquente qui soulignait l'apport de « Cent ans (sic !) de République française et la reconnaissance de l'Algérie pour la Mère Patrie, liée à elle par son impérissable attachement ».
LE POIDS DE L'ISLAM
Au même moment, lors d'un Congrès tenu à Alger et regroupant des historiens, un arabisant Desparmet signale qu'« au début du siècle sur des marchés algériens il a entendu un poème en arabe sur l'entrée des Français dans Alger » (1). Qui commence par « Alger au pouvoir des Chrétiens au culte abject. » Se poursuit par « Alger la splendide les nations ont tremblé devant elle. » Il y a d'autres vers injurieux contre « les Juifs qui se sont réjouis à nos dépens », contre les Roumis qui se sont installés dans la ville - « elle n'a plus que des immondes (sic) ». Enfin un éloge de ce « port célèbre » avec l'évocation des « captifs aux mains liées ». En finale : « Ils (les captifs) étaient des mulets (sic) mon fils » ; et en conclusion : « Les exploits d'Alger ont retenti dans les siècles passés. » Pour Desparmet qui publia ce texte dans la très officielle Revue africaine et le commenta, il s'agit là d'« une xénophobie instinctive et d'un fatalisme religieux ». Desparmet signale aussi les propos d'un Algérien de Tlemcen dans une revue du Caire : « Tant que nos enfants seront dirigés dans la droite voie de notre prophète Mahomet, la colonisation française ne triomphera pas de nous. » Il ne semble pas que tout ceci ait été pris au sérieux.
lN MEMORIAM
Le 5 juillet 1962, date officielle de l'indépendance de l'Algérie, ces forces souterraines et bien d'autres triomphent. Il faut à la hâte déménager la stèle avant qu'elle ne soit dégradée. Ce sont les paras du 3e RPIma qui s'en occupent. Les plaques, les bas-reliefs, les sculptures sont démontées. Ce qui reste, un squelette de béton dynamité, une énorme explosion. Le lendemain, les débris sont poussés dans la mer par le génie. Exit !
Après bien des péripéties et grâce à l'action des Cercles AIgérianistes et deux anciens instituteurs français d'Algérie, Roger et Hélène Brazier, le monument a été reconstitué en France (2). Installé et inauguré le 10 juin 1998 à Port Vendres, redoute Bear, Esplanade de l'Armée d'Afrique. Il lui fut ajouté un petit musée. Si vos vacances vous poussent par là, rendez-leur visite. C'est tout ce qui peut rappeler 132 ans de présence française. Dans le numéro de juin de son périodique L'Afrique Reelle (diffusé sur Internet), Bernard Lugan rend hommage à cette période en citant le livre du professeur Pierre Goinard L 'Œuvre française en Algérie, Laffont, 1986. Politiquement, on ne le sait que trop, ce fut un échec et une lourde charge financière mais sur d'autres plans, même si nous sommes à peu près les seuls à le savoir et à le dire, ce fut un bilan glorieux et positif. Mais depuis 1962, des deux côtés de la Méditerranée, l'œuvre française fut insultée, dénigrée, souillée, livrée aux chiens de l'anticolonialisme.
Jean-Paul ANGELELLI. Rivarol du 9 juillet 2010
(1) Cité d'après L'opinion française et l'Algérie de 1930. Doctorat 3e Cycle. Nanterre 1972.
(2) D'autres monuments furent sauvés. Voir le livre d'Alain Amato. « Monuments en exil », Mais fut détruit en revanche par les Algériens l'édifice en hommage à la colonisation et le splendide monument aux morts d'Alger fut coulé dans une masse de béton. Qui recouvrit les panneaux qui l'ornaient et portaient les noms de tous les soldats d'Alger morts au cours des deux guerres européennes, tant les chrétiens que les musulmans. Ce qui gênait le nouveau pouvoir.

dimanche 22 août 2010

La Renaissance carolingienne

La Renaissance carolingienne

Cette semaine, il sera question d’Histoire culturelle avec une période souvent méconnue : l’Empire carolingien. Beaucoup oublient qu’une grande partie des écrits latins dont nous disposons aujourd’hui, tels ceux de Boèce, Virgile, Cicéron ou la Guerre des Gaules de Jules César, sont l’objet d’une volonté de préservation qui remonte aux premiers souverains carolingiens : Pépin le Bref, Charlemagne, Louis le Pieux. A Byzance et dans le monde arabe étaient surtout conservées des manuscrits grecs. Sans les souverains carolingiens, il est fort probable que nous aurions perdu presque tout de la culture latine.

I. Le contexte général


La Renaissance carolingienne et le renouveau culturel ne peuvent pas être compris sans connaître le contexte politique européen aux VIIIe et IXe siècles.

En 751, Pépin le Bref, maire du palais, renverse le dernier roi mérovingien Childéric III, lequel est tonsuré et enfermé au monastère de Saint-Bertin. Lorsque Pépin meurt en 768, il a deux fils : Charles et Carloman, qui se partagent les territoires de leur défunt père. En 771, Carloman trouve la mort, permettant à Charles de devenir l'unique roi des Francs. Le royaume des Francs est déjà très étendu et Charles va repousser encore les frontières grâce à une série de conquêtes sur les Lombards, les Saxons, les Frisons, les Avars, les Maures,… En 800, lorsque Charles devient empereur d’Occcident sous le nom de Charlemagne, le couronnement impérial ne fait que consacrer un état de fait établi depuis longtemps.

L’empereur est un personnage intelligent, connu pour sa grande taille, excellent chef de guerre, mais aussi esprit curieux et attiré par les arts et les sciences. C’est ainsi un amoureux de la poésie qui organisera des joutes lyriques dans son Palais d’Aix-la-Chapelle (capitale de l’Empire) où il fera s’affronter les lettrés de sa Cour à travers des lectures, récitations et improvisations.

À l’Est, l’Empire byzantin revendique à lui seul l’héritage romain mais les protestations se borneront à de vaines paroles : l’impératrice Irène est contestée en Occident car ayant crevé les yeux de son fils Constantin VI, l’empêchant ainsi d’exercer le pouvoir. Néanmoins, Constantinople jouit d’un rayonnement culturel qu'admirent l'empereur et l'ensemble des lettrés d'Occident.

Charlemagne, conscient que la puissance politique n’est pas suffisante, sait qu'un Empire est puissant aussi par le prestige que peut lui apporter une floraison artistique, culturelle et intellectuelle. Il est aussi important de former des aristocrates cultivés capables d’administrer avec intelligence l'Empire. Charles attire ainsi à sa Cour des lettrés venus de tout l'Empire, pour des raisons d’efficacité et de grandeur.

L’Empire carolingien est-il une résurrection de l’Empire romain d’Occident ?

Bien que le pape Léon III ait proclamé Charles « empereur des Romains » (« sérénissime Auguste, couronné par Dieu grand et pacifique empereur gouvernant l’Empire romain, par la miséricorde de Dieu, roi des Francs et des Lombards »), ce dernier ne se considère pas comme un successeur des empereurs romains et conteste même ce titre aux empereurs byzantins. Par ailleurs, comme la coutume franque le veut, il souhaite partager l’Empire entre ses fils (conception du royaume en tant que patrimoine). Heureusement, il n’en reste plus qu’un de vivant en 814 à sa mort : Louis le Pieux. C’est pour cela que c’est un abus de langage dans les manuels de collège de parler de « royaume franc » pour la période qui s’étale de Clovis à Pépin le Bref : il n’y a quasiment jamais eu de royaume franc mais des royaumes francs (Neustrie, Austrasie, Bourgogne, Aquitaine,…), parfois réunis (Dagobert, Clotaire II), souvent divisés. Louis le Pieux (régnant de 814 à 840), en revanche, souhaite fonder un Empire destiné à rester uni et à perdurer et se montre en cela bien plus moderne que son père : il se rapproche d’ailleurs du modèle romain, rejetant les titres de “roi des Francs” et “roi des Lombards” pour ne garder que celui d’“Empereur auguste”. En 817, Louis décide que la couronne impériale reviendra à Lothaire, l'aîné, ainsi que quasiment tout l'Empire. Les deux autres fils n’auront que la couronne d’Aquitaine et celle de Bavière en lot de consolation ; mais ces deux territoires resteront attachés à l'Empire en tant que provinces et non en tant que royaumes indépendants.  Évidemment, cela a suscité d’immenses jalousies et de là viennent les guerres entre les trois fils. Malgré l'immense soutien que les clercs apportent à Louis le Pieux durant son règne, enthousiasmés à l'idée que l'Empire romain d'Occident puisse renaître, l'Empire se fragmente à partir de la mort de l’empereur en 840.

Charlemagne eet son fils Louis le Pieux
Charlemagne et son fils Louis le Pieux.

II. Une Cour de lettrés
Charlemagne fait venirErudit  de l'époque carolingienne à la Cour d’Aix-la-Chapelle un grand nombre de lettrés, pour la plupart originaires de contrées lointaines. Ainsi en est-il du Lombard Paul Diacre, né entre 720 et 730. Charles le rencontre en 782 alors qu'il envahit le royaume de Lombardie. Grand orateur et poète, il impressionne le roi des Francs et lui enseigne le latin. Il dit avoir su le grec, mais affirme par modestie ne plus le connaître : il aura cependant assez de connaissances pour l'enseigner au roi. Il rédige une Vie de saint Grégoire le Grand puis se tourne vers la culture profane avec une Histoire des Lombards, une Histoire romaine et surtout L'Art de Donat, un manuel destiné à mettre la grammaire latine à la portée de tous. Mais le personnage ne voit que les débuts de la Renaissance, il retourne en effet vers 787 dans son pays natal, l’Italie, où il décède avant 799.

Le rôle principal de la Renaissance est tenu par l’anglo-saxon Alcuin, né vers 730. En voyage vers Rome, il rencontre Charles en 781 à Parme. Il s’attache vite au futur empereur, qui devient son élève favori. Il lui enseigne la rhétorique, les mathématiques, l'astronomie. En 790, il regagne l'Angleterre et revient dans le royaume des Francs. En 793, avec la vaste ambition de former une large élite intellectuelle : il entend vulgariser la connaissance aux clercs et aux laïcs. Il réhabilite le trivium regroupant trois disciplines ayant trait à l’écriture : grammaire, rhétorique et dialectique ; il écrit quatre traités sur ces matières. Il entretient de nombreuses correspondances avec l'élite de son temps, en rédigeant parfois en prose, parfois en vers. À sa mort en 804, il laisse à la Cour un élève prometteur : Eginhard

Ce dernier est un Franc pur jus, « un homme barbare, à peine initié à la langue latine » affirme-t-il modestement au début de sa Vie de Charlemagne. Né vers 775, il est introduit vers 791-792 à la Cour de Charles pour y poursuivre sa formation, et devient son confident. Parlant grec et latin, il connaît bien Cicéron, Virgile, Homère, s’intéresse à l'étymologie grecque et à la poésie latine. Il est petit de taille et on le dit d’une grande intelligence (ce qui inspirera un petit poème à Alcuin dont voici le début : 
« La porte est petite, et petit aussi l’habitant
Lecteur, ne méprise pas le petit nard contenu dans ce corps
Car le nard à la plante épineuse exhale un grand parfum
L’abeille porte pour toi en son petit corps un miel délicieux ».

À la mort de Charlemagne en 814, Eginhard s’occupe de l’éducation de Lothaire, l'aîné de Louis le Pieux. Assistant aux luttes entre les fils de Louis, probablement écœuré, il se retire dans un monastère vers 830 où il rédige la célèbre Vie de Charlemagne (Vita Karoli) sur le modèle de La Vie des douze Césars de Suétone. Il meurt vers 840.

Ces trois grands noms ne doivent néanmoins pas faire oublier les autres grands noms de la Renaissance carolingienne : Théodulphe, Wisigoth réfugié d’Espagne ; Raban Maur, théologien ; le théologien et philosophe irlandais Jean Scot Erigène ou encore Nithard, auteur d’une Histoire des fils de Louis le Pieux.

III. Un gigantesque travail de copie et de traduction

L'effort gigantesque de copie impulsé par Charlemagne et les lettrés qui l'entourent permettent de sauver l'héritage antique en Occident, qui aurait sinon très probablement disparu. Les scriptoria (ateliers d’écriture et de copie) se multiplient. L’empereur lui-même dirige celui d’Aix-la-Chapelle. De nombreux ouvrages sont traduits du grec au latin, ou du latin en langue vulgaire (comme De rerum natura de Lucrèce). En 817, Louis le Pieux impose à tous les monastères d'Occident la règle bénédictine, qui propose un mode de vie autarcique équilibré entre prière, travail et repos ; travail qui comprend la copie et l’écriture.

Vers 770, afin de faciliter la copie et la lecture, les scriptoria engagent une réforme de l’écriture, laquelle aboutit à la naissance de la minuscule caroline. Déformée aux XIe et XIIe siècles, retrouvée au XIIe, de nouveau déformée au cours des deux siècles suivants, elle est définitivement reprise par les humanistes des XVe et XVIe siècles et donnera nos caractères d’imprimerie modernes. Un autre souci apparaît : la ponctuation, qui tend à disparaître dans les copies. Alcuin lui donne une grande importance, soulignant son rôle dans la lecture des textes, marquant une pause brève ou longue dans la pensée. Fait moins connu, il est créé un nouveau signe, promis à un grand avenir : le point d’interrogation ! Il est alors dessiné tantôt comme un trait horizontal ondulé, tantôt comme un point-virgule moderne à l’envers.

Bible de Charles le Chauve
Bible de Charles le Chauve (IXe siècle) : le point d’interrogation se situe après le premier mot de la seconde ligne.

IV. Charlemagne, inventeur de l’école ?

La Renaissance carolingienne touche essentiellement les élites, et elle est parfois relativisée par les historiens en cela. Mais Charles se soucie aussi du petit peuple et entreprend une réforme visant à lui inculquer des bases, tant dans le domaine religieux que celui des connaissances profanes. En 789, dans l’Admonitio generalis, il demande aux prêtres d’enseigner aux fidèles la lecture et l’écriture. En 798, il exige que des écoles gratuites soient ouvertes pour les enfants de la paroisse. Malheureusement, les résultats sont plus que discutables : le clergé de base n’est guère plus instruit que le peuple.

V. L’affirmation des langues vernaculaires

C’est durant la période carolingienne que s’affirment les langues vulgaires. Au Palais, l’accent est mis sur l'enseignement du latin, parlé et écrit. Mais ce latin est un latin classique, celui de Virgile, très éloigné du latin dégénéré parlé par le peuple. Le renouveau de la culture latine permet de consommer le divorce entre les deux formes de latin : le latin vulgaire évolue vers les parlers romans, eux-mêmes rapidement divisés en Gaule entre « langue d’oïl » au Nord de la Loire, et « langue d’oc » au Sud ; entre italien, catalan et langue germanique. Ces différentes langues aboutissent à des langues régionales ou nationales par lesquelles s’expriment des spécificités ethniques et culturelles.

Auteur: Frankie Crisp http://www.fdesouche.com

La Grande Guerre : Héros et canailles


Avril 1916. A Verdun, le temps est exécrable. De petites pluies glacées succèdent à des tourbillons de neige fine.
Jacques Péricard, dans Le Soldat de Verdun, décrit la « misère des veilles boueuses et froides aux premières lignes ; misère des relèves pendant lesquelles on transporte le double de son poids en boue ; misère des cantonnements où l’on continue de patauger, de grelotter, où l’on ne récupère aucune vigueur nouvelle pour la remontée en ligne... »
Et pourtant, combien cette vigueur nouvelle serait nécessaire !
Tous les jours, toutes les nuits. les hommes épuisés et glacés se battent. Pour un morceau de terrain, un bout de boyau, un mètre de tranchée.
Dans les communiqués, les noms viennent et reviennent comme une litanie sanglante : Mort-Homme, tranchée de Westphalie, tranchée Corse, Les Eparges, réduit d’Avrocourt.
Un jour, ce sont les Allemands qui en chassent les Français. Le lendemain, les poilus en extirpent les Prussiens. Le jour d’après, on recommence. Il y a quelque chose d’abominablement dérisoire dans ce va-et-vient mortel. Quelque chose qui, aujourd’hui encore, rend déchirante la lecture des communiqués.
La violence des combats est dantesque, les hommes sont littéralement hachés.
Dubourdieu et Lescaud, deux soldats du 90e régiment d’infanterie placés en liaison au Mort-Homme le jour du Vendredi Saint racontent : « De ce qui restait du commandant de la deuxième compagnie, le capitaine-abbé Milon, il n’y avait pas de quoi remplir un plat de campement. »
Au même endroit, exactement, huit jours plus tard, le 30 avril, le capitaine Duchenois assistera à la scène suivante alors que les hommes tentent de barrer un boyau au bout duquel se tiennent les Allemands : « Le premier grenadier qui arrive, un soldat magnifique, le Breton Le Poulain, est tué d’une balle dans la tête au moment où il pose le sac de terre. Un autre arrive, le regarde et dit : "J’y vais !" Il prend un second sac à terre, le remplit, le place sur le premier et tombe raide mort, frappé à la tête. Un troisième grenadier s’avance. Celui-là me regarde simplement, passe et tombe... Et ainsi sept braves, sept héros que personne ne connaît, ne connaîtra jamais. Cinq paysans bretons. un cultivateur de l’Oise et un ouvrier parisien affilié à la CGT se font tuer. Mais le barrage est construit. »
Voilà ce qu’on lit, la gorge serrée, à toutes les pages de tous les témoignages sur cette guerre. Et l’on se demande de quoi étaient faits les hommes de ce temps-là pour que nous semblions, nous autres, aussi médiocres et lâches à côté d’eux.
Eh bien, ils étaient faits de la même chair que nous. Ils étaient, comme nous, de misérables petits tas de péchés, de peurs et de misères que l’amour exaltait et jetait dans l’héroïsme pur.
La preuve. La preuve, c’est qu’à l’arrière d’autres hommes du même monde, du même âge et du même sang se conduisaient comme on se conduit aujourd’hui : en abominables canailles.
Exemple : le gang des exempteurs dont le procès emplit les gazettes. Il y a, dans le box des accusés, cinquante inculpés : un politicien, un médecin, un dentiste, des gens de l’Etat-major, des rabatteurs et leurs clients.
Moyennant finances, la bande faisait obtenir, à ceux qui payaient assez, les certificats de réforme qui leur épargnaient les souffrances du front.
C’est une véritable industrie qui bénéficie de complicités jusqu’à la Chambre et à l’Etat-major. Et qui rapporte ! Le coût d’un dossier de fausse réforme est, en 1916, de quarante mille francs.
C’est cinq cent mille francs d’aujourd’hui. Cinquante millions de centimes.
Ce procès, qui mobilise magistrats et avocats pendant que la bataille de la Meuse mobilise les poilus, est sans doute l’un des épisodes les plus répugnants de cette troisième année de guerre.
Mais l’affaire est si énorme et si stupéfiante, les personnages en sont si... typés et pittoresques, que nous y reviendrons la décade prochaine.

jeudi 19 août 2010

La rançon de Saint-Louis

Le 6 avril 1250, les musulmans de Baïbar al Bundukdari firent prisonnier le roi de France Louis IX à Munyat Abu Abdallah, un écart égyptien.

Grossies de fer-vêtus anglais de Guillaume Longue-Epée, comte de Salisbury et des Templiers, les armées du Prince de la Fleur de Lys étaient sorties du port d’Aigues le 28 août 1248. Outre Louis, les gouvernaient Robert, comte d’Artois, et Charles, comte d’Anjou, les frères du Capétien ; le connétable Hubert de Beaujeu ; le maréchal Guy de Beaumont ; Hugues, duc de Bourgogne ; Pierre Mauclerc, comte de Bretagne ; Hugues Le Brun, comte de la Marche ; Gauthier, comte de Blois ;Philippe, comte de Montfort ; les chevaliers Jean de Valéry, Geoffroy de Sergines et Gauthier d’Autrèches ; les seigneurs de Joinville et de Coucy.

Les phalanges chrétiennes touchèrent Chypre le 17 septembre. Elles pausèrent dans l’île jusqu’au 30 mai 1249, abordèrent la terre de promission le 5 juin, chassèrent les chiens d’Allah de Damiette le 6. Alphonse, comte de Poitiers, l’autre frère du monarque gallique, les rallia le 24 octobre.

Les Croisés quittèrent Damiette le 20 novembre, sûrs de promptement prendre Le Caire. Hélas, la crue du Nil entrava leur avance. Ils ne furent sous la Manshoura, clef de la ville-chef de l’Égypte, que le 9 février 1250. Le siège des hauts-murs islamistes s’élongea plus d’un mois. “Un heaume doré en tête, une épée d’Allemagne à la main”, le comte d’Artois y mourut et, fort meurtris par les feux grégeois ennemis, les soldats de la Vraie Foi retraitèrent vers la côte.

Un grand nombre de champions de la Sainte Église avaient péri ; des maladies infectieuses taraudaient les rescapés. L’affaire était close. Tremblant de fièvre, le Très Chrétien dut s’aliter à Munyat Abu Abdallah, puis les Païens pulvérisèrent près de Fariskür les ultimes troupes de Jésus.

Aux envoyés de Tûran Shah, le sultan vainqueur, venus lui demander une rançon exorbitante, Louis IX lâcha, hautain : “Un roi de France ne se rachète pas avec de l’or. Je donnerai cette somme pour mes gens et Damiette pour ma personne“.

Jean Silve de Ventavon Le Libre Journal de la France Courtoise - n° 93 du 11 avril 1996

dimanche 15 août 2010

2 octobre 1935 : L’Italie attaque l’Éthiopie

Le 2 octobre 1935, Mussolini annonce son intention d'envahir l'Éthiopie sur un fallacieux prétexte.

Ce pays africain, aussi appelé Abyssinie, est gouverné par un empereur ou négus du nom de Haïlé Sélassié 1er. Chrétien de rite copte comme la majorité de ses sujets, il se flatte de descendre de la reine de Saba et du roi d'Israël Salomon.

L'Éthiopie est le seul pays d'Afrique qui ait jusque-là échappé à toute forme de colonisation européenne. Elle fait même partie depuis 1923 de la Société des Nations. L'organisation supranationale, en condamnant l'agression, va pousser le dictateur italien à se rapprocher de Hitler.

André Larané

Prétexte

L'affaire débute par une joute diplomatique. Mussolini prétexte de l'agression d'inspecteurs italiens, quelques mois plus tôt, le 23 novembre 1934, aux confins de la colonie italienne de Somalia et de l'Éthiopie.

Le négus Haïlé Sélassié 1er riposte en dénonçant pour sa part une incursion de militaires italiens à Walwal, à une centaine de kilomètres à l'intérieur de ses frontières. Il a saisi la Société des Nations.

La SDN, qui a pour vocation de maintenir la paix entre ses membres, se trouve mise à l'épreuve pour la première fois de son existence. Elle nomme une commission d'arbitrage. Celle-ci renvoie les deux plaignants dos à dos le 3 septembre 1935. Mais le Duce italien n'a cure de son avis ! Il est de toute façon décidé à envahir l'Éthiopie.

Il veut offrir à son pays un empire colonial digne de son rang et n'a pas d'autre solution pour cela que d'attaquer le seul État africain qui ait échappé à la colonisation européenne. Il veut par la même occasion venger une humiliante défaite des armées italiennes face aux Éthiopiens du négus Ménélik, à Adoua, le 1er mars 1896.

La guerre !

C'est ainsi que le 2 octobre 1935, le Duce adresse un discours belliqueux aux Italiens et leur annonce sa décision d'envahir l'Éthiopie. Dès le lendemain, sur son ordre, dix divisions appuyées par les chars et l'aviation - au total 400.000 hommes - se ruent sur ce pays misérable et le prennent en tenaille à partir des colonies italiennes de Somalia et d'Érythrée.

Malgré des bombardements brutaux et l'usage de l'ypérite et du phosphore, malgré les massacres de populations civiles, malgré également la trahison de certains seigneurs du Sud hostiles à l'empereur, il faudra plusieurs mois aux troupes fascistes pour venir à bout de la résistance éthiopienne.

Les Italiens s'emparent successivement d'Axoum, Adoua et Maklli.

Le 15 avril 1936, Dessié, quartier général du négus, tombe entre leurs mains. Le 2 mai 1936, le maréchal Badoglio, chef des armées d'Afrique, pénètre enfin à Addis-Abéba, la capitale. Le 5 mai, Rome annexe officiellement le pays africain cependant que, la veille, le négus a gagné Genève, siège de la SDN, via Djibouti et Jérusalem.

L'invasion de l'Éthiopie par les armées italiennes

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Cette carte montre les différentes offensives italiennes destinées à prendre en tenaille l'Abyssinie avec un objectif : la capitale Addis-Abéba…

Le 9 mai, le roi Victor-Emmanuel III est proclamé empereur d'Éthiopie et, le 1er juin, Mussolini peut annoncer à Rome la naissance de l'«Africa Orientale Italiana».

L'occupation italienne n'ira pas sans mal et dès février 1937, le vice-roi Graziani fera l'objet d'une tentative d'assassinat qui se soldera par une vague de terreur et plusieurs milliers d'exécutions.

Fatal enchaînement

L'agression de l'Éthiopie porte un rude coup à la paix dans le monde et rompt l'équilibre précaire né du traité de Versailles. Conséquente avec elle-même, la SDN condamne l'Italie dès le début de l'agression et, le 5 octobre 1935, demande à la France et à l'Angleterre d'appliquer à son encontre des sanctions économiques.

Les gouvernements français et anglais (qui possèdent eux-mêmes d'immenses empires coloniaux !) s'exécutent avec réticence. Ils répugnent à se brouiller avec le Duce à un moment très critique pour l'Europe.

En France, les partis de gauche comme de droite se refusent à sanctionner une violation du droit international pour complaire à «u n amalgame de tribus incultes » (sic).

Une pléiade d'intellectuels et d'académiciens (Thierry Maulnier, Pierre Gaxotte, Marcel Aymé,…) dénoncent la « fureur d'égaliser » et des sanctions qui « n'hésiteraient pas à déchaîner une guerre universelle, à coaliser toutes les anarchies, tous les désordres, contre une nation [l'Italie] où se sont affirmées, relevées, organisées, fortifiées depuis quinze ans quelques-unes des vertus essentielles de haute humanité ».

En Italie, la condamnation de la SDN a l'effet paradoxal de souder la population autour du Duce

Le vieux pape Pie XI (78 ans) commet lui-même l'erreur de visiter une exposition consacrée à la conquête et de saluer l'expansion italienne (aux dépens de l'Éthiopie chrétienne !). Son Secrétaire d'État, Eugenio Pacelli, futur Pie XII, tente de minimiser la portée de sa déclaration.

Peu après l'occupation de l'Éthiopie, le négus Haïlé Sélassié vient plaider la cause de son pays à Genève, devant les délégués de la SDN. Le 30 juin 1936, le petit homme frêle tout de blanc vêtu fait une grande impression sur les délégués et sur l'opinion publique mais n'entraîne aucune décision en sa faveur. Au contraire, inquiète pour la paix en Europe, la SDN lève les sanctions contre l'Italie le 4 juillet 1936. Trop tard. Mussolini est déjà en voie de se rapprocher de Hitler.

http://www.herodote.net