Au nord de la Turquie et au sud de la fédération de Russie, la barrière du Caucase abrite un incroyable enchevêtrement de peuples musulmans traditionnellement hostiles au pouvoir russe. La fin de l’empire soviétique y a créé une situation totalement anarchique. A chaque instant, la poudrière caucasienne risque d’exploser. On ne défie pas impunément les lois de l’histoire. Les peuples du Nord-Caucase sont actuellement regroupés en plusieurs républiques autonomes : la RA d’Abkhazie sur la mer Noire, la RA des Tcherkesses, la RA des Kabardino-Balkars, l’Ossétie du Nord, la RA des Tchétchéno-Ingouches, ou Tchétchénie, et la RA du Daghestan.
Le Nord-Caucase a longtemps été influencé par les Scythes et plus particulièrement par l’un de leurs peuples, celui des Alains, des Indo-Européens.
Au sud de la barrière du Caucase, les composantes ethniques ont largement été orientalisées par les Perses, ce qui les distingue nettement de leurs "cousins" du nord. D’ouest en est les peuples de Transcaucasie sont répartis en plusieurs républiques : celles d’Adjarie, de Géorgie, d’Ossétie du Sud, d’Azerbaïdjan et d’Arménie.
Pour compliquer encore cette mosaïque ethnique, raciale et linguistique, d’incessantes vagues d’invasion ont implanté dans le Caucase des populations nouvelles, comme celles se rattachant à la famille turco-mongole, à tel point que, pour qualifier cette multitude, les géographes arabes médiévaux donnèrent au Caucase le nom de "Montagne des langues".
Parmi tous les peuples autochtones du Nord-Caucase, le plus connu est celui des Tcherkesses, les Kassogues des géographes de l’Antiquité. C’est à tort et à travers que leur nom a été utilisé pour désigner la totalité des populations nord ou cis-caucasiennes.
Or, ne sont tcherkesses que les groupes caucasiques du nord-ouest : Tcherkessk, Adyghès, Kabardes et, à l’extrême rigueur, Abkazes du nord-ouest de la Géorgie ; c’est ainsi que le célèbre chef Chamil, présenté comme le héros de l’épopée tcherkesse, était en réalité originaire du Daghestan et n’était donc pas ethno-linguistiquement parlant tcherkesse. Comme tous les peuples du nord du Caucase, les Tcherkesses avaient une longue tradition de mercenariat. Ils formaient des unités de cavalerie légère destinées à harceler l’ennemi. Ils servirent l’Empire mongol, le Khânat de Crimée, les royaumes de Pologne et de Lituanie ou même le tsar de toutes les Russies. C’est cependant au service de la Turquie qu’ils s’illustrèrent le plus car, et le fait est peu connu en Europe, ils constituèrent avec les représentants d’autres peuples du Caucase, l’essentiel de la milice des Mamelouks.
En 1250, les Mamelouks s’emparèrent de la Syrie et de l’Egypte où des souverains tcherkesses régnèrent de 1382 à 1517, date de la conquête ottomane. Puis le sultan ottoman leur laissa l’administration de l’Egypte qu’ils perdirent à la suite de la campagne que Bonaparte y mena. C’est à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe que la poussée slave atteignit véritablement la région du Caucase après s’être imposée au terme de longs siècles de combats qui opposèrent l’Empire russe à la Turquie et à la Perse. En 1801, les Russes annexèrent la Géorgie puis les régions situées au sud du Caucase ; les populations du Nord-Caucase étaient donc prises à revers et, durant un demi-siècle, elles opposèrent une résistance désespérée à l’armée russe. C’est à cette occasion que s’illustra le célèbre Chamil, chef des montagnards du Daghestan qui ne sera capturé par les Russes qu’en 1859. La grande guerre du Caucase fut très dure et très meurtrière. Les Tcherkesses furent les derniers à résister, puis des dizaines de milliers d’entre eux, cédant sous la poussée numériquement supérieure des Cosaques, choisirent l’émigration et allèrent se placer sous protection ottomane. Les véritables conquérants du Nord-Caucase furent les Cosaques. Les premiers d’entre eux étaient originaires de la région du Don, puis ils furent renforcés par les Cosaques du Terek qui s’étaient primitivement installés dans le pays tchétchène. A partir de la fin du XVIIIe siècle, les Zaporogues d’Ukraine furent rebaptisés Cosaques de la mer Noire et encouragés à s’installer sur le Kouban, c’est-à-dire en pays tcherkesse. Dans la première moitié du XIXe siècle, cent mille paysans ukrainiens vinrent les y rejoindre. Placé au carrefour de la steppe ukraino-russe et des mondes turc et persan, le Caucase est à nouveau entré dans une période de turbulences, renouant avec une tradition historique séculaire en raison du vide politique laissé par l’effondrement de l’Empire soviétique.
par Bernard Lugan
Le Nord-Caucase a longtemps été influencé par les Scythes et plus particulièrement par l’un de leurs peuples, celui des Alains, des Indo-Européens.
Au sud de la barrière du Caucase, les composantes ethniques ont largement été orientalisées par les Perses, ce qui les distingue nettement de leurs "cousins" du nord. D’ouest en est les peuples de Transcaucasie sont répartis en plusieurs républiques : celles d’Adjarie, de Géorgie, d’Ossétie du Sud, d’Azerbaïdjan et d’Arménie.
Pour compliquer encore cette mosaïque ethnique, raciale et linguistique, d’incessantes vagues d’invasion ont implanté dans le Caucase des populations nouvelles, comme celles se rattachant à la famille turco-mongole, à tel point que, pour qualifier cette multitude, les géographes arabes médiévaux donnèrent au Caucase le nom de "Montagne des langues".
Parmi tous les peuples autochtones du Nord-Caucase, le plus connu est celui des Tcherkesses, les Kassogues des géographes de l’Antiquité. C’est à tort et à travers que leur nom a été utilisé pour désigner la totalité des populations nord ou cis-caucasiennes.
Or, ne sont tcherkesses que les groupes caucasiques du nord-ouest : Tcherkessk, Adyghès, Kabardes et, à l’extrême rigueur, Abkazes du nord-ouest de la Géorgie ; c’est ainsi que le célèbre chef Chamil, présenté comme le héros de l’épopée tcherkesse, était en réalité originaire du Daghestan et n’était donc pas ethno-linguistiquement parlant tcherkesse. Comme tous les peuples du nord du Caucase, les Tcherkesses avaient une longue tradition de mercenariat. Ils formaient des unités de cavalerie légère destinées à harceler l’ennemi. Ils servirent l’Empire mongol, le Khânat de Crimée, les royaumes de Pologne et de Lituanie ou même le tsar de toutes les Russies. C’est cependant au service de la Turquie qu’ils s’illustrèrent le plus car, et le fait est peu connu en Europe, ils constituèrent avec les représentants d’autres peuples du Caucase, l’essentiel de la milice des Mamelouks.
En 1250, les Mamelouks s’emparèrent de la Syrie et de l’Egypte où des souverains tcherkesses régnèrent de 1382 à 1517, date de la conquête ottomane. Puis le sultan ottoman leur laissa l’administration de l’Egypte qu’ils perdirent à la suite de la campagne que Bonaparte y mena. C’est à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe que la poussée slave atteignit véritablement la région du Caucase après s’être imposée au terme de longs siècles de combats qui opposèrent l’Empire russe à la Turquie et à la Perse. En 1801, les Russes annexèrent la Géorgie puis les régions situées au sud du Caucase ; les populations du Nord-Caucase étaient donc prises à revers et, durant un demi-siècle, elles opposèrent une résistance désespérée à l’armée russe. C’est à cette occasion que s’illustra le célèbre Chamil, chef des montagnards du Daghestan qui ne sera capturé par les Russes qu’en 1859. La grande guerre du Caucase fut très dure et très meurtrière. Les Tcherkesses furent les derniers à résister, puis des dizaines de milliers d’entre eux, cédant sous la poussée numériquement supérieure des Cosaques, choisirent l’émigration et allèrent se placer sous protection ottomane. Les véritables conquérants du Nord-Caucase furent les Cosaques. Les premiers d’entre eux étaient originaires de la région du Don, puis ils furent renforcés par les Cosaques du Terek qui s’étaient primitivement installés dans le pays tchétchène. A partir de la fin du XVIIIe siècle, les Zaporogues d’Ukraine furent rebaptisés Cosaques de la mer Noire et encouragés à s’installer sur le Kouban, c’est-à-dire en pays tcherkesse. Dans la première moitié du XIXe siècle, cent mille paysans ukrainiens vinrent les y rejoindre. Placé au carrefour de la steppe ukraino-russe et des mondes turc et persan, le Caucase est à nouveau entré dans une période de turbulences, renouant avec une tradition historique séculaire en raison du vide politique laissé par l’effondrement de l’Empire soviétique.
par Bernard Lugan
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