En ouvrant au public, le 1er septembre 1795, le Musée des monuments français dont il avait la charge, Alexandre Lenoir entendait faire prendre conscience à ses compatriotes de la richesse extraordinaire que constitue leur patrimoine national. C'était là œuvre de salut public, car il fallait sauver ce qui pouvait encore l'être, après la vague de vandalisme qui a marqué les premières années de la Révolution.
Le mot vandalisme est utilisé pour la première fois par l'abbé Grégoire, le 14 fructidor an III (31 août 1794) à propos de la nécessaire protection des inscriptions romaines de la Gaule, martelées parce qu'écrites dans cette langue d'obscurantisme qu'est le latin ... il dit : « On ne peut inspirer aux citoyens trop d'honneur pour ce vandalisme - qui ne connaît que la destruction. » Il est vrai qu'au nom des Lumières, de la raison et de la nécessité de faire du passé table rase, les casseurs ont pu s'en donner à cœur joie. Effacement systématique des signes de la royauté sur les monuments, les meubles, les tapisseries, les objets, destruction des statues royales de la galerie des rois à Notre-Dame, pillage du mobilier de Versailles, saccage des Tuileries, démembrement ou destruction des châteaux de Marly, Meudon, Bellevue, Louveciennes, Saint-Germain, Choisy-le-Roi... Par ailleurs sont visés tous les témoignages d'un ordre féodal et d'un catholicisme honnis : chartes et terriers brûlés, sépultures violées, statues, gisants, portraits de famille détruits, châteaux incendiés, monastères démolis, églises saccagées, cloches, châsses et objets du culte fondus ... La description est longue de cette « catastrophe culturelle qu'a été la Révolution » (Jean Tulard).
La destruction la plus emblématique est sans doute celle qui a visé l'abbaye de Saint-Denis. Nécropole royale depuis 638, abritant l'étendard de guerre des rois de France (un drapeau rouge appelé «oriflamme», dont le symbolisme remonte à l'époque préchrétienne), Saint-Denis avait toutes raisons d'être spécialement visée : le 1er août 1793, la Convention décréta que les tombeaux des « ci-devant rois » devant être détruits. On défonça les cercueils et on jeta les ossements dans une grande fosse. Mais statues et gisants furent sauvés grâce à l'intervention d'Alexandre Lenoir, à ses risques et périls. La restauration des sépultures royales devait être ordonnée par Napoléon en 1806.
Par sa courageuse intervention, Lenoir avait démontré que tous les révolutionnaires n'étaient pas des obscurantistes. Il obtint même, grâce à l'appui de Bailly, que fussent réunis les objets d'art provenant des biens nationaux (ceux qui avaient pu être sauvés... ) et ce dépôt unique fut installé dans le couvent des Petits-Augustins, au 16 de la rue du même nom. Lenoir devait rester, pendant une trentaine d'années, l'administrateur de ce Musée des monuments français dont il avait été le père spirituel. Le patrimoine lui doit beaucoup. Son nom mérite donc d'être rappelé, aujourd'hui où les ministres de la Cultures successifs (Trautmann continuant fidèlement Douste-Blazy) sont, de fait, les pires ennemis du patrimoine et en font la démonstration permanente.
P V National Hebdo du 28 août au 3 septembre 1997
Le mot vandalisme est utilisé pour la première fois par l'abbé Grégoire, le 14 fructidor an III (31 août 1794) à propos de la nécessaire protection des inscriptions romaines de la Gaule, martelées parce qu'écrites dans cette langue d'obscurantisme qu'est le latin ... il dit : « On ne peut inspirer aux citoyens trop d'honneur pour ce vandalisme - qui ne connaît que la destruction. » Il est vrai qu'au nom des Lumières, de la raison et de la nécessité de faire du passé table rase, les casseurs ont pu s'en donner à cœur joie. Effacement systématique des signes de la royauté sur les monuments, les meubles, les tapisseries, les objets, destruction des statues royales de la galerie des rois à Notre-Dame, pillage du mobilier de Versailles, saccage des Tuileries, démembrement ou destruction des châteaux de Marly, Meudon, Bellevue, Louveciennes, Saint-Germain, Choisy-le-Roi... Par ailleurs sont visés tous les témoignages d'un ordre féodal et d'un catholicisme honnis : chartes et terriers brûlés, sépultures violées, statues, gisants, portraits de famille détruits, châteaux incendiés, monastères démolis, églises saccagées, cloches, châsses et objets du culte fondus ... La description est longue de cette « catastrophe culturelle qu'a été la Révolution » (Jean Tulard).
La destruction la plus emblématique est sans doute celle qui a visé l'abbaye de Saint-Denis. Nécropole royale depuis 638, abritant l'étendard de guerre des rois de France (un drapeau rouge appelé «oriflamme», dont le symbolisme remonte à l'époque préchrétienne), Saint-Denis avait toutes raisons d'être spécialement visée : le 1er août 1793, la Convention décréta que les tombeaux des « ci-devant rois » devant être détruits. On défonça les cercueils et on jeta les ossements dans une grande fosse. Mais statues et gisants furent sauvés grâce à l'intervention d'Alexandre Lenoir, à ses risques et périls. La restauration des sépultures royales devait être ordonnée par Napoléon en 1806.
Par sa courageuse intervention, Lenoir avait démontré que tous les révolutionnaires n'étaient pas des obscurantistes. Il obtint même, grâce à l'appui de Bailly, que fussent réunis les objets d'art provenant des biens nationaux (ceux qui avaient pu être sauvés... ) et ce dépôt unique fut installé dans le couvent des Petits-Augustins, au 16 de la rue du même nom. Lenoir devait rester, pendant une trentaine d'années, l'administrateur de ce Musée des monuments français dont il avait été le père spirituel. Le patrimoine lui doit beaucoup. Son nom mérite donc d'être rappelé, aujourd'hui où les ministres de la Cultures successifs (Trautmann continuant fidèlement Douste-Blazy) sont, de fait, les pires ennemis du patrimoine et en font la démonstration permanente.
P V National Hebdo du 28 août au 3 septembre 1997
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