samedi 21 novembre 2009

1945-1953 : la destruction des "Allemands ethniques" et des prisonniers de guerre allemands en Yougoslavie

En parcourant la presse européenne et américaine, on a l'impression que la Seconde Guerre mondiale doit être périodiquement ressuscitée pour crédibiliser les demandes financières d'un groupe ethnique aux dépens des autres. Les morts civils des vaincus du conflit sont, pour la plupart, passés sous silence. L'historiographie est d'ailleurs fondée sur une distinction nette et polémique entre les « mauvais fascistes » qui ont perdu et les « bons antifascistes » qui ont gagné, et peu d'historiens sont prêts à enquêter dans l'ambiguïté grise qui sépare les deux camps. Les pertes militaires et civiles allemandes, pendant et surtout après la Seconde Guerre mondiale, sont ainsi occultées dans les mass-media, même si une large littérature spécialisée existe sur le sujet. Ce silence, dû en grande partie à la négligence académique, mérite une enquête attentive. Pourquoi, par exemple, les pertes civiles allemandes, et tout particulièrement celles, gigantesques, qui sont survenues après guerre chez les « Allemands ethniques » - ou Volksdeutsche -, sont-elles abordées aussi sommairement dans les manuels scolaires d'histoire alors que les victimes se comptent par millions ?
Le traitement infligé à ces civils en Yougoslavie après 1945 peut être considéré comme un cas classique de « nettoyage ethnique » à grande échelle. Un examen attentif de ces tueries de masse présente des problèmes historiques et légaux, surtout quand on examine la loi internationale moderne, notamment celle qui "fonde" le Tribunal des Crimes de Guerre de La Haye qui s'occupe des crimes de guerre survenus dans les Balkans en 1991-1995. Or le triste sort des Allemands ethniques de Yougoslavie pendant et après la Seconde Guerre mondiale ne devrait pas être négligé. Pourquoi les souffrances de certaines nations ou de certains groupes ethniques sont-elles ignorées, alors que celles d'autres nations et groupes reçoivent l'attention sympathique des media et des politiciens occidentaux ?
Au début de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, plus d'un million et demi d'Allemands ethniques vivaient dans l'Europe du Sud-Est - Yougoslavie, Hongrie et Roumanie. En raison de leur résidence au long du Danube, ces gens étaient connus sous le nom populaire de « Souabes du Danube » ou Donauschwaben. La plupart étaient les descendants des colons qui vinrent dans cette région fertile aux XIIe et XVIIIe siècles, à la suite de la libération de la Hongrie du joug turc. Pendant des siècles, le Saint Empire Romain et ensuite l'Empire des Habsbourg luttèrent contre la domination turque dans les Balkans, et résistèrent à l"'islamisation" de l'Europe. Dans cette lutte, les Allemands du Danube étaient vus comme le rempart de la civilisation occidentale et donc tenus en haute estime par l'empire autrichien (et plus tard austro-hongrois) en raison de leur productivité agricole comme de leurs prouesses militaires. Le Saint Empire Romain et l'Empire des Habsbourg étaient des entités multiculturelles et multinationales au vrai sens du terme, dans lesquelles des groupes ethniques divers vécurent pendant des siècles dans une harmonie relative.
Après la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, qui provoqua l'effondrement de l'empire des Habsbourg, et après le traité de Versailles de 1919, le statut juridique des Donauschwaben allemands devint incertain. Quand le régime national-socialiste fut établi en Allemagne en 1933, les Donauschwaben comptaient parmi les plus de douze millions d'Allemands ethniques qui vivaient en Europe centrale et orientale et en dehors des frontières du Reich allemand. Beaucoup de ces gens furent inclus dans le Reich suite à l'incorporation de l'Autriche et de la région des Sudètes en 1938, de la Tchécoslovaquie en 1939, et de portions de la Pologne à la fin de 1939. La « question allemande », c'est-à-dire la lutte pour l'autodétermination des Allemands ethniques en dehors des frontières du Reich allemand, fut un facteur important dans l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Même après 1939, plus de trois millions d'entre eux restèrent en dehors des frontières du Reich élargi notamment en Roumanie, en Yougoslavie, en Hongrie et en Union Soviétique.
Le premier Etat yougoslave de 1919-1941 avait une population de quelque 14 millions de gens de diverses cultures et religions. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie incluait près de six millions de Serbes, environ trois millions de Croates, plus d'un million de Slovènes, quelque deux millions de Bosniaques musulmans, un million d'Albanais au Kossovo, a peu près un demi-million d'Allemands et un autre demi-million de Magyars.
Après l'effondrement de la Yougoslavie en avril 1941, suivi par une rapide avance militaire allemande, environ 200 000 Allemands devinrent automatiquement citoyens de l'Etat Indépendant de Croatie nouvellement établi, un pays dont les autorités militaires et civiles restèrent alliées au Troisième Reich jusqu'à la dernière semaine de la guerre en Europe. La plupart des Allemands restants - environ 300 000 dans la région de Voïvodine - passèrent sous la juridiction de la Hongrie, qui incorpora cette région pendant la guerre (après 1945, elle fut rattachée à la partie serbe de la Yougoslavie).
Le sort des Allemands ethniques devint sinistre pendant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, surtout après la fondation de la seconde Yougoslavie, Etat communiste multiethnique dirigé par le maréchal Josip Broz Tito. Vers la fin d'octobre 1944, les forces de guérilla de Tito, aidées par l'avance soviétique et généreusement assistées par les fournitures aériennes des Alliés occidentaux, prirent le contrôle de Belgrade, la capitale serbe qui servit plus tard de capitale à la nouvelle Yougoslavie. L'un des premiers actes juridiques du nouveau régime communiste fut le décret du 21 novembre 1944 sur la « décision concernant te transfert des biens de l'ennemi dans la propriété de l'Etat ». Il déclarait « ennemis du peuple » les citoyens d'origine allemande, et les privait de droits civiques. Le décret ordonnait aussi la confiscation par le gouvernement de tous les biens, sans compensation, des Allemands ethniques de Yougoslavie auxquels une loi additionnelle, promulguée à Belgrade le 6 février 1945, retira la citoyenneté yougoslave.
A la fin de 1944 - alors que les forces communistes avaient déjà pris le contrôle de l'est des Balkans, Bulgarie, Serbie et Macédoine -, l'Etat de Croatie, allié aux Allemands, tenait encore bon. Cependant, au début du mois d'avril 1945, les troupes allemandes, en même temps que les troupes et les civils croates, commencèrent à faire retraite vers le sud de l'Autriche, notamment vers la Carinthie. Pendant les deux derniers mois de la guerre, la majorité des Volksdeutsche de Yougoslavie rejoignirent aussi ce nouveau « grand trek ». La crainte des réfugiés devant la torture et la mort était tout à fait fondée, étant donné l'horrible traitement infligé par les forces soviétiques aux Allemands civils en Prusse orientale et dans d'autres parties de l'Europe de l'Est. A la fin de la guerre, en mai 1945, les autorités allemandes avaient évacué environ 220 000 Allemands de Yougoslavie vers l'Allemagne et l'Autriche. Pourtant, beaucoup restèrent dans leur patrie ancestrale ravagée par la guerre.
Après la fin des combats en Europe, le 8 mai 1945, plus de 200 000 d'entre eux, qui étaient restés en Yougoslavie, devinrent effectivement les captifs du nouveau régime communiste. Quelque 63 635 civils allemands ethniques yougoslaves (femmes, hommes et enfants) périrent sous le règne communiste entre 1945 et 1950 - c'est-à-dire environ 18 % de la population civile allemande. La plupart moururent d'épuisement par le travail forcé et le « nettoyage ethnique », ou de maladie et de malnutrition. Le « miracle économique » tellement vanté par la Yougoslavie titiste et plus tard par les "soixante-huitards" occidentaux dont Michel Rocard, grand admirateur de l'autogestion à la yougoslave, fut, il faut le noter, le résultat direct du labeur de milliers de travailleurs forcés allemands qui, à la fin des années 1940, aidèrent à reconstruire le pays.
Leurs biens, évidemment confisqués, représentaient 97 490 petits commerces, usines, magasins, fermes et affaires diverses. Les biens immobiliers et terres cultivées spoliées couvraient 637 939 hectares et devinrent propriété de l'Etat yougoslave. D'après un calcul de 1982, la valeur des biens confisqués aux Allemands ethniques de Yougoslavie atteignait 15 milliards de marks, ou environ 7 milliards de dollars US. En prenant en compte l'inflation, cela correspondrait aujourd'hui à 18 milliards de dollars américains. De 1948 à 1985, plus de 87 000 de ces Allemands qui résidaient encore en Yougoslavie se sont installés en RFA et sont devenus automatiquement citoyens allemands.
Tout cela constitua la « solution finale de la question allemande » en Yougoslavie titiste.
Sur le million et demi de Donauschwaben qui vivaient dans le bassin du Danube en 1939-1941, quelque 93 000 servirent durant la Seconde Guerre mondiale dans les forces armées de la Hongrie, de la Croatie et de la Roumanie - des pays de l'Axe, alliés à l'Allemagne - ou dans les forces armées allemandes régulières. Les Allemands ethniques de Hongrie, de Croatie et de Roumanie qui servirent dans les formations militaires de ces pays demeurèrent citoyens de ces Etats respectifs.
De plus, beaucoup servirent dans la division Waffen-SS « Prinz Eugen », qui regroupa quelque 10 000 hommes pendant son existence durant la guerre (cette formation fut nommée en l'honneur du prince Eugène de Savoie, qui avait remporté de grandes victoires contre les forces turques à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe dans les Balkans). S'engager dans la « Prinz Eugen » conférait automatiquement la citoyenneté allemande à la recrue. Mais les pertes de la « Prinz Eugen » furent particulièrement élevées, le gros de la division s'étant rendu après le 8 mai 1945 et quelque 1 700 de ces prisonniers furent tués dans le village de Brezice prés de la frontière croato-slovène, et la moitié restante périt au travail forcé dans les mines de zinc proches de la ville de Bor, en Serbie.
En dehors du « nettoyage ethnique » des civils et soldats allemands du Danube, quelque 70 000 Allemands qui avaient servi dans les forces régulières de la Wehrmacht périrent en captivité en Yougoslavie. La plupart d'entre eux moururent lors de représailles, ou comme travailleurs forcés dans les mines, en construisant des routes, dans des chantiers navals, etc. C'étaient principalement des soldats du « Groupe d'Armée E » qui s'étaient rendus aux autorités militaires britanniques dans le sud de l'Autriche au moment de l'armistice du 8 mai 1945. Les autorités britanniques livrèrent environ 150 000 de ces prisonniers de guerre allemands aux partisans yougoslaves communistes sous prétexte d'un rapatriement ultérieur en Allemagne. A suivre

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