samedi 17 novembre 2007

LA GÉNIALE ERREUR DE COLOMB

Colomb n'est évidemment pas le premier Européen ayant atteint les côtes américaines.
Bien avant lui, les Vikings avaient reconnu le Labrador et des pêcheurs normands venaient probablement remplir leurs cales de morues prises sur les bancs de Terre-Neuve. Mais les voyages de Colomb ont une autre portée dans la mesure où ils ont effectivement ouvert l'Amérique au monde extérieur. Le paradoxe de l'entreprise Colomb est que son auteur n'a à aucun moment pensé ou voulu admettre qu'il avait atteint un nouveau continent.
Le projet Colomb n'est pas insensé aux yeux des connaissances géographiques de l'époque. Contrairement à ce que continue à affirmer une littérature « facile », on sait déjà ou du moins on a deviné que la terre est ronde. Et c'est en s'appuyant sur cette réalité que, durant des années, Colomb va affirmer, tant au Portugal qu'en Espagne, qu'il est possible d'atteindre les Indes par une route occidentale beaucoup plus courte que celle du cap de Bonne-Espérance. Ce qu'ignorait Colomb était qu'entre l'Europe et l'Asie se trouvait l'Amérique ...

L'ERREUR

Ce n'est pas tant cette idée qui est combattue par les conseillers du roi du Portugal ou par les docteurs de l'université de Salamanque que l'estimation des distances faite par Colomb. Comme l'écrit Jacques Heers : « Tous ses raisonnements ou calculs, tous extravagants, péchaient ou par grande naïveté ou par le désir de constamment tricher.
Il a, pour élaborer et présenter son projet, sans cesse joué sur les chiffres, sur les estimations, s'appuyant sur les textes anciens favorables à sa thèse, torturant les résultats pour les plier à une démonstration qui, finalement, laisse perplexe. Tout est erroné, manipulé, travesti. Il a trop bien voulu démontrer ... mais ne pouvait tromper des hommes avertis. » (1)
Le résultat des calculs de Colomb faisait que la pointe de l'Europe était placée trop à l'Ouest tandis que l'Asie s'étendait outre mesure vers l'Est. Dans ces conditions, les distances qu'il annonçait étaient évidemment extrêmement raccourcies. Pour lui, la navigation vers l'Ouest qui devrait lui permettre d'atteindre l'Asie devait être inférieure à 4 500 km alors que la distance réelle est presque de 20 000 km ...
S'étant montré persuasif, il obtient néanmoins les moyens matériels de son périple et il se lancera dans quatre expéditions successives.
Le premier voyage se fit du 3 août 1492 au 16 mars 1493 au départ de Palos. Il permit de découvrir San Salvador, Cuba et Haïti. Le deuxième dura deux ans et huit mois, du 25 septembre 1493 au 11 juin 1496 et il s'effectua en direction de Puerto Rico, d'Haïti, de Cuba, de la Jamaïque et de la Martinique. C'est à l'occasion du troisième voyage, lequel se déroule du 30 mai 1498 au 30 octobre 1500 que Colomb atteignit pour la première fois le littoral américain continental dans l'actuel Venezuela. Sa quatrième expédition fut la plus dramatique car il fit naufrage à la Jamaïque.

L'ASIE

Durant les deux ans et sept mois qu'elle dura, c'est-à-dire du 3 avril 1502 au 7 novembre 1504, Colomb se rendit à la Martinique, à Haïti, qu'il avait baptisée Hispaniola, sur le littoral de l'actuel Honduras, le long des rivages de l'Amérique centrale et à Cuba.
A aucun moment Colomb ne voulut en démordre : il était certain d'avoir atteint l'Asie. A chacune de ses découvertes il était persuadé d'aborder dans une île ou un archipel proche du Japon ou de la Chine.
Le plus étonnant dans l'attitude du grand capitaine est que les populations amérindiennes primitives qu'il rencontrait ne correspondant aucunement aux descriptions faites par Marco Polo, il s'entêta néanmoins à vouloir en faire des vassales des empereurs asiatiques décrits par le célèbre voyageur vénitien. Jamais il ne reviendra sur cette attitude insolite; pour lui une chose demeura claire jusqu' au bout : il avait promis d' atteindre l'Asie par la voie maritime atlantique et il était arrivé là où il le prévoyait.
Jamais Colomb n'eut l'impression d'avoir découvert un monde nouveau, c'est-à-dire le Nouveau Monde.
De même qu'il avait délibérément raccourci les distances entre l'Europe et l'Asie, le génial Génois faussa délibérément la réalité de ses découvertes afin de les faire « coller» à ses propositions initiales.
C'est ainsi que le 12 juin 1494, il fit jurer à ses hommes que Cuba n'était pas une île mais une avancée continentale de l'Asie et qu'il ne pouvait que s'agir de la fabuleuse Cipango évoquée par Marco Polo.
Ces vérités étant affirmées, on aura compris qu'il ne s'agit pas ici de faire le procès de Colomb qui demeure un grand capitaine, un marin audacieux, un transmigrateur et un sculpteur d'épopée.
Bernard LUGAN
(1) « la découverte de l'Amérique », de Jacques Heers, éditions Complexe, Bruxelles, 1991.

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