Mort à quatre-vingts ans, Rostropovitch restera comme une grande figure de la musique, mais aussi comme un homme qui a su dire non. Non au totalitarisme aux compromissions qui font préférer les bourreaux des peuples aux peuples eux-mêmes. Touchant l'âme des hommes par le langage universel de la musique, il savait aussi que l'amour de la patrie est cher à l'âme des peuples libres.
Né en 1927 à Bakou, en Azerbaïdjan, Mstislav Rostropovitch apprit le piano avec sa mère, puis le violoncelle avec son père, et donna son premier concert à treize ans. Élève du conservatoire de Moscou, il composa beaucoup pendant ses études, mais sa rencontre avec Chostakovitch le convainquit qu' il n' avait pas pour cet art le talent qu'il espérait. Il se "contenta" désormais d'une carrière de violoncelliste interprète, si l'on peut dire, car cette carrière fut exemplaire. Ami de Prokofiev et de Chostakovitch, Rostropovitch a beaucoup contribué, en suscitant de nombreuses compositions pour cet instrument, à enrichir le répertoire du violoncelle.
Russe d'abord
Premier prix aux concours de Prague et de Budapest en 1947, 1949 et 1950, il se vit décerner en 1950 la plus haute récompense qui existait alors dans son pays : le prix Staline, Professeur au conservatoire de Saint-Pétersbourg, il épousa une chanteuse du théâtre du Bolchoï. Mais cette carrière officielle au sein des élites artistiques, que le pouvoir soviétique cajolait à des fins de propagande, ne l'aveuglait pas.
Dès 1969, Rostropovitch et sa femme soutiennent le romancier Alexandre Soljenitsyne, qu'ils hébergent dans leur datcha. Et, en 1970, ils écrivent une lettre ouverte à Brejnev pour protester contre des restrictions à la liberté artistique. Ces actes eurent comme conséquence immédiate l'annulation de leurs concerts, de leurs projets d'enregistrement et de leurs voyages à l'étranger. En 1974, des visas de sortie leur furent accordés, et quatre ans plus tard, ils furent déchus de leur citoyenneté soviétique. Preuve qu'ils étaient fidèles à leur vraie patrie.
L'hymne à la joie
Rostropovitch ne redevint jamais soviétique : c'est la nationalité russe qu'il retrouva en 1990. En 1989, lors de la chute du mur de Berlin, il a été l'un des premiers à comprendre la portée de l'événement, bien avant beaucoup d'intellectuels et d'hommes politiques qui demeuraient, il faut bien le dire, fascinés par le "modèle" soviétique. Il n'était cependant pas venu prononcer des discours, mais tout simplement jouer de son instrument devant le mur en cours de démolition. Quand beaucoup exprimaient déjà leur inquiétude d'un "réveil des nationalisme", il exprimait tout simplement la joie de tous.
Il faut rappeler que les risques qu'on prenait en s'opposant à la dictature socialiste soviétique ne venaient pas seulement de l'Est. On se souvient que les attaques contre Kravtchenko, menées par la presse communiste et ses relais, avaient poussé le dissident au suicide. Soljenitsyne ne fut pas non plus épargné : la moindre allusion de sa part à la mère patrie russe et aux valeurs spirituelles le faisaient accuser d'être un suppôt d' Yvan le Terrible.
Le tribut que nous devons aux amis de la liberté n'a pas été payé, Mais sans doute, reconnaître leur courage mettrait-il l'accent sur la complaisance de tant d'autres. Alors qu'il semble que la "dénazification" doive durer au moins cinq siècles, la "décommunisation" n'a pris que cinq minutes. Or, oublier les crimes et leurs complices, c'est oublier aussi les héros, hélas !
Une icône de la liberté
Les funérailles de Rostropovitch ont eu lieu en la cathédrale Saint-Basile de Moscou, détruite sur ordre de Staline, et reconstruite à l'initiative d'un autre personnage récemment disparu, auquel comme de juste les critiques et les quolibets n' ont pas été épargnés : Boris Eltsine. Rostropovitch jouant du violoncelle devant la première brèche du mur de Berlin, Eltsine debout devant le Parlement russe assiégé par les chars, resteront deux images du courage et de la liberté. Qualités qui demeurent nécessaires car le résultat des dernières élections a montré que les partisans des forceries totalitaires sont toujours là. Défendre sa patrie reste un acte de courage.
Pierre de Laubier. FDA juillet 2007
Né en 1927 à Bakou, en Azerbaïdjan, Mstislav Rostropovitch apprit le piano avec sa mère, puis le violoncelle avec son père, et donna son premier concert à treize ans. Élève du conservatoire de Moscou, il composa beaucoup pendant ses études, mais sa rencontre avec Chostakovitch le convainquit qu' il n' avait pas pour cet art le talent qu'il espérait. Il se "contenta" désormais d'une carrière de violoncelliste interprète, si l'on peut dire, car cette carrière fut exemplaire. Ami de Prokofiev et de Chostakovitch, Rostropovitch a beaucoup contribué, en suscitant de nombreuses compositions pour cet instrument, à enrichir le répertoire du violoncelle.
Russe d'abord
Premier prix aux concours de Prague et de Budapest en 1947, 1949 et 1950, il se vit décerner en 1950 la plus haute récompense qui existait alors dans son pays : le prix Staline, Professeur au conservatoire de Saint-Pétersbourg, il épousa une chanteuse du théâtre du Bolchoï. Mais cette carrière officielle au sein des élites artistiques, que le pouvoir soviétique cajolait à des fins de propagande, ne l'aveuglait pas.
Dès 1969, Rostropovitch et sa femme soutiennent le romancier Alexandre Soljenitsyne, qu'ils hébergent dans leur datcha. Et, en 1970, ils écrivent une lettre ouverte à Brejnev pour protester contre des restrictions à la liberté artistique. Ces actes eurent comme conséquence immédiate l'annulation de leurs concerts, de leurs projets d'enregistrement et de leurs voyages à l'étranger. En 1974, des visas de sortie leur furent accordés, et quatre ans plus tard, ils furent déchus de leur citoyenneté soviétique. Preuve qu'ils étaient fidèles à leur vraie patrie.
L'hymne à la joie
Rostropovitch ne redevint jamais soviétique : c'est la nationalité russe qu'il retrouva en 1990. En 1989, lors de la chute du mur de Berlin, il a été l'un des premiers à comprendre la portée de l'événement, bien avant beaucoup d'intellectuels et d'hommes politiques qui demeuraient, il faut bien le dire, fascinés par le "modèle" soviétique. Il n'était cependant pas venu prononcer des discours, mais tout simplement jouer de son instrument devant le mur en cours de démolition. Quand beaucoup exprimaient déjà leur inquiétude d'un "réveil des nationalisme", il exprimait tout simplement la joie de tous.
Il faut rappeler que les risques qu'on prenait en s'opposant à la dictature socialiste soviétique ne venaient pas seulement de l'Est. On se souvient que les attaques contre Kravtchenko, menées par la presse communiste et ses relais, avaient poussé le dissident au suicide. Soljenitsyne ne fut pas non plus épargné : la moindre allusion de sa part à la mère patrie russe et aux valeurs spirituelles le faisaient accuser d'être un suppôt d' Yvan le Terrible.
Le tribut que nous devons aux amis de la liberté n'a pas été payé, Mais sans doute, reconnaître leur courage mettrait-il l'accent sur la complaisance de tant d'autres. Alors qu'il semble que la "dénazification" doive durer au moins cinq siècles, la "décommunisation" n'a pris que cinq minutes. Or, oublier les crimes et leurs complices, c'est oublier aussi les héros, hélas !
Une icône de la liberté
Les funérailles de Rostropovitch ont eu lieu en la cathédrale Saint-Basile de Moscou, détruite sur ordre de Staline, et reconstruite à l'initiative d'un autre personnage récemment disparu, auquel comme de juste les critiques et les quolibets n' ont pas été épargnés : Boris Eltsine. Rostropovitch jouant du violoncelle devant la première brèche du mur de Berlin, Eltsine debout devant le Parlement russe assiégé par les chars, resteront deux images du courage et de la liberté. Qualités qui demeurent nécessaires car le résultat des dernières élections a montré que les partisans des forceries totalitaires sont toujours là. Défendre sa patrie reste un acte de courage.
Pierre de Laubier. FDA juillet 2007
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