samedi 17 novembre 2007

LE PARTAGE DE L'AFRIQUE ALLEMANDE

Le 19 janvier 1919, l'Assemblée de Weimar est élue et le gouvernement qui en est issu déclare inacceptables les conditions de paix alliées qui visaient à faire de l'Allemagne une puissance placée sous la tutelle de ses vainqueurs.
Le 28 juin 1919, considérant qu'elle ne pouvait plus reprendre la guerre, l'Allemagne signe le traité de Versailles, reconnaissant, la rage au cœur, sa responsabilité exclusive dans le déclenchement des hostilités et entérinant sa déchéance coloniale pour « manquement à sa mission civilisatrice ».

CULPABILITÉ COLONIALE

Pour les vainqueurs, l'occasion était trop belle de laisser ainsi échapper la chance de se partager les dépouilles tant convoitées de l'ancienne Afrique allemande. Aussi, un argument moral fut-il inventé pour justifier cette politique. On prétendit que l'Allemagne avait maintenu ses territoires coloniaux avec une poigne de fer bien éloignée de la mission civilisatrice de l'homme blanc. En un mot, l'Allemagne n'était pas jugée digne de posséder des colonies.
Le mensonge de la culpabilité coloniale que les Allemands désignent par Die koloniale Schuldluge, donnait aux Alliés le droit de s'emparer des colonies du Reich. Quarante articles du traité de Versailles furent précisément consacrés à cette question.
Les principaux de ces articles portent les numéros 118, 119 et 120. Comme ils avaient le souci des formes, les Alliés ne désiraient pas que la prise de possession des dépouilles allemandes puisse apparaître comme une simple opération de rapt colonial, comme un nouveau partage de l'Afrique. C'est pourquoi le système des « mandats » fut inventé pour la circonstance. Habile artifice diplomatique: en théorie, les Alliés n'occupaient les anciennes colonies allemandes qu'au nom de la Société des nations qui leur confiait mandat afin qu'ils exercent à sa place les droits de souveraineté sur les territoires en question. Trois types de mandats furent prévus. Le mandat A concernait les anciens territoires de l'Empire ottoman partagés entre la France et la Grande-Bretagne. Le mandat B concernait le Rwanda, le Burundi, le Cameroun, le Tanganyika et le Togo, administrés par la Belgique, la France et la Grande-Bretagne. Le mandat C s'appliquait au sud-ouest africain et aux anciennes possessions allemandes du Pacifique.
Il prévoyait l'intégration au territoire de la puissance mandataire.
Ces précautions juridiques prises, il apparut bien vite que les Alliés considéraient naturellement leurs nouvelles acquisitions coloniales comme des parties intégrantes de leurs empires respectifs.
Le partage du Togo et du Cameroun fut réalisé à l'avantage de la France.
Entre la Belgique et la Grande-Bretagne, les marchandages furent laborieux. La Belgique occupait en effet la zone de Kigoma, important port créé par l'Allemagne sur le lac Tanganyka et terminus du chemin de fer qui reliait l'océan Indien au centre de l'Afrique.

MARCHANDAGES

Lord Milner, le négociateur britannique, désirait voir la Belgique renoncer à cette conquête afin que les communications entre les diverses possessions britanniques d'Afrique orientale ne soient pas coupées. En échange d'un abandon belge, il proposait des compensations aux dépens du domaine colonial portugais.
Le 13 avril 1919, la délégation belge à la conférence de la paix découvrit avec stupéfaction que le démembrement colonial allemand se faisait au profit des « grandes puissances alliées et associées », mais non à celui de la Belgique. Après une ferme intervention, le ministre belge des Affaires étrangères obtint que le terme «grandes puissances» soit remplacé par celui de « principales puissances» afin que Bruxelles puisse obtenir sa part des dépouilles du Reich. Le 30 mai 1919, une convention anglo-belge était signée, la Belgique conservait le Rwanda amputé du Gisaka, et le Burundi moins la région du Bugufi. Elle abandonnait Kigoma à la Grande-Bretagne en échange d'avantages économiques. En réalité, Londres accordait à Bruxelles la liberté de transit à travers l'Est africain britannique ainsi que des tarifs préférentiels sur ses voies ferrées et dans ses ports.
Le chant du « Heia Safari » ne retentirait plus sur les petites pistes : le temps des marchands était venu.

Bernard LUGAN : minute LA FRANCE 1992

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