mardi 3 juin 2008

23 mai : la Lituanie sous le knout

• L'URSS a mis à profit la Seconde Guerre mondiale pour accroître son territoire, par rapport à 1939, de 682.809 kilomètres. Ceci avec l'accord implicite des Occidentaux qui, à la suite des conférences de Téhéran (décembre 1943), Yalta (février 1945) et Postdam juillet-août 1945) ont laissé agir l'impérialisme soviétique, lavé de ses péchés pour avoir activement participé à la "croisade des démocraties" lancée contre les forces du mal...

Les peuples baltes, accusés d'avoir fait le jeu de l'ennemi allemand, furent systématiquement traités en suspects. Ils devaient être punis de leur traditionnel antisoviétisme et, dès l'hiver 1944/1945, les Soviétiques utilisèrent les quelques communistes locaux et les sympathisants, en particulier juifs, issus des milieux intellectuels pour administrer les pays baltes sous le contrôle du NKVD. Mais ils durent faire face à une résistance tenace.

Pour briser le peuple lituanien, 145.000 personnes furent déportées en 1946. Le clergé catholique paya un lourd tribut : la moitié des prêtres et la quasi-totalité des évêques furent arrêtés ; l'évêque de Telsfaï, Mgr Borisevius, condamné à mort le 3 janvier 1947, fut aussitôt exécuté ; le primat de Lituanie, Mgr Reinys, archevêque de Vilnius, fut déporté en Sibérie où il mourut en 1953.

C'est aussi le chemin de la Sibérie que prirent les 300.000 hommes, femmes et enfants arrêtés le 23 mai 1947. Malgré cela, la résistance des paysans à la collectivisation des terres se poursuivit et les Soviétiques durent encore déporter en Sibérie, en mars 1949, 60.000 Lituaniens. A leur place, les Soviétiques firent venir des colons slaves, pour modifier la composition ethnique de la population des pays baltes et russifier ces territoires.

Indomptables, des partisans lituaniens, réfugiés dans les forêts du sud du pays, menèrent contre les occupants une guérilla acharnée qui se prolongea jusqu'à la fin des années 50. Ces combattants portaient le beau nom, hérité du Moyen Age, de "Frères de la forêt".

Parallèlement à cette résistance armée, une résistance culturelle préparait la renaissance nationale. Car, pour survivre à la glaciation soviétique, les peuples baltes ont compris qu'il leur fallait avoir recours à leur plus longue mémoire. Ils ont donc entretenu avec un soin jaloux un héritage venu du fond des âges, colporté par les chants choraux, la poésie, les fêtes communautaires qui marquent équinoxes et solstices. Ainsi les daïnos - courts "poèmes lituaniens comparables aux haïkus japonais - représentent-ils, pour la Lituanie d'aujourd'hui, la voix - et la voie - des ancêtres, une voix qui chante l'éternel retour des forces de vie :

"Je suis allé voir l'Etoile du Matin
L'Etoile du Matin m'a répondu :
Il me faut de bonne heure
allumer le feu pour le Soleil !
Je suis allé voir l'Etoile du Soir
L'Etoile du Soir m'a répondu :
Il me faut ce soir
préparer le lit du Soleil !"

Pierre Vial, National hebdo du 26 mai au 1er juin 1994

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