Le servage remonte à l'antiquité, les serfs sont les descendants des esclaves des romains et des gallo-romains.
Voici ce qu'en disait le juriste Beaumanoir: « Parmi les serfs, il en est qui sont sujets à leur seigneur que celui-ci peut prendre tout ce qu'ils ont, à mort et à vie, et leur corps tenir en prison toutes les fois qu'il lui plait, soit à tort soit à droit, n'en était tenu à répondre fors à Dieu. »
Pour surprenant qu'il puisse paraître, la condition de l'esclave s'améliora du jour où les barbares, Goths, Wisigoths, Francs et Vandales eurent envahi l'empire romain. Ajoutez l'influence toute d'amour et de bonté du christianisme sous le gouvernement des descendants de Charlemagne (IXième siècle) l'esclavage est devenu la servitude,
l'esclave est devenu un serf. La condition et la dignité de l'homme sont reconnus, respectées, sinon par la loi écrite, la loi civile, du moins par les prescriptions de la religion et les moeurs qui se sont formées. Les serfs ont affranchi leur corps, leur famille et leurs biens; ils les ont rendu indépendants de leur seigneur auquel ils ne doivent plus qu'une partie de leur travail et de leurs revenus.
Un historien, Benjamen Guérard a fait observer que lorsqu'un maître antique vendait son esclave, c'était l'esclave lui-même qui devenait en sa personne la propriété de l'acquéreur; mais quand un seigneur féodal vendra vendra un serf, ce ne sera pas la personne de ce dernier, ni même les biens qui seront cédés, l'acquéreur n'obtiendra de droits que sur les les seuls redevances et les travaux manuels (corvées) auquel le serf vendu était assujetti. La différence est considérable et comme les serfs à dater du IXième siècle, iront élargissant de génération en génération la portion de liberté, le prix d'un serf mis en vente ira sans cesse se réduisant.
Face à la violence des hommes et des éléments, le servage offrait à l'humble travailleur des champs un double abri, également précieux : l'abri du donjon crénelé sous la puissante protection de l'épée seigneuriale, l'abri de la terre cultivée dans la certitude d'y être attaché pour toujours. Car s'il est vrai que la glèbe tenait l'homme, l'homme tenait la glèbe et, en ce temps, où la pensée ne s'attachait qu'à des horizons immuables, où l'on n'imaginait généralement pas qu'il fût possible de vivre ailleurs que là où l'on était né, cette attache à la glèbe ne semblait pas un mal, aux yeux des intéressés elle représentait un bienfait.
Le comte de Ségur dira à propos du servage en Russie qu'il y pourra contempler encore au XVIIIe siècle: « Le peuple russe jouit d'une sorte de bonheur matériel: car ces pauvres serfs, certains d'être toujours nourris, logés, chauffés par le produit de leur travail ou par leurs seigneurs, et étant à l'abri de tous besoins, n'éprouvent jamais le tourment de la misère ni l'effroi d'y tomber. »
Ainsi, comme le fait observer Henri Donial, le servage ne fut pas violemment imposé par le fort au faible: il fut d'une part une heureuse transformation de l'esclavage antique, pro~ grès de la liberté et de la dignité humaines, et d'autre part un refuge que vinrent délibérément chercher contre la tempête les malheureux auxquels il offrait sécurité et abri. " Le contrat qui lie l'homme au seigneur, écrit de son côté Bmile Gebhrart, repose sur un intérêt permanent et réciproque." Celui qui ne pouvait ou ne voulait plus vivre libre, soit qu'il fût dominé par la misère, soit qu'il trouvât sécurité et tranquillité dans la servitude, « vendait » sa liberté à un homme puissant, en un marché dont les conditions étaient débattues et fixées entre eux. En entrant en servitude l'homme qui aliénait ainsi partie de son indépendance, recevait de son futur maître une somme d'argent qui demeurait sa propriété et dont il usait à son plaisir. Et l'on se trouverait autorisé à dire que, dans la suite, le travail et les redevances en argent ou en nature du serf à son seigneur représenteront les intérêts de la somme perçue à l'origine, ainsi qu'une redevance rémunératrice de la protection et de la sécurité qui lui sont assurées.
Les cens et redevances imposés aux serfs variaient beaucoup : c'est de l'argent ou des contributions en bétail, en volaille, en fruits, en produits divers; puis du travail manuel, les corvées: le tout fixé précisément, régulièrement, à l'exception des travaux rustiques, des corvées; labour, charroi, élagage et coupe des arbres, voire service du guet, courses et commissions; corvées qui à leur tour tendirent à se fixer, se précisant en un nombre de journées de travail déterminé ou dans la culture d'une portion délimitée du domaine seigneurial.
Si l'on veut bien à présent reconstituer par la pensée l'état social que nous venons de décrire, les violences et les désordres de l'époque où il se constitua, le manque de sécurité et de stabilité ; si l'on réfléchit d'autre part aux conditions nécessaires du travail agricole, stabilité, sécurité, fixité, on reconnaîtra que le servage, tel que le Moyen-Âge l'a connu et pratiqué, n'a pas été le régime d'oppression et d'exploitation sans merci que des théoriciens abstraits se plaisent à nous dépeindre, mais a constitué un groupement social adapté aux exigences du temps qui l' a connu, offrant aux faibles et aux nécessiteux un ensemble de garanties d'existence, de sécurité et de bonheur dont aujourd'hui encore les déshérités du sort ne jouissent pas toujours.
A l'abri des grands murs couronnés de mâchicoulis le seigneur, ses vassaux et ses serfs, forment, avons-nous dit, une grande famille, unie par une communauté de devoirs, où chacun a sa place assignée,· sa place obligée, fixée et caractérisée par la condition même des temps. « Les nobles et tous chevaliers, lisons-nous dans la Chronique générale d'Espagne, afin d'être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux harnachés dans la salle où ils couchaient avec leur femme. » Le guetteur de nuit a donné l'alarme; aussitôt femmes et enfants, les bestiaux, les instruments de labour, sont ramenés entre les hautes murailles du donjon massif, dont la cour d'abri est si vaste que souvent la population réfugiée, en y demeurant ensuite à demeure, formera des agglomérations qui, en se développant, deviendront des villes aux industries florissantes.
Les sentiments qui règnent entre seigneur et sujets, ne sont pas faits de haine et d'oppression, mais d'amour, de dévouement, de confiance réciproques. Base fondamentale de l'organisation féodale dont le monde moderne est issu :
Pour son seigneur doit-on souffrir grand'peine
Et endurer et grand chaud et grand froid,
Dût-on en perdre et du cuir et du poil.
Les contemporains content l'histoire de deux serfs qui soignent avec un dévouement filial leur maître malade de la peste. La crainte de la contagion que répand le terrible mal ne les écarte pas du lit où gît leur seigneur. Finalement la châtelaine chasse son mari lépreux du château féodal. Et le seigneur, accompagné de ses deux serfs, s'en va par les routes de France au "grand pèlerinage" de Saint-Gilles, et de là à Rome; les serfs mendient pour leur maître. Ces liens en arrivaient à sembler plus forts que ceux de la famille .
Le droit de propriété des serfs a varié suivant les époques et les provinces. En tous temps cependant, et en tous pays, le serf semble avoir possédé en propre, tout au moins de l'argent monnayé, des animaux de basse-cour, du bétail. Dans les pays où son bien faisait retour à son seigneur après sa mort, la loi spoliatrice était corrigée par l'admirable organisation des "maisons de village", véritables familles qui possédaient, sinon en principe, du moins en fait, les caractères d'une personnalité civile. Les biens y étaient transmis et accrus de génération en génération, intéressant tous les travailleurs à la prospérité commune. « Le Moyen Age, observe Henri Doniol, n'aurait pas eu l'énergie sociale qui s'y manifeste et dans la France d'alors la vivante population que montre l'histoire ne se serait pas enfantée, si la source mère de la production, l 'œuvre rurale, avait été laissée à des mains aussi faibles et aussi peu intéressées que celles de serfs sans personnalité et sans ambition pour eux-mêmes. » Cette communauté fit aux serfs une famille susceptible de tous les progrès matériels et moraux. L'avenir l'a montré. « En cet individu-famille, toute vie, toute action, tout progrès résidèrent. Le serf acheta, vendit, bénéficia; il eut les stimulants de l'ambition, les satisfactions résultant de l'épargne; il put modifier à son gré ses tenures, ses biens-fonds, sous l'unique réserve des redevances précisées et des coutumes dues. Chaque membre, chaque parsonnier eut ainsi son intérêt et sa part dans l'intérêt commun. »
De ces « maisons de village » sortirent les fameuses communautés taisibles, autrement dit « communautés tacites » existant dans la réalité des faits sinon dans l'écriture des paperasses. Familles étendues, en comprenant jusqu'aux rejetons les plus éloignés, vivant, œuvrant sous la direction d'un chef élu nommé Maître, véritable chef de famille à son tour.
Dans les régions où le serf pouvait personnellement posséder la terre, il lui était loisible de l'étendre en trafiquant avec d'autres serfs et de la même seigneurie.
On vit ainsi des serfs opulents, on en vit d'influents et de puissants, maires de leur village, juges seigneuriaux et transmettant leurs charges à leurs héritiers. Des serfs eurent d'autres serfs à leur service et qui leur étaient attachés par les mêmes liens qui les retenaient eux-mêmes sous l'autorité de leur seigneur.
Cependant il serait faux de dire que le servage réalisait sur terre le paradis terrestre. S'il ne fut pas violemment imposé par le puissant au faible, du moins mettait-il le faible sous l'autorité du plus fort; et nous devons compter avec la brutalité, la dureté, la méchanceté, les vices qui ne sont répandus que trop abondamment en notre pauvre humanité. Sous les deux premières races principalement, les serfs ont eu plus d'une fois à souffrir de cruautés révoltantes.
F. Funck-Brentano: La société au Moyen-Âge
La différence entre le servage et l'esclavage permet de saisir sur le vif l'opposition entre la société antique et la société médiévale, puisque au contraire de l'esclave, traité comme une chose, le serf est un homme, possédant famille, foyer, propriété, et se trouve libre avec son seigneur quand il a payé sa redevance, en échange de laquelle il est protégé contre le chômage, le service militaire et les agents du fisc.
Régine Pernoud: Lumières du Moyen-Âge
Voici ce qu'en disait le juriste Beaumanoir: « Parmi les serfs, il en est qui sont sujets à leur seigneur que celui-ci peut prendre tout ce qu'ils ont, à mort et à vie, et leur corps tenir en prison toutes les fois qu'il lui plait, soit à tort soit à droit, n'en était tenu à répondre fors à Dieu. »
Pour surprenant qu'il puisse paraître, la condition de l'esclave s'améliora du jour où les barbares, Goths, Wisigoths, Francs et Vandales eurent envahi l'empire romain. Ajoutez l'influence toute d'amour et de bonté du christianisme sous le gouvernement des descendants de Charlemagne (IXième siècle) l'esclavage est devenu la servitude,
l'esclave est devenu un serf. La condition et la dignité de l'homme sont reconnus, respectées, sinon par la loi écrite, la loi civile, du moins par les prescriptions de la religion et les moeurs qui se sont formées. Les serfs ont affranchi leur corps, leur famille et leurs biens; ils les ont rendu indépendants de leur seigneur auquel ils ne doivent plus qu'une partie de leur travail et de leurs revenus.
Un historien, Benjamen Guérard a fait observer que lorsqu'un maître antique vendait son esclave, c'était l'esclave lui-même qui devenait en sa personne la propriété de l'acquéreur; mais quand un seigneur féodal vendra vendra un serf, ce ne sera pas la personne de ce dernier, ni même les biens qui seront cédés, l'acquéreur n'obtiendra de droits que sur les les seuls redevances et les travaux manuels (corvées) auquel le serf vendu était assujetti. La différence est considérable et comme les serfs à dater du IXième siècle, iront élargissant de génération en génération la portion de liberté, le prix d'un serf mis en vente ira sans cesse se réduisant.
Face à la violence des hommes et des éléments, le servage offrait à l'humble travailleur des champs un double abri, également précieux : l'abri du donjon crénelé sous la puissante protection de l'épée seigneuriale, l'abri de la terre cultivée dans la certitude d'y être attaché pour toujours. Car s'il est vrai que la glèbe tenait l'homme, l'homme tenait la glèbe et, en ce temps, où la pensée ne s'attachait qu'à des horizons immuables, où l'on n'imaginait généralement pas qu'il fût possible de vivre ailleurs que là où l'on était né, cette attache à la glèbe ne semblait pas un mal, aux yeux des intéressés elle représentait un bienfait.
Le comte de Ségur dira à propos du servage en Russie qu'il y pourra contempler encore au XVIIIe siècle: « Le peuple russe jouit d'une sorte de bonheur matériel: car ces pauvres serfs, certains d'être toujours nourris, logés, chauffés par le produit de leur travail ou par leurs seigneurs, et étant à l'abri de tous besoins, n'éprouvent jamais le tourment de la misère ni l'effroi d'y tomber. »
Ainsi, comme le fait observer Henri Donial, le servage ne fut pas violemment imposé par le fort au faible: il fut d'une part une heureuse transformation de l'esclavage antique, pro~ grès de la liberté et de la dignité humaines, et d'autre part un refuge que vinrent délibérément chercher contre la tempête les malheureux auxquels il offrait sécurité et abri. " Le contrat qui lie l'homme au seigneur, écrit de son côté Bmile Gebhrart, repose sur un intérêt permanent et réciproque." Celui qui ne pouvait ou ne voulait plus vivre libre, soit qu'il fût dominé par la misère, soit qu'il trouvât sécurité et tranquillité dans la servitude, « vendait » sa liberté à un homme puissant, en un marché dont les conditions étaient débattues et fixées entre eux. En entrant en servitude l'homme qui aliénait ainsi partie de son indépendance, recevait de son futur maître une somme d'argent qui demeurait sa propriété et dont il usait à son plaisir. Et l'on se trouverait autorisé à dire que, dans la suite, le travail et les redevances en argent ou en nature du serf à son seigneur représenteront les intérêts de la somme perçue à l'origine, ainsi qu'une redevance rémunératrice de la protection et de la sécurité qui lui sont assurées.
Les cens et redevances imposés aux serfs variaient beaucoup : c'est de l'argent ou des contributions en bétail, en volaille, en fruits, en produits divers; puis du travail manuel, les corvées: le tout fixé précisément, régulièrement, à l'exception des travaux rustiques, des corvées; labour, charroi, élagage et coupe des arbres, voire service du guet, courses et commissions; corvées qui à leur tour tendirent à se fixer, se précisant en un nombre de journées de travail déterminé ou dans la culture d'une portion délimitée du domaine seigneurial.
Si l'on veut bien à présent reconstituer par la pensée l'état social que nous venons de décrire, les violences et les désordres de l'époque où il se constitua, le manque de sécurité et de stabilité ; si l'on réfléchit d'autre part aux conditions nécessaires du travail agricole, stabilité, sécurité, fixité, on reconnaîtra que le servage, tel que le Moyen-Âge l'a connu et pratiqué, n'a pas été le régime d'oppression et d'exploitation sans merci que des théoriciens abstraits se plaisent à nous dépeindre, mais a constitué un groupement social adapté aux exigences du temps qui l' a connu, offrant aux faibles et aux nécessiteux un ensemble de garanties d'existence, de sécurité et de bonheur dont aujourd'hui encore les déshérités du sort ne jouissent pas toujours.
A l'abri des grands murs couronnés de mâchicoulis le seigneur, ses vassaux et ses serfs, forment, avons-nous dit, une grande famille, unie par une communauté de devoirs, où chacun a sa place assignée,· sa place obligée, fixée et caractérisée par la condition même des temps. « Les nobles et tous chevaliers, lisons-nous dans la Chronique générale d'Espagne, afin d'être prêts à toute heure, tenaient leurs chevaux harnachés dans la salle où ils couchaient avec leur femme. » Le guetteur de nuit a donné l'alarme; aussitôt femmes et enfants, les bestiaux, les instruments de labour, sont ramenés entre les hautes murailles du donjon massif, dont la cour d'abri est si vaste que souvent la population réfugiée, en y demeurant ensuite à demeure, formera des agglomérations qui, en se développant, deviendront des villes aux industries florissantes.
Les sentiments qui règnent entre seigneur et sujets, ne sont pas faits de haine et d'oppression, mais d'amour, de dévouement, de confiance réciproques. Base fondamentale de l'organisation féodale dont le monde moderne est issu :
Pour son seigneur doit-on souffrir grand'peine
Et endurer et grand chaud et grand froid,
Dût-on en perdre et du cuir et du poil.
Les contemporains content l'histoire de deux serfs qui soignent avec un dévouement filial leur maître malade de la peste. La crainte de la contagion que répand le terrible mal ne les écarte pas du lit où gît leur seigneur. Finalement la châtelaine chasse son mari lépreux du château féodal. Et le seigneur, accompagné de ses deux serfs, s'en va par les routes de France au "grand pèlerinage" de Saint-Gilles, et de là à Rome; les serfs mendient pour leur maître. Ces liens en arrivaient à sembler plus forts que ceux de la famille .
Le droit de propriété des serfs a varié suivant les époques et les provinces. En tous temps cependant, et en tous pays, le serf semble avoir possédé en propre, tout au moins de l'argent monnayé, des animaux de basse-cour, du bétail. Dans les pays où son bien faisait retour à son seigneur après sa mort, la loi spoliatrice était corrigée par l'admirable organisation des "maisons de village", véritables familles qui possédaient, sinon en principe, du moins en fait, les caractères d'une personnalité civile. Les biens y étaient transmis et accrus de génération en génération, intéressant tous les travailleurs à la prospérité commune. « Le Moyen Age, observe Henri Doniol, n'aurait pas eu l'énergie sociale qui s'y manifeste et dans la France d'alors la vivante population que montre l'histoire ne se serait pas enfantée, si la source mère de la production, l 'œuvre rurale, avait été laissée à des mains aussi faibles et aussi peu intéressées que celles de serfs sans personnalité et sans ambition pour eux-mêmes. » Cette communauté fit aux serfs une famille susceptible de tous les progrès matériels et moraux. L'avenir l'a montré. « En cet individu-famille, toute vie, toute action, tout progrès résidèrent. Le serf acheta, vendit, bénéficia; il eut les stimulants de l'ambition, les satisfactions résultant de l'épargne; il put modifier à son gré ses tenures, ses biens-fonds, sous l'unique réserve des redevances précisées et des coutumes dues. Chaque membre, chaque parsonnier eut ainsi son intérêt et sa part dans l'intérêt commun. »
De ces « maisons de village » sortirent les fameuses communautés taisibles, autrement dit « communautés tacites » existant dans la réalité des faits sinon dans l'écriture des paperasses. Familles étendues, en comprenant jusqu'aux rejetons les plus éloignés, vivant, œuvrant sous la direction d'un chef élu nommé Maître, véritable chef de famille à son tour.
Dans les régions où le serf pouvait personnellement posséder la terre, il lui était loisible de l'étendre en trafiquant avec d'autres serfs et de la même seigneurie.
On vit ainsi des serfs opulents, on en vit d'influents et de puissants, maires de leur village, juges seigneuriaux et transmettant leurs charges à leurs héritiers. Des serfs eurent d'autres serfs à leur service et qui leur étaient attachés par les mêmes liens qui les retenaient eux-mêmes sous l'autorité de leur seigneur.
Cependant il serait faux de dire que le servage réalisait sur terre le paradis terrestre. S'il ne fut pas violemment imposé par le puissant au faible, du moins mettait-il le faible sous l'autorité du plus fort; et nous devons compter avec la brutalité, la dureté, la méchanceté, les vices qui ne sont répandus que trop abondamment en notre pauvre humanité. Sous les deux premières races principalement, les serfs ont eu plus d'une fois à souffrir de cruautés révoltantes.
F. Funck-Brentano: La société au Moyen-Âge
La différence entre le servage et l'esclavage permet de saisir sur le vif l'opposition entre la société antique et la société médiévale, puisque au contraire de l'esclave, traité comme une chose, le serf est un homme, possédant famille, foyer, propriété, et se trouve libre avec son seigneur quand il a payé sa redevance, en échange de laquelle il est protégé contre le chômage, le service militaire et les agents du fisc.
Régine Pernoud: Lumières du Moyen-Âge
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