Dans la longue et chaotique histoire des rapports entre l'Eglise et l'Etat, en France, le 12 juillet 1790 est une date importante. Ce jour-là, en effet, l'Assemblée constituante vote la Constitution civile du clergé, en discussion depuis le 29 mai.
Présentée alors par l'abbé Grégoire et deux avocats, Treilhard et Camus, ce dernier chargé jusqu'alors de défendre devant les tribunaux les intérêts du clergé de France, cette Constitution se veut d'inspiration gallicane. En cela, elle perpétue une tradition très ancrée sous la monarchie, depuis le Moyen Age. Mais, au-delà de cette volonté d'indépendance à l'égard de Rome, elle met en cause la place et le rôle du clergé dans le fonctionnement du corps social. L'Eglise revendiquait en effet, depuis la fin du V siècle, un rôle de tutrice dans l'organisation de la société. Au début du XIe siècle, un prélat, Adalbéron de Laon, expliquait au roi de France, dans un texte célèbre, qu'une société harmonieuse devait être divisée en trois catégories d'individus, les Oratores ("ceux qui prient"), les bellatores ("ceux qui combattent") et les laboratores ("ceux qui travaillent"). Ce classement hiérarchique donnant, bien sûr, le premier rôle aux hommes de prière, qui incarnent de ce fait la fonction dite de souveraineté dans la tradition indo-européenne.
La Constitution civile du clergé inverse la situation puisqu'elle établit que les archevêques, évêques et curés désormais élus par les citoyens (l'investiture canonique étant donnée aux curés par l'évêque, aux évêques par l'archevêque) doivent, avant d'entrer en fonction, prêter serment de fidélité à la nation, au roi et à la Constitution. Le roi, après de longues hésitations, devait donner son aval le 24 août à cette décision, récusée par contre et dénoncée, très logiquement, par deux brefs pontificaux au printemps 1791.
En adoptant la Constitution civile du clergé, l'Assemblée constituante ajoute une pierre, décisive, à un édifice anticlérical déjà bien en place : il s'agit de récupérer l'énorme fortune que contrôle le clergé pour combler, au moins en partie, un inquiétant gouffre budgétaire, mais cette mesure a été préparée, dès novembre 1789, par la transformation en biens nationaux des propriétés du clergé, désormais mises à la disposition de la nation.
Par ailleurs, le 13 février 1790, la Constituante a décidé la suppression de certains ordres religieux, affirmant de façon vexatoire qu'ils sont constitués de « fainéants qui passent leur temps à prier ».
Principal inspirateur de la Constitution civile du clergé, l'abbé Grégoire, ancien élève des jésuites, est un fervent partisan de la tolérance, comme il l'a manifesté dans son Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs, couronné en 1788 par la Société royale de Metz. Pourtant, la Constitution civile va être source de drames : l'obligation légale du serment de fidélité à la nation crée très vite un fossé infranchissable entre prêtres constitutionnels ou jureurs et prêtres réfractaires ou insermentés. Parmi les évêques, seuls sept acceptent de prêter le serment et beaucoup de prêtres (80 % dans l'Ouest) s'y refusent. Au clivage politique qui sépare révolutionnaires et contre-révolutionnaires s'ajoute désormais un clivage religieux. Un long et douloureux conflit commence, qui ne sera apaisé que par Napoléon.
P V National Hebdo du 9 au 15 juillet 1998
Présentée alors par l'abbé Grégoire et deux avocats, Treilhard et Camus, ce dernier chargé jusqu'alors de défendre devant les tribunaux les intérêts du clergé de France, cette Constitution se veut d'inspiration gallicane. En cela, elle perpétue une tradition très ancrée sous la monarchie, depuis le Moyen Age. Mais, au-delà de cette volonté d'indépendance à l'égard de Rome, elle met en cause la place et le rôle du clergé dans le fonctionnement du corps social. L'Eglise revendiquait en effet, depuis la fin du V siècle, un rôle de tutrice dans l'organisation de la société. Au début du XIe siècle, un prélat, Adalbéron de Laon, expliquait au roi de France, dans un texte célèbre, qu'une société harmonieuse devait être divisée en trois catégories d'individus, les Oratores ("ceux qui prient"), les bellatores ("ceux qui combattent") et les laboratores ("ceux qui travaillent"). Ce classement hiérarchique donnant, bien sûr, le premier rôle aux hommes de prière, qui incarnent de ce fait la fonction dite de souveraineté dans la tradition indo-européenne.
La Constitution civile du clergé inverse la situation puisqu'elle établit que les archevêques, évêques et curés désormais élus par les citoyens (l'investiture canonique étant donnée aux curés par l'évêque, aux évêques par l'archevêque) doivent, avant d'entrer en fonction, prêter serment de fidélité à la nation, au roi et à la Constitution. Le roi, après de longues hésitations, devait donner son aval le 24 août à cette décision, récusée par contre et dénoncée, très logiquement, par deux brefs pontificaux au printemps 1791.
En adoptant la Constitution civile du clergé, l'Assemblée constituante ajoute une pierre, décisive, à un édifice anticlérical déjà bien en place : il s'agit de récupérer l'énorme fortune que contrôle le clergé pour combler, au moins en partie, un inquiétant gouffre budgétaire, mais cette mesure a été préparée, dès novembre 1789, par la transformation en biens nationaux des propriétés du clergé, désormais mises à la disposition de la nation.
Par ailleurs, le 13 février 1790, la Constituante a décidé la suppression de certains ordres religieux, affirmant de façon vexatoire qu'ils sont constitués de « fainéants qui passent leur temps à prier ».
Principal inspirateur de la Constitution civile du clergé, l'abbé Grégoire, ancien élève des jésuites, est un fervent partisan de la tolérance, comme il l'a manifesté dans son Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs, couronné en 1788 par la Société royale de Metz. Pourtant, la Constitution civile va être source de drames : l'obligation légale du serment de fidélité à la nation crée très vite un fossé infranchissable entre prêtres constitutionnels ou jureurs et prêtres réfractaires ou insermentés. Parmi les évêques, seuls sept acceptent de prêter le serment et beaucoup de prêtres (80 % dans l'Ouest) s'y refusent. Au clivage politique qui sépare révolutionnaires et contre-révolutionnaires s'ajoute désormais un clivage religieux. Un long et douloureux conflit commence, qui ne sera apaisé que par Napoléon.
P V National Hebdo du 9 au 15 juillet 1998
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