Le 10 août 1792 a été un moment décisif dans le déroulement de la Révolution, qui a « fait brusquement basculer la Révolution du monde des robins dans celui des sans-culottes » (Jean Tulard). Le début de la Terreur a été marqué par le massacre des Suisses et des gentilshommes, chevaliers de Saint-Louis, gardant les Tuileries. La Commune insurrectionnelle, sous la pression des sections de quartiers regroupant agitateurs et démagogues, impose la déchéance du roi et l'enfermement au Temple de la famille royale.
Un vent de folie souffle sur Paris : le bruit court que les armées autrichiennes et prussiennes envahissant le pays ont des complices dans la capitale. Et tout spécialement là où se trouvent concentrés des ennemis de la Révolution : dans les prisons (Abbaye, Conciergerie, Châtelet, Grande Force et Petite Force, Bicêtre) où s'entassent trois mille détenus dont le tiers, arrêté après le 10 août, est constitué d'aristocrates, prêtres réfractaires, soldats suisses des Tuileries ayant survécu au massacre (plus quelques prisonniers de droit commun). Des comploteurs royalistes vont, dit-on, libérer et armer ces prisonniers ... Danton le proclame le 25 août : « Vous avez des traîtres dans votre sein. » Fréron, futur organisateur de massacres à Marseille et Toulon, écrit dans L'orateur du peuple : « Les prisons regorgent de scélérats, il est urgent d'en délivrer la société sur-le-champ. » Quant à Marat, ses appels au meurtre sont clairs : « Le parti le plus sûr et le plus sage est de se porter en armes à l'Abbaye, d'en arracher les traîtres, particulièrement les officiers suisses et de les passer au fil de l'épée. »
De si judicieux conseils ne tombent pas dans l'oreille de sourds. Le 2 septembre, tandis que sonne le tocsin, « plusieurs centaines d'égorgeurs envahissent les prisons et se mettent à massacrer les prisonniers de manière le plus souvent sadique et atroce » (Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Robert Laffont, 1987). Les tueurs touchent 6 francs par jour, avec le vin à discrétion pour entretenir leur zèle révolutionnaire.
La boucherie dure jusqu'au 9 septembre. Il semble y avoir eu 1 392 prisonniers assassinés (les chiffres varient, à quelques dizaines près). Parmi eux, Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, surintendante de la Maison de Marie-Antoinette et confidente de la reine, qu'elle voulut accompagner jusqu'au bout. Incarcérée avec la famille royale au Temple, elle en est tirée pour être enfermée à la prison de la Force. Restif de la Bretonne a décrit son martyre : « Je vis paraître une femme, pâle comme un linge, soutenue par un guichetier. On lui dit d'une voix rude : "Crie vive la nation !" - "Non, non" disait-elle. On la fit monter sur un monceau de cadavres. On lui répéta de crier : "Vive la nation !" Elle refusa dédaigneusement. Alors un tueur la saisit, arracha sa robe et lui ouvrit le ventre. Elle tomba et fut achevée comme les autres. Je voulus fuir, mes jambes faiblirent. Je m'évanouis. Quand je revins à moi, je vis la tête sanglante. On m'a dit qu'on fut la laver, la friser, la mettre au bout d'une pique et la porter sous les croisées du Temple » (pour qu'elle soit vue par Marie-Antoinette ... )
Ces massacres ne furent désavoués par aucun des chefs révolutionnaires. Robespierre ne dit mot, Danton affirma : « Je me fous bien des prisonniers, qu'ils deviennent ce qu'ils pourront ! ». Se souvint-il de ces mots quand vint son tour de monter à la guillotine ? Quant aux administrateurs de la Commune de Paris, parmi lesquels siège Marat, ils envoient dès le 3 septembre une missive à toutes les communes de France pour les inciter à imiter Paris : « La Commune de Paris se hâte d'informer ses frères de tous les départements qu'une partie des conspirateurs féroces détenus dans ses prisons ont été mis à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment où il allait marcher à l'ennemi ; et sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public ».
Appel entendu à Meaux, Caen, Versailles, Reims, Lyon. Dans cette dernière ville, le 9 septembre, une foule d'hommes, femmes et enfants (!), entraînés par les disciples du chef des agitateurs Chalier (qui fut novice chez les Dominicains), envahissent les prisons de Pierre-Seize, Roanne et St-Joseph et massacrent les officiers du Royal-Pologne et les prêtres réfractaires qui s'y trouvent avant d'aller exhiber dans les rues les têtes coupées plantées au bout des piques.
Le 22 septembre la Convention nouvellement élue put décréter « l'an I de la République ». Une naissance célébrée dans l'odeur du sang des "Septembrisades" .
Pierre VIAL. Rivarol du 26 septembre 2008
Un vent de folie souffle sur Paris : le bruit court que les armées autrichiennes et prussiennes envahissant le pays ont des complices dans la capitale. Et tout spécialement là où se trouvent concentrés des ennemis de la Révolution : dans les prisons (Abbaye, Conciergerie, Châtelet, Grande Force et Petite Force, Bicêtre) où s'entassent trois mille détenus dont le tiers, arrêté après le 10 août, est constitué d'aristocrates, prêtres réfractaires, soldats suisses des Tuileries ayant survécu au massacre (plus quelques prisonniers de droit commun). Des comploteurs royalistes vont, dit-on, libérer et armer ces prisonniers ... Danton le proclame le 25 août : « Vous avez des traîtres dans votre sein. » Fréron, futur organisateur de massacres à Marseille et Toulon, écrit dans L'orateur du peuple : « Les prisons regorgent de scélérats, il est urgent d'en délivrer la société sur-le-champ. » Quant à Marat, ses appels au meurtre sont clairs : « Le parti le plus sûr et le plus sage est de se porter en armes à l'Abbaye, d'en arracher les traîtres, particulièrement les officiers suisses et de les passer au fil de l'épée. »
De si judicieux conseils ne tombent pas dans l'oreille de sourds. Le 2 septembre, tandis que sonne le tocsin, « plusieurs centaines d'égorgeurs envahissent les prisons et se mettent à massacrer les prisonniers de manière le plus souvent sadique et atroce » (Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Robert Laffont, 1987). Les tueurs touchent 6 francs par jour, avec le vin à discrétion pour entretenir leur zèle révolutionnaire.
La boucherie dure jusqu'au 9 septembre. Il semble y avoir eu 1 392 prisonniers assassinés (les chiffres varient, à quelques dizaines près). Parmi eux, Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, surintendante de la Maison de Marie-Antoinette et confidente de la reine, qu'elle voulut accompagner jusqu'au bout. Incarcérée avec la famille royale au Temple, elle en est tirée pour être enfermée à la prison de la Force. Restif de la Bretonne a décrit son martyre : « Je vis paraître une femme, pâle comme un linge, soutenue par un guichetier. On lui dit d'une voix rude : "Crie vive la nation !" - "Non, non" disait-elle. On la fit monter sur un monceau de cadavres. On lui répéta de crier : "Vive la nation !" Elle refusa dédaigneusement. Alors un tueur la saisit, arracha sa robe et lui ouvrit le ventre. Elle tomba et fut achevée comme les autres. Je voulus fuir, mes jambes faiblirent. Je m'évanouis. Quand je revins à moi, je vis la tête sanglante. On m'a dit qu'on fut la laver, la friser, la mettre au bout d'une pique et la porter sous les croisées du Temple » (pour qu'elle soit vue par Marie-Antoinette ... )
Ces massacres ne furent désavoués par aucun des chefs révolutionnaires. Robespierre ne dit mot, Danton affirma : « Je me fous bien des prisonniers, qu'ils deviennent ce qu'ils pourront ! ». Se souvint-il de ces mots quand vint son tour de monter à la guillotine ? Quant aux administrateurs de la Commune de Paris, parmi lesquels siège Marat, ils envoient dès le 3 septembre une missive à toutes les communes de France pour les inciter à imiter Paris : « La Commune de Paris se hâte d'informer ses frères de tous les départements qu'une partie des conspirateurs féroces détenus dans ses prisons ont été mis à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment où il allait marcher à l'ennemi ; et sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public ».
Appel entendu à Meaux, Caen, Versailles, Reims, Lyon. Dans cette dernière ville, le 9 septembre, une foule d'hommes, femmes et enfants (!), entraînés par les disciples du chef des agitateurs Chalier (qui fut novice chez les Dominicains), envahissent les prisons de Pierre-Seize, Roanne et St-Joseph et massacrent les officiers du Royal-Pologne et les prêtres réfractaires qui s'y trouvent avant d'aller exhiber dans les rues les têtes coupées plantées au bout des piques.
Le 22 septembre la Convention nouvellement élue put décréter « l'an I de la République ». Une naissance célébrée dans l'odeur du sang des "Septembrisades" .
Pierre VIAL. Rivarol du 26 septembre 2008
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