dimanche 30 novembre 2025

Que sait-on vraiment du climat et de ses changements ?

 

Que sait-on vraiment du climat et de ses changements ?

Le Forum de la Dissidence organisé par Polémia et dédié à l’alarmisme climatique s’est tenu à Paris ce samedi 15 novembre 2025. Découvrez l’intervention de Johan Hardoy, contributeur régulier de Polémia, qui a étudié et compilé un ensemble complet de données concernant le climat mondial et son évolution.
Polémia

Bonjour à tous.
Avant toute chose, je voudrais rendre hommage aux gilets jaunes. Vous allez comprendre pourquoi aujourd’hui qu’ils manifestent pour leur 7ᵉ anniversaire dans Paris, de Palais Royal aux Abbesses. Et les irréductibles se mobilisent encore et toujours pour la cause. Alors pourquoi j’en parle ? Parce qu’en fait, rappelez-vous, leur mobilisation faisait suite à une taxe sur le carburant qui avait utilisé un prétexte écologique. Preuve, s’il en est besoin, que ce thème qui nous occupe aujourd’hui a des implications économiques, sociales et évidemment politiques. C’est pour ça que nous sommes là.

Pour ce qui me concerne, je me présente très brièvement. Je suis essayiste, chroniqueur bénévole pour Polémia à titre gratuit, sans conflit d’intérêt. Je préfère le préciser parce que quand on parle à des partisans de la doxa climatique, ils sont assez enclins à suspecter leur interlocuteur d’être stipendié par telle ou telle entreprise, société pétrolière ou énergétique quelconque. Ce n’est pas le cas évidemment. Par ailleurs, je suis de sensibilité écologiste, si l’écologie signifie respecter l’environnement, respecter les écosystèmes et lutter contre le gaspillage et la pollution, ce qui semble du bon sens. En ce cas, je suis écologiste et je pense que tout le monde l’est ici.

Je vais vous proposer une intervention basée sur des recensions que j’ai commises pour Polémia, dont je vais vous citer les auteurs, ne serait-ce que pour que vous puissiez les consulter, non pas pour me lire, mais pour vous donner envie de lire les livres ayant fait l’objet de ces recensions. Il s’agit de Christian Gérondo, polytechnicien et ingénieur ; d’Alband Darin, pionnier de la lutte contre les éoliennes en France ; de Guillaume Saintony, ancien haut fonctionnaire au ministère de l’environnement ; de Daniel Lusson, physicien et enseignant ; de Steven Koonin, qui avait travaillé pour l’administration Obama, professeur de physique théorique et auteur d’un best-seller aux États-Unis. Le débat semble plus possible aux États-Unis, depuis l’administration Trump. Mais même avant, on avait quelqu’un comme Koonin capable de changer son opinion initiale sur le sujet.

Prochainement, je proposerai deux autres recensions : la première, de Sem Furfari, La vérité sur les COP. Le livre vient de sortir, je n’ai pas eu le temps de la finaliser. Il est sorti fin octobre, ce qui tombe bien avec la COP 30 qui s’annonce. Et Les dissidents du climat – Les thèses du GIEC en question de Guy Barbet, qui est peut-être dans la salle. Je proposerai une recension très prochainement.

Je ferai mienne une phrase de Stendhal : « Tout homme est un Français plus qu’un autre à bord d’être pris pour dupe. » Pourquoi je parle de dupe ? Parce que le thème est émaillé de « bobards d’hiver », pour reprendre un terme cher à Jean-Yves Le Gallou, pas Jean-Luc Mélenchon. Les bobards, j’en citerai deux. Le premier, auquel j’avais cru quelques instants, est le fameux ours blanc sur un glaçon de banquise que vous avez tous vu. Moi, j’avais été ému en voyant cette photo, puis je me suis demandé comment un photographe était là, justement à cet instant. Cela ne collait pas. C’est un montage photographique. Au-delà de ça, l’ours en question est un ours marin capable de nager sur de très longues distances, ce qui relativise beaucoup de choses.

Un autre bobard : l’ancien vice-président américain Al Gore sort un film en 2006, Une vérité qui dérange, et sera prix Nobel l’année suivante. Il se reconvertira ensuite dans le négoce des certificats d’émission de CO₂. Dans son film, il dit que d’ici dix ans les eaux vont monter de six mètres si l’humanité continue sur sa voie de déréliction climatique. Six mètres en 2016 : bobard.

Mon intervention portera au-delà de ces bobards. Certains disent que c’est pour la propagande, pour émouvoir les gens, etc. Au-delà de ça, ce qu’il faut surtout déplorer — comme l’a rappelé Jean-Yves Le Gallou — c’est l’absence de débat contradictoire entre scientifiques confirmés, débat s’adressant au grand public, notamment climatologues et physiciens. Les météorologistes, c’est autre chose. La jeune femme vue tout à l’heure était météorologiste, pas climatologue. Sa compétence est donc plus discutable.

L’absence de débat est criante. Philippe Verdier, animateur de France 2 en 2015, spécialiste de météorologie et climatologie, publie un livre sur le sujet. Il déplaît, il est débarqué. Autre exemple : John Clauser, prix Nobel de physique en 2022. En 2023, le FMI annule sa conférence en raison de ses positions critiques sur l’alarmisme climatique. Il a déclaré : « Nous sommes totalement inondés de pseudoscience. » C’est un prix Nobel de physique. Ce sont des gens comme lui qu’on voudrait voir confrontés à ceux qui affirment qu’il y a dérèglement climatique.

Je vais aborder trois points dans mon intervention, en utilisant la méthode de Nietzsche : la philosophie au marteau, pour constater si une idole sonne creux ou non. Je parlerai du GIEC, ensuite du dérèglement climatique, puis du rôle des activités humaines sur le réchauffement. Je vais survoler les thèmes pour lancer le débat.

Tout à l’heure je vous ai dit que j’avais cru quelques instants à la photo de l’ours blanc. Le GIEC, j’ai cru aussi au début que c’était un organisme scientifique. On nous le disait. En réalité, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a été créé en 1988 sous l’impulsion du G7. Ce n’est pas un organisme scientifique, mais un organisme regroupant des contributions de personnes présentées comme experts du climat provenant de 195 pays.

Le GIEC a connu quatre présidents : les deux premiers, météorologistes ; le troisième, ingénieur des chemins de fer ; le quatrième, économiste. Les rapports du GIEC sont très touffus : en 2021, un rapport de 4 000 pages, 751 auteurs issus de 66 pays, 14 000 références, 78 000 commentaires. Personne ne l’a lu en entier. Les conclusions, rédigées par un petit groupe final, aggravent celles des rapports précédents.

Trois pierres d’achoppement :

  1. Les rapports présentent dans leur sommaire des conclusions contradictoires sur l’origine anthropique du réchauffement.
  2. En 1995, des chercheurs ont constaté que la rédaction finale affirmait une origine humaine du réchauffement, alors qu’ils n’avaient pas conclu ainsi.
  3. Les modélisations climatiques ne parviennent pas à expliquer le réchauffement entre 1910 et 1940. Un modèle, prétendant prévoir l’avenir, devrait a minima expliquer le passé.

Deuxième idole : le dérèglement climatique. Dans les années 70, les climatologues annonçaient un nouvel âge glaciaire. Time (1972 et 1977) et Newsweek (1975) publiaient des alertes. Le Los Angeles Times annonçait un refroidissement sur 30 ans. Aujourd’hui, on dit l’inverse. De nombreux climatologues réfutent leurs prédécesseurs en affirmant que la climatologie de l’époque n’était pas une science, ce qui paraît discutable. On peut imaginer que d’ici 30 ans, on dira pareil des climatologues actuels.

Jean-Marc Jancovici affirme que l’humanité a connu une période de stabilité climatique depuis 10 000 ans, finie depuis l’ère industrielle. Est-ce vrai ? Les historiens du climat montrent que le climat a toujours changé. Entre 900 et 1300, petit optimum médiéval, températures plus élevées qu’aujourd’hui : les Vikings cultivent au Groenland. Les climatologues actuels ne l’expliquent pas. Entre 1300 et 1860, petit âge glaciaire. Depuis 1860, nouveau petit optimum. Certains disent : voyez, c’est l’ère industrielle. Mais l’activité humaine était-elle suffisante pour provoquer cela ?

Au XXᵉ siècle : réchauffement entre 1910 et 1940, refroidissement entre 1940 et 1980 (d’où les alertes de glaciation), puis réchauffement. Ivar Giaever, prix Nobel de physique 1973, observe qu’entre 1998 et 2015, la température n’a pas augmenté alors que le CO₂, lui, a augmenté. Le dérèglement est-il avéré ?

Troisième idole : le rôle des activités humaines sur les catastrophes naturelles. À chaque incendie ou inondation, on invoque le réchauffement. François Bayrou, à la radio l’été dernier, attribue les incendies au réchauffement. Mais cela occulte des causes humaines : arrachage subventionné des vignes (barrières coupe-feu), interdiction du pâturage, etc.

Que dit l’Organisation météorologique mondiale ?
– Aucun événement individuel comme un cyclone sévère ne saurait être attribué à un changement climatique dû à l’homme.
– Les canicules ne sont pas plus fréquentes aux États-Unis qu’en 1900, et les températures maximales n’y ont pas augmenté depuis 50 ans.

Conclusion provisoire. En 2019, 500 scientifiques, dont des prix Nobel, ont adressé à l’ONU une déclaration restée sans réponse : Il n’y a pas d’urgence climatique. Six paragraphes :

  1. Le climat terrestre a toujours varié.
  2. Le réchauffement actuel est beaucoup plus lent qu’annoncé.
  3. La politique climatique repose sur des modèles inadaptés.
  4. Le CO₂ est la nourriture des plantes, base de toute vie sur terre. Selon Daniel Lusson : « davantage de CO₂ augmentera la masse végétale et donc davantage de CO₂ sera absorbé. »
  5. Le réchauffement actuel n’a pas accru les désastres naturels.
  6. La politique doit respecter les réalités scientifiques et économiques.

Johan Hardoy
Intervention lors du Forum de la Dissidence du 15 novembre 2025 – Publiée sur notre site le 29/11/2025

https://www.polemia.com/que-sait-on-vraiment-du-climat-et-de-ses-changements/

« Raconter une histoire des Européens qui ne se résume pas à violence, racisme et conquête, c’est aller à contre-courant » Audrey Stéphanie (Héros d’Europe) [Interview]

 

Avec Héros d’Europetreize modèles d’hier pour aujourd’hui publié aux Éditions du Royaume, Audrey Stéphanie signe un ouvrage captivant et salutaire, qui devrait figurer dans chaque bibliothèque familiale. En treize portraits fouillés, portés par une plume rigoureuse et vibrante, l’auteure redonne vie à ces hommes d’action qui ont façonné l’histoire européenne, de Léonidas à Don Juan d’Autriche, en passant par William Wallace ou Jules Brunet. Rien, dans ce livre, n’est inventé : tout est vrai, puisé aux meilleures sources, raconté avec fougue pour éveiller l’admiration et transmettre l’héritage.

Ce n’est pas un manuel, mais une épopée. Un hommage à l’audace, à la fidélité, à la grandeur. Porté par les illustrations puissantes de Louise Bernard et la préface de Julien Rochedy, Héros d’Europe, est un magnifique ouvrage de transmission. À offrir absolument à Noël : dès 12 ans, pour tous les jeunes – et moins jeunes – avides de racines, de récits, et d’âme.

Et si vous n’êtes toujours pas convaincu, lisez donc l’interview ci-dessous que nous avons faite d’Audrey Stéphanie.

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui a déclenché, chez vous, l’envie d’écrire Héros d’Europe ?

Audrey Stéphanie : L’admiration, un besoin irrépressible de transmettre et la volonté de contrecarrer l’oubli. J’ai dédié cet ouvrage à mon fils, après avoir précédemment écrit Les Audacieuses, femmes d’hier pour jeunes filles d’aujourd’hui à ma fille. La volonté est la même : que mes enfants, et les nouvelles générations de petits Européens, sachent. Qu’ils connaissent les personnages emblématiques qui ont rendu grande leur civilisation, qu’ils aient des modèles auxquels s’inspirer.

Breizh-info.com : Vous dites que l’Histoire “fait naître des flammes”. Quel moment d’écriture a été le plus bouleversant pour vous personnellement ?

Audrey Stéphanie : L’étude de chaque personnage, de par la geste qu’il a accomplie, fut autant de moments très émouvants, je ne saurais en choisir un. Ce que j’apprécie en Histoire, c’est d’explorer ces événements stupéfiants, improbables, et parfois invraisemblables tellement ils sont hardies, risqués et gratuits.
 
Comme quand une petite bande d’étudiants écossais, une nuit de Noël 1950, décident de s’introduire par effraction dans l’abbaye de Westminster pour s’emparer de la pierre de Scone (150 kilos !), six siècles après qu’elle fut dérobée à leur peuple par les Anglais, afin de la rapatrier. En voilà un moment particulièrement enthousiasmant d’écriture ! Le fait que cet antique symbole de royauté, sur lequel tous les rois écossais se sont assis et qui, selon la légende, aurait été amené en Écosse par la tribu des Tuatha de Danann, ne soit jamais tombé dans l’oubli et a qu’il ait été la cible de l’indomptable ardeur juvénile est un parfait exemple de flamme entretenue (je relate cette anecdote après le portrait de William Wallace). Le mythe, l’histoire et l’audace se confondent et c’est, à mon sens, passionnant.

Breizh-info.com : Comment avez-vous sélectionné les 13 figures retenues ? Y a-t-il des héros que vous avez dû écarter malgré vous ?

Audrey Stéphanie : Ce choix est une combinaison d’admiration et de raison : je souhaitais que ces treize hommes proviennent de divers pays d’Europe et traversent les siècles pour illustrer à quel point, malgré la distance et le passage du temps, l’héroïsme demeure une constante. Je tenais à offrir une vision d’ensemble de notre histoire plurimillénaire – anciens Grecs, Romains, Germains, Français, etc – la polyphonie constitutive de notre grande famille européenne. J’ai donc écarté ceux d’une même époque ou d’un même lieu avec un peu de chagrin parfois, je dois dire !
 
Treize, c’est évidemment minuscule, presque ridicule. La sélection est un assortiment de personnages fameux dont on ne pouvait faire l’impasse (Léonidas, William Wallace, Cervantès… ) et d’autres, moins connus dont je tenais à transmettre le souvenir (Atilius Regulus, Arminius, Jean des bandes noires, Jules Brunet…). Ils sont tous le symbole de quelque chose : Atilius Regulus, c’est le respect de la parole donnée ; Arminius, le combat entre la civilisation romaine, carrée, ordonnée, supérieure, et la liberté, les racines et les dieux des barbares ; Leif Erikson et Pythéas, sont l’incarnation de l’esprit de découverte qui a toujours animé les Européens et les a poussé à sauter dans l’inconnu au péril de leur vie, etc…
 
Enfin, j’ai souhaité également « conserver » certains personnages principaux pour le prochain Héros d’Europe, car le sujet est vaste et mérite d’être approfondi, encore et encore !

Breizh-info.com : Vous revendiquez un style très narratif, presque romanesque, tout en vous appuyant sur des sources solides. Comment concilie-t-on émotion et exactitude ?

Audrey Stéphanie : Merci pour cette question, c’est un point auquel je tiens particulièrement. Car rien dans ce livre n’est le fruit de l’imagination, je n’ai en rien « comblé » ou embelli les histoires par du romanesque, pour que ces lignes soient irréfutables. Pour que les lecteurs aient conscience que tout ce qui y est rapporté s’est véritablement passé.
Même si j’ai tenu à le raconter à ma façon, en m’éloignant le plus possible du style barbant de nos livres d’école gorgés de dates et d’informations insignifiantes. L’Histoire est passionnante, épique, incroyable aussi parfois : il faut la raconter avec passion et enthousiasme, saisir et transmettre la beauté et l’audace d’un geste.
Montrer à quel point l’entreprise d’une poignée d’hommes méditerranéens, qui, il y a plus de deux mille ans, défièrent les éléments et la peur en s’embarquant sur un petit bateau pour toucher le nord du monde alors totalement inconnu, lointain et glacial constitue une aventure folle, intrépide et extraordinaire sera toujours plus captivant que réciter mécaniquement : « Pythéas était un navigateur, géographe et astronome grec du IVe siècle av. J-C, qui a exploré les côtes de l’Europe occidentale et atteint l’Islande. »
 

Breizh-info.com : Votre livre défend l’idée d’une Europe comme aventure, pas comme construction administrative. Quelle Europe raconte votre ouvrage ?

Audrey Stéphanie : Celle d’une Europe incarnée. Car notre histoire a été faite par des hommes et des femmes en chair et en os, pas par des valeurs abstraites.  La vie et/ou les exploits de ces héros sont l’illustration tangible, palpable, réelle, des valeurs et des idéaux en lesquelles ils croyaient. Pas d’abstraction ici : la défense de la patrie charnelle, c’est un jeune homme de 18 ans, Henri de la Rochejaquelein, qui prend les armes pour défendre les siens, lançant à ses soldats « Si j’avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi ! » et combattra jusqu’à la mort ; l’honneur, c’est un capitaine français, Jules Brunet, qui démissionne d’une brillante carrière pour ne pas abandonner un groupe de samouraïs fidèles à l’antique Japon à l’acmé de leur combat et avec lesquelles il formera une république indépendante sur l’île d’Hokkaidō. La détermination, c’est Heinrich Schliemann, qui prouvera qu’il faut parfois défier l’académisme figé des universités pour faire des découvertes, et qu’un brin de folie peut s’avérer indispensable pour réaliser son rêve, etc.

Breizh-info.com : Ces héros ont tous une fidélité à leur peuple, leur terre, leur cause. Cette fidélité existe-t-elle encore aujourd’hui ?

Audrey Stéphanie : Bien sûr, c’est justement ce que ces textes, qui brassent des époques de chaos et de renouveau, s’efforcent de démontrer !
On le voit tous les jours, même si cette fidélité semble endormie. Même si notre époque est la première à avoir décrétée que l’héroïsme est ringard et que notre histoire n’est qu’un champ de ruines dont on devrait avoir honte. Ça, ce sont les médias, la politique, la surface. Mais je suis convaincue que dans beaucoup de cœurs réside encore cet attachement. C’est une flamme qui ne peut être éteinte, parce qu’elle est consubstantielle à l’être humain, même chez les Européens dont le passé a été mystifié et dénigré. Et si certains d’entre eux haïssent leur terre et leurs ancêtres, c’est aussi (et surtout ?) parce qu’ils ne savent pas. Ils ne savent pas ce que leur civilisation a fait de grand et de beau, ils n’en connaissent que les aspects négatifs.

Breizh-info.com : Voyez-vous un fil conducteur civilisationnel qui traverse Léonidas, Arminius, Wallace, Don Juan d’Autriche ou La Rochejaquelein ?

Audrey Stéphanie : Tous ces héros ont agi pour répondre à un besoin intérieur, une force qui les a poussés à combattre au risque même de leur vie. Chacun d’entre eux aurait pu vivre une existence paisible et confortable : aucun d’entre eux n’a fait ce choix. Le fil conducteur pourrait être résumé dans la formule « fais ce que tu dois »

Breizh-info.com : Vous dites : “Ce ne sont pas des légendes, ce sont des hommes.” Pourquoi est-ce important aujourd’hui ?

Audrey Stéphanie : Parce qu’à l’heure des abstractions stériles, à l’heure des « valeurs de la République » que personne n’est capable d’énumérer, il est de prime importance d’ancrer le combat pour la civilisation européenne sur des bases concrètes. Les Léonidas, les Jean de la Valette ont existé : leur combat n’est pas une légende, même si, bien sur, leurs exploits sont passés dans la légende. Il faut dire et redire que tout est possible, que bien des choses incroyables et extraordinaires – au sens premier de ces mots – ont été faites par des hommes en chair et en os, comme vous et moi. 

Breizh-info.com : Votre livre paraît dans une époque qui doute d’elle-même. Pensez-vous que les jeunes manquent de modèles ou qu’on ne leur en propose plus ?

Audrey Stéphanie : Tout à fait ! Et si seulement ils savaient, ils ne seraient pas aussi perméables aux idéologies délétères qui débouchent sur le fatalisme, l’apathie, la guerre des sexes, la perte de confiance en l’avenir. S’ils savaient ce qu’il y a de lumineux et de positif dans notre histoire, ils n’auraient pas honte de ce qu’ils sont. S’ils savaient de quoi leurs aïeux ont été capables, ils sauraient de quoi ils sont capables à leur tour.
 
Il est aussi fondamental de ramener une juste vision des choses. Lire que Cervantès a été détenu pendant des années à Alger, le plus grand marché d’esclaves chrétiens, rappelle que les Européens n’ont pas le monopole de l’esclavage. Comprendre, en s’intéressant à la vie de Jean de la Valette, que les croisades étaient des pèlerinages hautement spirituels et que sécuriser les chemins menant aux Lieux Saints était nécessaire met à mal le mythe des sanguinaires guerres de religions chrétiennes. Apprendre, à travers l’exemple de Henri de la Rochejaquelein, que, loin de Versailles, les aristocrates n’étaient pas les détenteurs oisifs et dégénérés de privilèges, mais qu’ils avaient acquis ces derniers grâce à leur mission de protection des petites gens ébranle la dialectique entre oppresseurs et opprimés comme seul moteur de l’Histoire, etc…
 
Ce rétablissement de la vérité historique va de soi lorsque l’on se base sur des sources fiables et que l’on fournit des informations concrètes et indéniables. Et si cela est fait au sein de récits captivants, c’est encore mieux.

Breizh-info.com : En quoi l’adolescence est-elle un âge propice pour recevoir des récits d’héroïsme ? 

Audrey Stéphanie : Si je me suis adressée aux adolescents, c’est n’est pas vraiment par volonté, mais plutôt parce que les thématiques développées dans ces pages exigeaient des lecteurs capables de les comprendre. Même si je suis consciente qu’au jour d’aujourd’hui attirer les adolescents à la lecture représente un véritable défi… Or, faire un livre sur l’héroïsme et refuser un défi serait assez pitoyable, vous ne trouvez pas ? 
 
J’ai toutefois adapté le format aux temps : les récits sont brefs, cinq pages mises en valeur par Louise Bernard, qui a habilement exprimé tout le dynamisme propre aux personnages au sein de magnifiques illustrations. Et si le lecteur désire approfondir, il y a en fin d’ouvrage, toutes les sources et les textes fiables auxquels il peut se reporter.

Breizh-info.com : Certains affirment que le mot “héros” n’a plus de sens dans nos sociétés. Que leur répondez-vous ?

Audrey Stéphanie : S’il est vrai que l’on a remplacé les héros par les victimes, comme je l’ai déjà souligné, cela fonctionne en surface : les exploits, les belles actions, les sacrifices pour une noble cause feront toujours vibrer les cœurs !

Breizh-info.com : Si vous deviez n’en citer qu’un pour définir l’esprit européen, lequel serait le plus emblématique ?

Audrey Stéphanie : Impossible ! Car cela dépend aussi et surtout des sensibilités. C’est, je l’espère aussi la richesse de ce livre : avoir voulu montrer diverses sensibilités. Certains préféreront l’obstination, la pugnacité et l’impudence intellectuelle d’un Heinrich Schliemann qui prouva au monde entier que l’Iliade et l’Odyssée étaient Histoire, d’autres préféreront le caractère combatif et indomptable d’un meneur d’hommes comme Jean des bandes noires, d’autres encore seront plus attirés par la vie mystérieuse et couronnée de grandeur d’un Don Juan d’Autriche, etc.

Breizh-info.com : Vous revendiquez une idéologie : celle de la transmission. Pourquoi cette idée dérange-t-elle aujourd’hui ? On pourrait vous reprocher de nourrir une vision “romantique” de l’Europe. Est-ce assumé ?

Audrey Stéphanie : Lorsque Plutarque écrit ses biographies par la suite intitulées « Vies des hommes illustres », il le fait pour encourager les générations futures à suivre l’exemple de leur vertu. Mais à partir du moment où l’on a décrété que l’homme blanc est à la racine de tous les maux et que le passé est le règne de l’arbitraire, la transmission a peu de chances d’être valorisée. Pire encore, la seule transmission qui est encouragée est celle des aspects négatifs de notre histoire. Raconter que l’histoire des Européens ne peut se résumer à violence, racisme et conquête, c’est donc forcément aller à contre-courant de la vulgate.
Quant à savoir si ma vision est romantique, si tel est le cas, c’est bien malgré moi : n’ayant rien inventé, je n’y suis pour rien ! Peut-être que ce sont ces héros à l’être… Le seul parti-pris était de transmettre la geste de certains personnages que j’admire pour ce qu’elle a de singulier et d’atemporel.

Breizh-info.com : Que souhaitez-vous que le lecteur, jeune ou adulte, retienne en refermant Héros d’Europe ?

Audrey Stéphanie : Les noms, les exploits, les entreprises accomplies. En un mot la beauté de notre Histoire.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : Éditions Hétairie

[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

https://www.breizh-info.com/2025/11/30/253843/audrey-stephanie-heros-deurope-raconter-que-lhistoire-des-europeens-ne-se-resume-pas-a-violence-racisme-et-conquete-cest-aller-a-contre-courant-interview/

samedi 29 novembre 2025

Sans société point d’hommes

 

Un dix-huitième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui de Léon de Montesquiou…

Il est clair que pour faire un « tout » l’homme doit travailler d’abord à chaque partie de ce tout. Le statuaire ne peut faire une statue qu’en sculptant successivement chaque partie de la statue. Le menuisier commence par façonner les diverses parties d’une chaise, et il ne forme le tout, la chaise, qu’en réunissant ensuite ces diverses parties. Si, donc, la société est l’ouvrage de l’homme, évidemment la société ne pourra être formée qu’ainsi : l’homme s’inquiètera tout d’abord des parties, les hommes. Les réunissant ensuite, il formera le tout, la société. De sorte que l’ordre se trouvera être celui-ci : le créateur ou la cause, l’homme ; les moyen, les hommes ; l’effet : la société. Conclusion : la partie est avant tout, l’homme est avant la société.

Mais la nature ne procède pas ainsi. Or, l’homme et la société ne sont pas l’ouvrage de l’homme, mais l’ouvrage de la nature. Aussi, l’ordre se trouve-t-il renversé et si nous reprenons la classification de cause, moyen, effet, nous dirons : cause, la nature ; moyen : la société ; effet : l’homme. La nature, par le moyen de la société fait l’homme. Conclusion : le tout est avant la partie, la société est avant l’homme.

Comment l’homme est-il, en effet, produit ? Par l’union de l’homme et de la femme. Et par « produit », je n’entends pas seulement conçu, mais encore engendré, nourri et élevé. Depuis le moment de la conception, en effet, jusqu’à un certain âge, l’enfant, pour vivre, a donc besoin que la mère lui soit conservée. La mère, de son côté, pour être conservée à l’enfant, a besoin de la protection de l’homme. L’homme conserve donc la mère, la mère conserve l’enfant.

La famille, voilà donc ce que produit l’homme. Or, la famille, c’est une société, société embryonnaire, il est vrai, mais déjà société.

Mais la famille a elle-même besoin d’être conservée. Isolées, les familles offriraient peu de défense et tendraient à disparaître. Réunies, elles prennent de la force en se prêtant un mutuel appui.

Réunies les familles forment ce qu’on appelle véritablement la société.

Donc, sans société, point de conservation de familles, sans familles point de production d’hommes. Plus succinctement : sans société point de familles, sans familles point d’hommes. Conclusion : sans société point d’hommes. Impossibilité donc de dire : Homme ! sans dire tout d’abord : Société !

Remarquons que « sans société point d’hommes » doit se traduire « sans société point de production d’hommes ». Ce qui empêche qu’on retourne la chose pour dire : « sans hommes point de société ». Car « sans hommes point de production de société » est faux, l’homme n’étant pas celui qui « produit » la société, la société étant produite ou, si vous voulez, nécessitée par la nature. Certes, la société « suppose » l’homme pour la composer. Mais l’homme « suppose » la société pour le produire. Et c’est là une différence capitale.

Ce qui fait qu’on a tendance à placer l’homme avant la société, c’est que seul l’homme importe. Mais nous disons aussi : seul l’homme importe. Et, évidemment, la société n’a aucune importance en elle-même. Évidemment, elle ne prend son importance que de l’homme, elle n’est importante que parce qu’elle produit, c’est-à-dire crée et conserve l’homme. Évidemment, l’homme est le seul but à atteindre. Simplement, qu’on n’oublie pas que pour atteindre ce but, il n’est qu’un chemin : famille, société.

https://www.actionfrancaise.net/2025/11/29/sans-societe-point-dhommes/

Seconde Guerre Mondiale: dix faits étonnants sur la bataille de Berlin

 

par Boris Egorov

Quelle armée a pris d’assaut la capitale du Troisième Reich aux côtés des troupes soviétiques? Comment se fait-il que la marine soviétique ait combattu à Berlin?

Offensive des troupes soviétiques sur Berlin
E. Egorov/Sputnik

La bataille de Berlin, qui s’est déroulée de mi-avril à début mai 1945, aurait pu commencer début février. À la suite de l’opération Vistule-Oder, les troupes soviétiques n’étaient qu’à 60-70 km de la capitale allemande. Le 1er Front biélorusse, sous le commandement du maréchal Gueorgui Joukov, était prêt à lancer une attaque décisive contre Berlin. Cependant, elle en a été empêchée par des attaques ennemies désespérées sur les 1er Fronts ukrainiens et biélorusses voisins, ainsi que par le transfert de troupes allemandes de Courlande en Poméranie. En conséquence, Joukov a reçu l’ordre d’aider ses voisins, et l’opération de Berlin a été reportée au printemps.

Des soldats de l’Armée rouge se battent dans les rues de Berlin en 1945
Getty Images

Avant l’assaut final contre Berlin fut soulevée la question de savoir qui prendrait finalement la ville – le 1er Front biélorusse de Joukov ou le 1er Front ukrainien d’Ivan Konev. Staline a secrètement autorisé la tenue d’une sorte de « compétition » entre les deux maréchaux. Konev était tellement inspiré que son armée, se précipitant vers le centre-ville, a violé les lignes de démarcation entre les deux groupes militaires, semant la confusion et des troubles à l’arrière des troupes de Joukov. En conséquence, il a été décidé que les soldats du 1er Front biélorusse prendraient le centre, et que le 1er ukrainien les y aiderait.

La prestation de serment des soldats polonais lors de la cérémonie de formation de la division polono-soviétique Tadeusz Kosciuszko
George Homzor/Sputnik

L’Armée rouge n’était pas la seule à participer à la bataille de Berlin. Un soutien a été fourni par la 1ère Armée polonaise forte de deux cent mille hommes, ce qui représentait environ 10% de tous les soldats qui avançaient sur la ville. Les alliés, équipés d’armes soviétiques, étaient subordonnés au gouvernement provisoire communiste de la République de Pologne et combattaient sous leur propre drapeau et dans leur uniforme national. L’épisode le plus notable de leur participation est lié aux combats dans le parc Tiergarten, lorsque les soldats de la 1ère division baptisée en l’honneur de Tadeusz Kosciuszko ont soutenu la 2e Armée de chars soviétique, qui s’est retrouvée privée de la couverture de leur propre infanterie.

Des bombardiers soviétiques lors de la bataille de Berlin. 20 avril 1945.
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Au début de la bataille de Berlin, l’Allemagne avait déjà perdu tous ses alliés. Cependant, des milliers d’étrangers continuaient de se battre pour elle. Entre autres, un bataillon de la 1ère division SS lettone, des Danois, des Suédois, des Norvégiens et des Hollandais de la division SS Nordland, ainsi que les Français de la division SS Charlemagne opéraient dans la ville. De plus, la capitale du IIIe Reich était protégée par plusieurs centaines d’Espagnols qui, après le retrait de la Division bleue du front de l’Est en 1943, décidèrent de rester et de poursuivre la lutte contre l’Union Soviétique.

La brigade d’artillerie soviétique bombarde le Reichstag pendant la Seconde Guerre mondiale
Mark Redkin/TASS

Pour l’obusier soviétique de 203 mm B-4, surnommé par les Allemands « marteau de Staline », rien n’était impossible. Il venait facilement à bout des blockhaus fortifiés de la ligne Mannerheim et pouvait transformer un bâtiment de plusieurs étages en ruines en quelques dizaines de minutes. Cependant, à Berlin, la célèbre arme a trouvé plus dur qu’elle. C’était la tour anti-aérienne de la Luftwaffe située dans les environs du zoo de Berlin. Malgré un bombardement long et tenace, seul un coin de ce bâtiment massif a été endommagé. La garnison ne s’est rendue que lorsque les combats avaient cessé dans le reste de la ville.

Des soldats soviétiques lors de la prise du Reichstag avec une bannière de combat de l’Armée rouge
Getty Images

Le Reichstag n’a pas été pris à la première tentative. L’attaque du 29 avril a échoué et il n’a été possible de s’en emparer que dans la soirée du 30 avril. Le lendemain, alors que des bannières soviétiques flottaient déjà au-dessus de ce symbole du Troisième Reich, 1 500 Allemands ont tenté de sortir du sous-sol du bâtiment dans la rue, mais sans succès.

La place Sophie-Charlotte à Charlottenburg prise par l’Armée rouge
Getty Images

Des « Américains » ont tout de même participé à la bataille de Berlin. Il s’agissait de chars moyens Sherman M4A2 fournis par les États-Unis à l’Union soviétique dans le cadre du programme de prêt-bail. Ainsi, rien que la 2e armée blindée de la Garde a perdu 209 de ces chars dans les batailles pour la ville.

La flottille du Dniepr sur la Sprée, à Berlin en avril 1945
Archives

Bien que Berlin soit assez éloignée de la mer Baltique, la marine soviétique a joué un rôle actif dans la bataille pour la ville. Du 23 au 25 avril, lors de la traversée de la rivière Spree, de petits bateaux de la flottille du Dniepr, sous le feu ennemi, ont transporté plus de 16 000 soldats et 100 pièces d’artillerie vers la zone de combat.

Berlin dévastée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La ville allemande a subi des frappes aériennes incessantes des forces alliées en 1945
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Berlin est ainsi devenue la seule capitale du pays d’Europe occidentale à avoir été prise par l’armée russe à trois reprises. La ville a été prise pour la première fois en 1760 pendant la guerre de Sept Ans, la seconde pendant la guerre de la sixième coalition contre la France napoléonienne en 1813.

Des soldats de l’Armée rouge célèbrent leur victoire sur l’Allemagne nazie au Reichstag
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Paradoxalement, alors que l’Armée rouge prenait d’assaut la capitale du IIIe Reich, une partie du territoire de l’Union soviétique était encore occupée par les Allemands. Jusqu’à 250 000 soldats ennemis étaient bloqués dans la poche de Courlande, dans l’ouest de la Lettonie, qui a reçu le surnom humoristique de « camp de prisonniers de guerre armés ». Ce groupe a capitulé le 10mai, mais plusieurs milliers de collaborateurs baltes assistés d’un certain nombre d’Allemands n’ont pas déposé les armes, lançant une guérilla dans les forêts locales contre le régime soviétique.

source:https://fr.rbth.com/histoire/84621-bataille-berlin-faits

https://reseauinternational.net/seconde-guerre-mondiale-dix-faits-etonnants-sur-la-bataille-de-berlin/

vendredi 28 novembre 2025

Seconde Guerre Mondiale – Les États-Unis continuent leurs efforts pour réécrire l’histoire d’un monde global

 

La déstabilisation générale des États et des rapports internationaux est une excellente période pour reprendre du terrain géopolitique, pendant que tous les regards sont forcés de se focaliser dans une seule direction, pendant que les pays tournent en rond au fond d’une impasse glauque. Cette année marque le 75e anniversaire de Victoire de la Seconde Guerre Mondiale, qui devait être l’occasion de cérémonies grandioses. Notamment à Moscou, puisque l’URSS est un pays-clé de la victoire contre le nazisme et le fascisme. « Par chance » pour le clan atlantiste, ces cérémonies n’auront pas lieu le 9 mai, ils ne seront pas obligés de venir et de devoir refuser de venir, ils purent applaudir avec soulagement la décision de report des cérémonies du 9 mai, qui ne seront donc pas des cérémonies du 9 mai, à Moscou. Le symbole ne leur sera pas imposé. Il n’y aura pas de symbole. Et pendant ce temps-là, les États-Unis travaillent. Ils ouvrent un programme de financement en Hongrie, permettant une individualisation de l’histoire et sa réécriture contre le rôle de l’URSS dans la Seconde Guerre Mondiale au profit des alliés américains. Bref, pendant que certains pays ont été mis à l’arrêt, la vie continue, le monde global renforce ses positions.

La réécriture de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale par les États-Unis n’est pas une nouveauté, c’est même un élément essentiel, depuis la chute de l’URSS, pour réduire son rôle en Europe et donc délégitimer la prétention de la Russie aujourd’hui à être un centre politique concurrent. Nous avons eu droit récemment à une tentative grossière d’attribuer à l’armée américaine la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, libéré par l’armée soviétique, (voir notre texte à ce sujet ici). Nous avons régulièrement droit à l’opération de discrédit de l’URSS sur fond de laïus « Pacte Molotov-Ribbentrop », accompagné de la mise sous silence de tous les pactes conclus par les pays occidentaux, notamment la France et la Grande-Bretagne avec l’Allemagne nazie et du refus qu’ils ont opposé à l’URSS en 1939 pour une alliance militaire contre l’Allemagne nazie (voir notre texte ici).

Si l’attaque est répétée avec tant de constance, c’est justement parce que l’URSS a joué un rôle incontournable dans la Seconde Guerre Mondiale, qu’elle a libéré seule plus de 50% du territoire européen (sans compter sa partie européenne), ce qui fait la libération de plus de 120 millions de personnes sur 16 pays aujourd’hui indépendants. Pour la libération de 6 autres pays, l’armée rouge est intervenue en coopération avec les armées alliées. (voir notre texte à ce sujet).

C’est cette mémoire qu’il faut briser. C’est cette histoire qu’il faut réécrire. Afin que le monde soit enfin global, qu’il n’ait qu’une mémoire, faisant des États-Unis le héros incontesté et incontestable, justifiant leur rôle d’unique centre politique. Puisque la globalisation, par définition, ne permet qu’un centre.

Ainsi, le Département d’État américain ouvre le financement d’un programme en Hongrie de reconstruction de l’histoire basée sur la mise en avant d’histoires individuelles, s’appuyant sur des témoignages, afin de reconnaître, comme cela est annoncé, la « complexité de l’histoire ». Autrement dit, je cite, des actes d’humanité et de résistance, de cruauté et de collaboration au milieu de l’holocauste, de la Seconde Guerre mondiale et « sous la tyrannie de l’Union soviétique ».

Combattre l’histoire par l’individu, ce qui permet de sortir chaque élément de son contexte et, à terme, de réécrire ce contexte. Et surtout de mettre au même niveau le libérateur-soviétique et l’occupant-nazi, qui était, il est vrai, un allié. Mais cette complexité-là de l’histoire est beaucoup moins souhaitable.

L’ambassade de Russie aux États-Unis a protesté et demandé en substance aux États-Unis de ne pas financer de pseudo-programmes historiques, ne devant in fine que servir les intérêts des États-Unis et non pas de la recherche historique.

Elle a rappelé que la bataille de Budapest a coûté la vie à 80 000 soldats soviétiques et alliés roumains, faisant plus de 240 000 blessés dans leurs rangs. Environ, 50 000 soldats allemands et hongrois sont morts, 26 000 ont été blessés et 138 000 capturés. Dans cette bataille brutale, qui s’est menée maison par maison, les pertes civiles ont été autant réduites que possible – 76 000. Cette bataille a été décisive également sur le plan stratégique, car elle a privé Hitler d’un de ses derniers alliés en Europe.

C’est aussi de cette « histoire complexe » dont les globalistes ne veulent plus avoir à supporter l’ombre. Et cet étrange « combat global » contre un « virus global » ne doit pas nous faire détourner les yeux de l’essentiel : notre mémoire, c’est notre avenir, notre liberté, notre survie comme Nation. Elle ne peut être mise en quarantaine. En tout cas, sans que nous n’y succombions.

Karine Bechet-Golovko

source : http://russiepolitics.blogspot.com

https://reseauinternational.net/seconde-guerre-mondiale-les-etats-unis-continuent-leurs-efforts-pour-reecrire-lhistoire-dun-monde-global/

jeudi 27 novembre 2025

Esclavage, mémoire et vérité historique : ce que Libération ne veut pas regarder

 

Esclavage, mémoire et vérité historique : ce que Libération ne veut pas regarder

L’article que Libération consacre à un forum d’Afro-descendants organisé à Salvador de Bahia, en présence de Christiane Taubira, se présente comme une réflexion transatlantique sur les héritages de l’esclavage. Il n’est toutefois qu’un nouvel exemple de traitement mémoriel partiel et idéologisé, où l’histoire devient un matériau politique plutôt qu’un objet de connaissance. Ce texte, qui prétend éclairer, obscurcit. Il convoque des souffrances réelles, mais les enferme dans un récit volontairement amputé. Il présente l’esclavage comme une faute exclusivement européenne, et les Afro-descendants comme des victimes éternelles et « racisées », privées de responsabilité propre. Or les faits racontent tout autre chose.

Balbino Katz

La fabrique d’une identité victimaire : quand Libération invente les « populations racisées »

L’un des ressorts discursifs les plus marquants de l’article est la notion de « populations racisées ». Le terme, désormais courant dans certains milieux universitaires français, repose sur un glissement conceptuel majeur : il ne désigne plus une identité réelle, mais une identité attribuée. Selon cette logique, les Afro-descendants ne seraient plus des héritiers d’une histoire africaine, américaine ou caribéenne, mais des individus définis par le regard discriminant supposé d’autrui.

Ce renversement sémantique est fondamental : il fait passer l’individu de son propre héritage au regard de l’autre. L’identité devient un stigmate, non une continuité. L’individu ne se pense plus comme membre d’un peuple, d’une tradition ou d’une culture, mais comme le produit d’un système hostile. Cette manière de définir l’identité par la blessure et non par la transmission est au cœur des politiques mémorielles contemporaines. Elle déresponsabilise, désindividualise et installe durablement l’idée que l’identité profonde n’est pas ce que l’on est, mais ce dont on souffre.

Cette logique produit une vision binaire de l’histoire : d’un côté les dominés éternels, de l’autre les dominants permanents. Les Afro-descendants ne sont alors plus les héritiers d’empires africains, de résistances et de cultures, mais des victimes assignées à résidence morale. C’est ce que le sociologue américain Orlando Patterson appelait « la seconde servitude ». Cette identité diminuée, figée, tournée vers l’extérieur plutôt que vers soi, enferme les trajectoires individuelles dans une plainte infinie.

Pourtant, les Afro-descendants ont mille raisons d’assumer leur histoire avec fierté. Ils sont les héritiers de royaumes puissants tels que le Dahomey, le Kongo ou l’Ashanti, de penseurs remarquables comme Anton Wilhelm Amo ou Edward Blyden, et d’une créativité culturelle qui a traversé l’Atlantique en influençant le monde entier, de Haïti aux États-Unis, du Brésil aux Caraïbes. Réduire cette richesse à une identité de « racisés » revient à nier leur capacité d’agir et leur souveraineté mémorielle.

L’esclavage avant l’Europe : une pratique universelle que Libération efface

Le récit promu par l’article repose sur une culpabilité exclusivement européenne, comme si l’esclavage était une invention occidentale et la traite atlantique son seul théâtre. L’historiographie moderne contredit pourtant cette vision simpliste. Les travaux d’Olivier Pétré-Grenouilleau, Ralph Austen, Bernard Lewis, Paul Lovejoy ou Murray Gordon montrent que l’esclavage constitue un phénomène universel, ancien et multiforme. Trois grands systèmes esclavagistes, d’ampleur comparable, ont existé :
– la traite intra-africaine, enracinée dans les structures politiques traditionnelles ;
– la traite orientale ou arabo-musulmane, active du VIIᵉ au XXᵉ siècle ;
– la traite atlantique, plus récente.

La traite intra-africaine est la plus ancienne et plonge ses racines dans les mécanismes politiques de nombreux royaumes précoloniaux. La capture de prisonniers, leur mise en servitude et leur redistribution faisaient partie du fonctionnement ordinaire de ces systèmes. Quant à la traite orientale, elle fut la plus longue et l’une des plus brutales, avec castration systématique et absence de descendance. La servitude demeura un statut juridique légitime dans le droit islamique classique jusqu’au XXᵉ siècle.

La traite atlantique fut immense et tragique, mais ne fut pas inventée par les Européens : elle s’inscrivit dans des structures africaines déjà établies. Plus de 90 % des captifs étaient conquis et convoyés par des autorités africaines militarisées. Les Européens restaient sur les côtes ; les réseaux internes étaient africains. Cela n’efface pas la responsabilité européenne, mais rappelle qu’elle n’était ni exclusive ni originelle.

Le débat de Valladolid : quand l’Europe questionne sa propre domination

Le débat de Valladolid (1550-1551), organisé par Charles Quint, constitue un épisode unique de l’histoire intellectuelle mondiale. Pour la première fois, une puissance impériale interrogeait publiquement la légitimité morale de sa domination. Las Casas y défendit l’humanité pleine des Indiens ; Sepúlveda invoqua la « servitude naturelle » selon Aristote. Ce débat n’a eu aucun équivalent dans les autres civilisations. Il inaugura un mouvement d’autocritique qui conduisit, deux siècles plus tard, aux premières abolitions modernes.

Une Europe paradoxale : seule civilisation à abolir l’esclavage universellement

L’abolition fut le fruit de cette maturation intellectuelle. La Grande-Bretagne lança le premier mouvement abolitionniste structuré, puis interdit la traite en 1807 et l’esclavage en 1833. La Royal Navy consacra une partie de sa flotte à l’interception des navires négriers. La France suivit en 1848. À l’inverse, les abolitions dans le monde musulman furent tardives : jusqu’en 1981 en Mauritanie. Ces dates ne sont pas une question morale, mais un constat historique.

La loi Taubira : l’institutionnalisation d’une mémoire amputée

La loi Taubira (2001) reconnut la traite transatlantique comme « crime contre l’humanité », mais exclut totalement les traites africaines et orientales. Plusieurs historiens soulignèrent son caractère sélectif. Christiane Taubira expliqua qu’évoquer la traite arabo-musulmane risquait d’« offenser certains jeunes », avouant implicitement que l’objectif n’était pas la vérité historique globale, mais la réponse à une demande victimaire identitaire. Cette orientation transforma l’histoire en instrument politique et introduisit une mémoire officielle, partielle et donc fragile.

Pour une mémoire adulte, non infantilisante

L’esclavage exige une approche totale et non tronquée. Les Afro-descendants n’ont rien à gagner à une identité victimaire qui les prive de responsabilité et d’autonomie. Ils ont tout à revendiquer : la complexité de leurs parcours, la dignité de leurs ancêtres, la diversité de leurs héritages. La fierté libère ; la victimisation enferme. L’histoire ne progresse que par la franchise et l’absence d’angles morts. La vérité ne se divise pas : elle s’assume ou elle s’efface.

Balbino Katz 27/11/2025

https://www.polemia.com/esclavage-memoire-et-verite-historique-ce-que-liberation-ne-veut-pas-regarder/

mercredi 26 novembre 2025

La pravda américaine – Comprendre la Seconde Guerre Mondiale

 

À la fin 2006, Scott McConnell, rédacteur en chef de The American Conservative (TAC), m’a contacté pour me dire que, faute d’une importante injection financière, son petit magazine allait devoir fermer ses portes. J’étais en bons termes avec McConnell depuis environ 1999, et j’ai beaucoup apprécié le fait que lui et ses co-fondateurs du TAC aient été un point focal d’opposition à la politique étrangère calamiteuse de l’Amérique du début des années 2000.

Dans la foulée du 11 septembre 2001, les Néo-cons centrés sur Israël avaient plus ou moins réussi à prendre le contrôle de l’administration Bush tout en prenant le contrôle des principaux médias américains, purgeant ou intimidant la plupart de leurs critiques. Bien que Saddam Hussein n’ait manifestement aucun lien avec les attaques, son statut de rival régional possible d’Israël l’avait désigné comme leur principale cible, et ils ont rapidement commencé à battre les tambours de la guerre, les États-Unis lançant finalement leur invasion désastreuse en mars 2003.

Parmi les magazines imprimés, le TAC était presque seul à s’opposer avec force à ces politiques et avait attiré une attention considérable lorsque le rédacteur en chef fondateur Pat Buchanan avait publié « Whose War » , qui désignait directement les néoconservateurs juifs responsables, une vérité très largement reconnue dans les milieux politiques et médiatiques mais presque jamais publiquement exprimée. David Frum, l’un des principaux promoteurs de la guerre en Irak, avait presque simultanément publié un article de couverture de la National Review dénonçant comme « antipatriotique » – et peut-être « antisémite » – une très longue liste de critiques conservateurs, libéraux et libertaires de la guerre, avec Buchanan proche du sommet, et la controverse et les insultes ont perduré pendant quelque temps.

Compte tenu de cette histoire récente, je craignais que la disparition du TAC ne laisse un vide politique dangereux, et étant alors dans une situation financière relativement solide, j’ai accepté de sauver le magazine et d’en devenir le nouveau propriétaire. Bien que j’étais beaucoup trop préoccupé par mon propre travail sur les logiciels pour m’impliquer directement, McConnell m’a nommé éditeur, probablement dans l’espoir de me lier à la survie de son magazine et de s’assurer de futures injections financières. Mon titre était de pure forme et, au cours des années qui ont suivi, en plus de faire des chèques supplémentaires, ma seule participation se résumait habituellement à un appel téléphonique de cinq minutes chaque lundi matin pour voir comment les choses allaient.

Environ un an après que j’ai commencé à soutenir le magazine, McConnell m’a informé qu’une crise majeure se préparait. Bien que Pat Buchanan ait rompu ses liens directs avec la publication quelques années auparavant, il était de loin le personnage le plus connu associé au TAC, de sorte qu’il était encore largement connu, bien que par erreur, sous le nom de « magazine de Pat Buchanan ». Mais maintenant McConnell avait entendu dire que Buchanan avait l’intention de publier un nouveau livre censé glorifier Adolf Hitler et dénoncer la participation de l’Amérique à la guerre mondiale pour vaincre la menace nazie. La promotion de ces croyances bizarres condamnerait certainement la carrière de Buchanan, mais comme le TAC était déjà continuellement attaquée par des activistes juifs, la culpabilité « néonazie » qui en résulterait par association pourrait facilement couler le magazine aussi.

En désespoir de cause, McConnell avait décidé de protéger sa publication en sollicitant une critique très hostile de l’historien conservateur John Lukacs, qui protégerait ainsi le TAC de la catastrophe imminente. Étant donné à l’époque mon rôle de bailleur de fonds et d’éditeur du TAC, il m’a naturellement demandé mon approbation dans cette rupture brutale avec son propre mentor politique. Je lui ai dit que le livre de Buchanan avait certainement l’air plutôt ridicule et que sa propre stratégie défensive était plutôt raisonnable, et je suis rapidement revenu sur les problèmes auxquels j’avais été confronté dans mon propre projet de logiciel qui consommait tout mon temps.

J’avais été un peu ami avec Buchanan pendant une douzaine d’années et j’admirais beaucoup le courage dont il faisait preuve en s’opposant aux Néo-cons en politique étrangère, mais je n’étais pas trop surpris d’entendre qu’il publiait un livre promouvant des idées un peu étranges. Quelques années plus tôt, il avait sorti « The Death of the West » , qui était devenu un best-seller inattendu. Après que mes amis du TAC eurent fait l’éloge de ses qualités, j’ai décidé de le lire moi-même et j’ai été très déçu. Bien que Buchanan ait généreusement cité un extrait de mon propre article de couverture de Commentary intitulé « La Californie et la fin de l’Amérique blanche », j’ai eu l’impression qu’il avait interprété le sens de cet article totalement de travers, et le livre dans son ensemble semblait un traitement plutôt mal construit et aligné sur une rhétorique de droite sur les questions complexes d’immigration et de race, sujets sur lesquels je me suis beaucoup concentré depuis le début des années 1990. Dans ces circonstances, je n’ai donc pas été surpris que le même auteur soit en train de publier un livre tout aussi stupide sur la Seconde Guerre mondiale, causant peut-être de graves problèmes à ses anciens collègues du TAC.

Des mois plus tard, l’histoire de Buchanan et la révision hostile du TAC sont toutes deux apparues, et comme prévu, une tempête de controverse a éclaté. Les principales publications avaient largement ignoré le livre, mais il semblait recevoir d’énormes éloges de la part d’écrivains alternatifs, dont certains dénonçaient férocement le TAC pour l’avoir attaqué. En fait, la réponse a été si unilatérale que lorsque McConnell a découvert qu’un blogueur totalement obscur quelque part était d’accord avec sa propre évaluation négative, il a immédiatement fait circuler ces remarques dans une tentative désespérée de revendication. Des collaborateurs de longue date du TAC, dont j’ai beaucoup respecté les connaissances historiques, tels Eric Margolis et William Lind, avaient fait l’éloge du livre, alors ma curiosité a finalement pris le dessus et j’ai décidé de commander un exemplaire et de le lire pour moi-même.

J’ai été très surpris de découvrir une œuvre très différente de ce à quoi je m’attendais. Je n’avais jamais accordé beaucoup d’attention à l’histoire américaine du XXe siècle et ma connaissance de l’histoire européenne à la même époque n’était que légèrement meilleure, alors mes opinions étaient plutôt conventionnelles, ayant été façonnées par mes cours d’History 101 et ce que j’avais appris en lisant mes divers journaux et magazines pendant des décennies. Mais dans ce cadre, l’histoire de Buchanan semblait s’intégrer assez confortablement.

La première partie de son volume fournissait ce que j’avais toujours considéré comme une vue standard de la Première Guerre mondiale. Dans son récit des événements, Buchanan explique comment le réseau complexe d’alliances imbriquées a conduit à une gigantesque conflagration alors qu’aucun des dirigeants existants n’avait réellement recherché ce résultat : un énorme baril de poudre européen avait été allumé par l’étincelle d’un meurtre à Sarajevo.

Mais bien que son récit soit ce à quoi je m’attendais, il m’a fourni une foule de détails intéressants que je ne connaissais pas auparavant. Entre autres choses, il fait valoir de façon convaincante que la culpabilité de guerre allemande était quelque peu inférieure à celle de la plupart des autres participants, notant également que malgré la propagande sans fin autour du « militarisme prussien », l’Allemagne n’avait mené aucune guerre majeure depuis 43 ans, un record ininterrompu de paix bien meilleur que celui de la plupart de ses adversaires. De plus, un accord militaire secret entre la Grande-Bretagne et la France avait été un facteur crucial dans l’escalade involontaire, et même ainsi, près de la moitié du Cabinet britannique avait failli démissionner face à la déclaration de guerre contre l’Allemagne, une possibilité qui aurait probablement conduit à un conflit court et limité, confiné au continent. J’avais aussi rarement vu insister sur le fait que le Japon avait été un allié britannique crucial et que les Allemands auraient probablement gagné la guerre si le Japon avait combattu de l’autre côté.

Cependant, la majeure partie du livre porte sur les événements qui manèrent à la Seconde Guerre mondiale, et c’est cette partie qui inspira tant d’horreur à McConnell et à ses collègues. Buchanan décrit les dispositions scandaleuses du Traité de Versailles imposées à une Allemagne prostrée, et la détermination de tous les dirigeants allemands subséquents à y remédier. Mais alors que ses prédécesseurs démocratiques de Weimar avaient échoué, Hitler avait réussi, en grande partie grâce au bluff, tout en annexant l’Autriche allemande et les Sudètes allemands de Tchécoslovaquie, dans les deux cas avec le soutien massif de leurs populations.

Buchanan documente cette thèse controversée en s’inspirant largement de nombreuses déclarations de personnalités politiques contemporaines de premier plan, pour la plupart britanniques, ainsi que des conclusions de grands historiens très respectés. La dernière exigence d’Hitler, à savoir que Dantzig à 95% allemande soit restituée à l’Allemagne comme ses habitants le souhaitaient, était tout à fait raisonnable, et seule une terrible erreur diplomatique de la part des Britanniques avait conduit les Polonais à refuser cette demande, provoquant ainsi la guerre. L’affirmation répandue plus tard que Hitler cherchait à conquérir le monde était totalement absurde, et le dirigeant allemand avait en fait tous les efforts possibles pour éviter la guerre avec la Grande-Bretagne ou la France. En effet, il était généralement très amical envers les Polonais et espérait faire de la Pologne un allié allemand contre la menace de l’Union soviétique de Staline.

Bien que de nombreux Américains aient pu être choqués par ce récit des événements qui ont mené au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le récit de Buchanan correspondait assez bien à ma propre impression de cette période. En tant qu’étudiant de première année à Harvard, j’avais suivi un cours d’introduction à l’histoire, et l’un des principaux textes obligatoires sur la Seconde Guerre mondiale avait été celui de A.J.P. Taylor, un historien renommé de l’Université d’Oxford. Son célèbre ouvrage de 1961, Origines de la Seconde Guerre mondiale, avait présenté de façon très convaincante une version très semblable à celle de Buchanan, et je n’avais jamais trouvé de raison de remettre en question le jugement de mes professeurs qui l’avaient confié. Donc, si Buchanan semblait simplement appuyer les opinions d’un grand donateur d’Oxford et de membres de la faculté d’histoire de Harvard, je ne comprenais pas pourquoi son nouveau livre serait considéré comme étant si inacceptable.

Certes, Buchanan y a également inclus une critique très sévère de Winston Churchill, énumérant une longue liste de ses politiques prétendument désastreuses et de ses revirements politiques, et lui attribuant une bonne part de la responsabilité de l’implication de la Grande-Bretagne dans les deux guerres mondiales, décisions fatidiques qui ont conduit à l’effondrement de l’Empire britannique. Mais même si ma connaissance de Churchill était beaucoup trop limitée pour rendre un verdict, les arguments qu’il avance en faveur de cette analyse semblent raisonnablement solides. Les Néo-cons détestaient déjà Buchanan et puisqu’ils vénéraient Churchill comme un super-héros de dessin animé, toute critique de la part de ces gens ne serait guère surprenante. Mais dans l’ensemble, le livre semblait une histoire très solide et intéressante, la meilleure œuvre de Buchanan que j’aie jamais lue, et j’ai gentiment donné un avis favorable à McConnell, qui était évidemment plutôt déçu. Peu de temps après, il décida d’abandonner son rôle de rédacteur en chef du TAC au profit de Kara Hopkins, son adjointe de longue date, et la vague de diffamation qu’il avait récemment subie de la part de plusieurs de ses anciens alliés pro-Buchanan a sans doute contribué à cette décision.

Bien que ma connaissance de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ait été assez rudimentaire en 2008, au cours de la décennie qui a suivi, j’ai entrepris de nombreuses lectures de l’histoire de cette époque mémorable, et mon jugement préliminaire sur la justesse de la thèse de Buchanan a été fortement renforcé.

Le récent 70e anniversaire du début du conflit qui a consumé tant de dizaines de millions de vies a naturellement provoqué de nombreux articles historiques, et la discussion qui en a résulté m’a amené à sortir ma vieille copie du court volume de Taylor, que je relis pour la première fois en près de quarante ans. Je l’ai trouvé aussi magistral et persuasif qu’à l’époque où j’étais dans ma chambre de dortoir à l’université, et les brillants communiqués de presse de la couverture laissaient entrevoir certaines des acclamations que le travail avait immédiatement reçues. Le Washington Post a saluait l’auteur comme l’« le plus éminent historien britannique en vie »World Politics le qualifiait de « puissamment argumenté, brillamment écrit et toujours persuasif »The New Statesman, magazine britannique de gauche, le décrivait comme « un chef-d’œuvre : lucide, compatissant, magnifiquement écrit » et le Times Literary Supplement le caractérisait comme « simple, dévastateur, d’une grande clarté et profondément inquiétant ». En tant que best-seller international, il s’agit certainement du livre le plus célèbre de Taylor, et je peux facilement comprendre pourquoi il figurait encore sur ma liste de lectures obligatoires du collège près de deux décennies après sa publication originale.

Pourtant, en revisitant l’étude révolutionnaire de Taylor, j’ai fait une découverte remarquable. Malgré toutes les ventes internationales et les acclamations de la critique, les conclusions du livre ont vite suscité une grande hostilité dans certains milieux. Les conférences de Taylor à Oxford avaient été extrêmement populaires pendant un quart de siècle, mais comme résultat direct de cette controverse « l’historien vivant le plus éminent de Grande-Bretagne » fut sommairement purgé de la faculté peu de temps après. Au début de son premier chapitre, Taylor avait remarqué à quel point il trouvait étrange que plus de vingt ans après le début de la guerre la plus cataclysmique du monde, aucune histoire sérieuse n’ait été produite pour analyser attentivement ce déclenchement. Peut-être que les représailles qu’il a subies l’ont amené à mieux comprendre une partie de ce casse-tête.

Taylor n’était pas le seul à subir de telles représailles. En effet, comme je l’ai progressivement découvert au cours de la dernière décennie, son sort semble avoir été exceptionnellement doux, sa grande stature existante l’isolant partiellement des contrecoups de son analyse objective des faits historiques. Et ces conséquences professionnelles extrêmement graves étaient particulièrement fréquentes de notre côté de l’Atlantique, où de nombreuses victimes ont perdu leurs positions médiatiques ou académiques de longue date et ont disparu définitivement des yeux du public pendant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

J’avais passé une grande partie des années 2000 à produire des archives numérisées massives contenant le contenu complet de centaines de périodiques américains les plus influents des deux derniers siècles, une collection totalisant plusieurs millions d’articles. Et au cours de ce processus, j’ai été surpris à maintes reprises de rencontrer des individus dont la présence massive les positionnait clairement comme les intellectuels grand public les plus importants de leur époque, mais qui avaient ensuite disparu si complètement que je n’avais presque jamais été au courant de leur existence. J’ai peu à peu commencé à reconnaître que notre propre histoire avait été marquée par une Grande Purge idéologique tout aussi importante, quoique moins sanguinaire, que son homologue soviétique. Les parallèles semblaient étranges :

« Je m’imaginais parfois un peu comme un jeune chercheur soviétique sérieux des années 1970 qui aurait commencé à fouiller dans les fichiers d’archives moisies du Kremlin, oubliées depuis longtemps, et fait des découvertes étonnantes. Trotski n’était apparemment pas le célèbre espion nazi ni le traître décrit dans tous les manuels, mais avait été le bras droit du saint Lénine lui-même pendant les jours glorieux de la grande révolution bolchevique, et était resté pendant quelques années dans les rangs les plus élevés de l’élite du parti. Et qui étaient ces autres personnages – Zinoviev, Kamenev, Boukharine, Rykov – qui étaient également passé ces premières années au sommet de la hiérarchie communiste ? Dans les cours d’histoire, ils étaient à peine mentionnés, en tant qu’agents capitalistes mineurs rapidement démasqués et ayant payé de leur vie leur traîtrise. Comment le grand Lénine, père de la Révolution, aurait-il pu être assez idiot pour s’entourer presque exclusivement de traîtres et d’espions ?

Sauf que contrairement à leurs analogues staliniens quelques années plus tôt, les victimes américaines disparues vers 1940 ne furent ni abattues ni envoyées au goulag, mais simplement exclues des principaux médias qui définissent notre réalité, les effaçant ainsi de notre mémoire, de sorte que les générations futures ont progressivement oublié qu’elles avaient jamais existé ».

Le journaliste John T. Flynn, probablement presque inconnu aujourd’hui, mais dont la stature était autrefois énorme, est un exemple éminent de ce type d’Américain « disparu ». Comme je l’ai écrit l’année dernière :

« Alors, imaginez ma surprise de découvrir que, tout au long des années 1930, il avait été l’une des voix libérales les plus influentes de la société américaine, un écrivain en économie et en politique dont le statut aurait pu être, à peu de choses prés, proche de celui de Paul Krugman, mais avec une forte tendance à chercher le scandale. Sa chronique hebdomadaire dans The New Republic lui permit de servir de locomotive pour les élites progressistes américaines, tandis que ses apparitions régulières dans Colliers, hebdomadaire illustré de grande diffusion, atteignant plusieurs millions d’Américains, lui fournissaient une plate-forme comparable à celle d’une personnalité de l’âge d’or des réseaux de télévision.

Dans une certaine mesure, l’importance de Flynn peut être objectivement quantifiée. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de mentionner son nom devant une libérale cultivée et engagée née dans les années 1930. Sans surprise, elle a séché, mais s’est demandé s’il aurait pu être un peu comme Walter Lippmann, le très célèbre chroniqueur de cette époque. Lorsque j’ai vérifié, j’ai constaté que dans les centaines de périodiques de mon système d’archivage, on ne trouvait que 23 articles publiés par Lippmann dans les années 1930 contre 489 par Flynn ».

Un parallèle américain encore plus fort avec Taylor était celui de l’historien Harry Elmer Barnes, une figure presque inconnue pour moi, mais à son époque un universitaire de grande influence et d’envergure :

« Imaginez mon étonnement après avoir découvert que Barnes avait été l’un des premiers contributeurs du magazine Foreign Affairs, et le principal relecteur de cette vénérable publication depuis sa fondation en 1922, alors que son statut parmi les universitaire libéraux américains de premier plan se manifestait par ses nombreuses apparitions dans The Nation et The New Republic au cours des années 1920. En effet, on lui attribue un rôle central dans la « révision » de l’histoire de la Première Guerre mondiale, afin d’effacer l’image caricaturale de l’innommable méchanceté allemande, laissée en héritage de la malhonnête propagande de guerre produite par les gouvernements adversaires britannique et étasunien. Et sa stature professionnelle a été démontrée par ses trente-cinq livres ou plus, dont bon nombre d’ouvrages académiques influents, ainsi que par ses nombreux articles dans The American Historical ReviewPolitical Science Quarterly et d’autres revues de premier plan.

Il y a quelques années, j’ai parlé de Barnes à un éminent universitaire américain dont les activités en sciences politiques et en politique étrangère étaient très similaires, et pourtant le nom ne lui disait rien. À la fin des années 1930, Barnes était devenu un critique de premier plan des propositions de participation américaine à la Seconde Guerre mondiale. En conséquence, il avait définitivement « disparu », ignoré par tous les grands médias, alors qu’une importante chaîne de journaux était fortement incitée à mettre fin brutalement, en mai 1940, à sa rubrique nationale publiée de longue date ».

Beaucoup d’amis et d’alliés de Barnes tombèrent lors de la même purge idéologique, qu’il décrit dans ses propres écrits et qui se poursuivit après la fin de la guerre :

« Plus d’une douzaine d’années après sa disparition de notre paysage médiatique national, Barnes a réussi à publier Perpetual War for Perpetual Peace, un long recueil d’essais d’érudits et autres experts traitant des circonstances entourant l’entrée de l’Amérique dans la Seconde Guerre mondiale. Il a été édité et distribué par un petit imprimeur de l’Idaho. Sa propre contribution consistait en un essai de 30 000 mots intitulé « Le révisionnisme et le blackout historique », qui abordait les énormes obstacles rencontrés par les penseurs dissidents de cette période.

Le livre lui-même était dédié à la mémoire de son ami l’historien Charles A. Beard. Depuis le début du XXe siècle, Beard était une figure intellectuelle de haute stature et d’une très grande influence, cofondateur de The New School à New York et président de l’American Historical Association et de l’American Political Science Association. En tant que principal partisan de la politique économique du New Deal, il a été extrêmement loué pour ses opinions.

Pourtant, après qu’il se retourna contre la politique étrangère belliqueuse de Roosevelt, les éditeurs lui fermèrent leurs portes et seule son amitié personnelle avec le responsable de la presse de l’Université de Yale permit à son volume critique de 1948, Le président Roosevelt, et l’avènement de la guerre, 1941 de paraître. La réputation immense de Beard semble avoir commencé à décliner rapidement à partir de ce moment, de sorte que l’historien Richard Hofstadter pouvait écrire en 1968 : « La réputation de Beard se présente aujourd’hui comme une ruine imposante dans le paysage de l’historiographie américaine. Ce qui était autrefois la plus grande maison du pays est maintenant une survivance ravagée ». En fait, « l’interprétation économique de l’histoire », autrefois dominante, de Beard pourrait presque être considérée comme faisant la promotion de « dangereuses théories du complot », et je suppose que peu de non-historiens ont même entendu parler de lui.

Un autre contributeur majeur au volume de Barnes fut William Henry Chamberlin, qui pendant des décennies avait été classé parmi les principaux journalistes de politique étrangère des États-Unis, avec plus de quinze livres à son actif, la plupart d’entre eux ayant fait l’objet de nombreuses critiques favorables. Pourtant, America’s Second Crusade, son analyse critique, publiée en 1950, de l’entrée de l’Amérique dans la Seconde Guerre mondiale, n’a pas réussi à trouver un éditeur traditionnel et a été largement ignorée par les critiques. Avant sa publication, sa signature apparaissait régulièrement dans nos magazines nationaux les plus influents, tels que The Atlantic Monthly et Harpers. Mais par la suite, son activité s’est presque entièrement limitée à des lettres d’information et à des périodiques de faible tirage, appréciés par un public conservateur ou libertaire restreint.

Aujourd’hui, sur internet, chacun peut facilement créer un site Web pour publier son point de vue, le rendant immédiatement accessible à tout le monde. En quelques clics de souris, les médias sociaux tels que Facebook et Twitter peuvent attirer l’attention de millions de personnes sur des documents intéressants ou controversés, en se passant ainsi totalement du soutien des intermédiaires établis. Il est facile pour nous d’oublier à quel point la dissémination d’idées dissidentes était extrêmement ardue à l’époque des rotatives, du papier et de l’encre, et de reconnaître qu’une personne exclue de son média habituel aura peut-être besoin de nombreuses années pour retrouver toute sa place ».

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source : American Pravda: Understanding World War II

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

via https://lesakerfrancophone.fr/la-pravda-americaine-comprendre-la-seconde-guerre-mondiale

https://reseauinternational.net/la-pravda-americaine-comprendre-la-seconde-guerre-mondiale/