lundi 19 août 2024

La campagne menée par le président Roosevelt pour inciter à la guerre en Europe 1/3

 

par Mark Weber

Cette très longue reconstruction du rôle central des États-Unis dans l’éclatement de la Seconde Guerre Mondiale a été publiée il y a presque quarante ans, mais je n’en ai pris connaissance que récemment. Je pense que les parallèles avec notre confrontation actuelle contre la Russie sont vraiment tout à fait remarquables, comme je l’ai souligné dans certains de mes articles passés : La Pravda Américaine : troisième et deuxième guerres mondiales ?

On a mené en 1982 de grandes cérémonies pour commémorer le centième anniversaire de la naissance de Franklin Delano Roosevelt. À l’exception de Washington et de Lincoln, aucun autre président n’a été aussi glorifié et célébré que lui dans toute l’histoire étasunienne. Même Ronald Reagan, le président conservateur, a rallié le chœur des applaudissements. Début 1983, les journaux et les réseaux télévisés se sont souvenus du cinquantième anniversaire de l’investiture de Roosevelt au travers de nombreux hommages élogieux.

Pourtant, chaque année, on découvre de nouveaux éléments qui viennent contredire l’image brillante de Roosevelt dépeinte par les médias de masse et les politiciens.

Beaucoup d’encre a déjà coulé pour décrire la campagne de tromperie et de mensonges éhontés menée par Roosevelt pour faire intervenir les États-Unis dans la Seconde Guerre Mondiale avant l’attaque japonaise contre Pearl Harbor du mois de décembre 1941. L’aide accordée par Roosevelt à la Grande-Bretagne et à l’Union soviétique, en violation de la neutralité étasunienne et du droit international, ses actes de guerre contre l’Allemagne, visant à provoquer une déclaration de guerre allemande contre les États-Unis, son autorisation d’une grande campagne de « sales coups » par des agents de renseignements britanniques contre des citoyens étasuniens en violation de la Constitution, et ses provocations et ses ultimatums contre le Japon qui ont fini par provoquer l’attaque contre Pearl Harbour — tous ces éléments sont largement documentés et plutôt bien connus1

Mais on connaît moins bien l’écrasante responsabilité de Roosevelt dans l’éclatement de la seconde guerre mondiale. Le présent essai se concentre sur la campagne secrète menée par Roosevelt pour provoquer la guerre en Europe, avant l’éclatement des hostilités, au mois de septembre 1939. Il s’agit surtout des pressions qu’il a exercées sur la Grande-Bretagne, la France et la Pologne pour les pousser à la guerre contre l’Allemagne, en 1938 et 1939.

Franklin Roosevelt ne fit pas qu’agir de manière criminelle en impliquant les États-Unis dans une guerre qui avait déjà embrasé l’Europe. Il porte une grave responsabilité face à l’histoire dans l’éclatement de la guerre la plus destructrice de tous les temps.

Le présent essai s’appuie sur des sources peu connues : le recueil de documents polonais secrets qui tomba entre les mains des Allemands lorsque ceux-ci s’emparèrent de Varsovie, au mois de septembre 1939. Ces documents établissent le rôle central de Roosevelt pour faire survenir la Seconde Guerre Mondiale. Ils révèlent également les forces qui, derrière le président, poussèrent à la guerre.

Peu d’historiens ont exploité des phrases ou paragraphes en provenance de ces documents, et leur importance n’a pas été considérée à sa juste valeur. Je pense qu’il existe trois raisons pour cela. Tout d’abord, durant de nombreuses années, leur authenticité est restée sujette à questions. Deuxièmement, on ne dispose pas d’un recueil complet des documents en langue anglaise. Et troisièmement, la traduction de ces documents en langue anglaise qui a été mise à disposition jusqu’à présent est lacunaire et vraiment de mauvaise qualité.

Lorsque les Allemands ont pris Varsovie à la fin du mois de septembre 1939, ils se sont emparés d’une quantité de documents détenus par le ministère polonais des affaires étrangères. Dans une lettre du 8 avril 1983, le Dr. Karl Otto Braun, de Munich, m’a informé que ces documents avaient été saisis par une brigade SS dirigée par Freiherr von Kuensberg, que Braun connaissait personnellement. Au cours d’une attaque surprise, la brigade prit le centre de Varsovie avant l’armée allemande régulière. Von Kuensberg a déclaré à Braun que ses hommes avaient pris le contrôle du ministère polonais des affaires étrangères au moment même où les dirigeants du ministère s’employaient à brûler des documents compromettants. Le Dr. Braun a été l’un des dirigeants du bureau allemand des affaires étrangères entre 1938 et 1945.

Le bureau allemand des affaires étrangères désigna Hans Adolf von Moltke, qui avait précédemment été ambassadeur du Reich à Varsovie, pour diriger une commission spéciale aux archives afin d’examiner le recueil et d’en tirer les documents qui seraient intéressants à publier. À la fin du mois de mars 1940, 16 documents furent publiés sous forme d’un livre, sous le titre Polnische Dokumente zur Vorgeschichte des Krieges [« Documents polonais sur l’histoire de l’avant-guerre. »] L’édition publiée par le bureau des affaires étrangères portait pour sous-titre « Livre blanc allemand N° 3. » Le livre fut publié sur le champ dans diverses langues étrangères à Berlin et dans d’autres capitales européennes. Une édition étasunienne fut publiée à New York par Howell, Soskin and Company sous le titre The German White Paper. L’historien C. Hartley Grattan produisit un avant-propos remarquablement prudent et réservé2

La traduction des documents produits dans le White Paper aux États-Unis était très mauvaise. Des morceaux de phrases et des phrases entières manquaient, et des parties du texte faisaient l’objet de grossières erreurs de traductions. H. Keith Thompson m’a expliqué la raison de ces problèmes au cours d’une conversation en date du 22 mars 1983 et dans une lettre en date du 13 mai 1983. Un premier brouillon de traduction en langue anglaise, de mauvaise qualité, avait été préparé à Berlin et envoyé aux États-Unis. Il avait été remis à George Sylvester Viereck, publiciste étasunien pro-allemand de premier plan, et conseiller littéraire de la German Library of Information de la ville de New York. Thompson connaissait très bien Viereck, et avait été son principal assistant et co-auteur. Viereck avait hâtivement repris la traduction venant de Berlin dans une prose plus lisible, mais sans avoir l’occasion de la comparer au texte originel en polonais (langue qu’il ne parlait pas, de toutes façons) ni même la version en langue allemande du livre. Les changements de style qu’il pratiqua pour améliorer la lisibilité du texte déformèrent malheureusement ainsi le sens des documents originels.

On a également discuté de ce sujet au cours d’un dîner intime tenu pour Lawrence Dennis, invité par Thompson dans l’appartement de Viereck à l’hôtel Belleclaire, à New York, en 1956. Viereck a expliqué avoir été consultant littéraire très bien payé par le gouvernement allemand, responsable de l’effet de propagande de ces publications, et qu’il n’avait pas pu s’occuper du travail de traduction normalement attribué à des employés. Même la traduction la plus soignée de documents compliqués peut en déformer le sens originel, et l’application de corrections littéraires garantit que ces déformations vont exister, affirma Viereck. Thompson confirma ce point.

Au cours de la préparation du texte en langue anglaise pour le présent essai, j’ai examiné avec soin la traduction officielle en langue allemande, ainsi que plusieurs autres traductions, et je les ai comparés avec les fac-similés des documents polonais originaux.

Sensations médiatiques

Le gouvernement allemand considérait les documents polonais capturés comme présentant une importance colossale. Le vendredi 29 mars, le ministère de la propagande du Reich informa à titre confidentiel la presse quotidienne des raisons pour lesquelles les documents étaient publiés :

Ces documents extraordinaires, qui peuvent être publiés à partir de la première édition de samedi, va créer une sensation politique de premier ordre, car ils prouvent de fait le niveau de responsabilité des États-Unis pour l’éclatement de la guerre actuelle. La responsabilité des États-Unis ne doit bien sûr pas être exposée par des commentaires ; ce sont les documents qui doivent parler d’eux-mêmes, et ils le font très clairement.

Le ministère de la propagande demande spécifiquement qu’un espace suffisant soit réservé à la publication de ces documents, qui sont d’une importance suprême pour le Reich et pour le peuple allemand.

Nous vous informons en confiance que l’objectif, en publiant ces documents, est de renforcer les isolationnistes étasuniens, et de mettre Roosevelt dans une position intenable, surtout au vu du fait qu’il se présente de nouveau aux élections en ce moment. Il n’est cependant pas du tout nécessaire que nous désignions la responsabilité qui est celle de Roosevelt, car ses ennemis aux États-Unis vont s’en occuper3

Le bureau allemand des affaires étrangères a rendu publics les documents le vendredi 29 mars 1940. À Berlin, des journalistes du monde entier, y compris étasuniens, ont reçu des copies des documents polonais originaux et des traductions en langue allemande. Les journalistes avaient le droit d’examiner les documents originaux par eux-mêmes, ainsi qu’une pile énorme de documents en provenance du ministère polonais des affaires étrangères.

La publication des documents produisit une sensation médiatique internationale. Les journaux étasuniens accordèrent à l’événement une grande couverture en première page, et publièrent de longs extraits des documents. Mais l’impact fut bien moindre que celui qui avait été espéré par le gouvernement allemand.

Les dirigeants de premier plan du gouvernement étasunien ne perdirent pas de temps avant de dénoncer avec véhémence les documents comme inauthentiques. Cordell Hull, le secrétaire d’État, affirma : « Je peux dire catégoriquement que ni moi, ni les personnes à moi associées au département d’État, n’avons jamais entendu parler de conversations telles que celles qui sont alléguées, et que nous ne leur accordons pas le moindre crédit. Les déclarations alléguées n’ont à aucun moment représenté la pensée ou la politique du gouvernement étasunien. » William Bullitt, l’ambassadeur des États-Unis à Paris, qui était particulièrement compromis par les documents, annonça : « Je n’ai jamais déclaré à quiconque les affirmations qui me sont attribuées. » Et le comte Jerzy Potocki, l’ambassadeur de Pologne à Washington, dont les rapports envoyés confidentiellement à Varsovie étaient des plus éloquents, déclara : « Je réfute les allégations attribuées à mes rapports. Je n’ai jamais tenu avec l’ambassadeur Bullitt la moindre conversation au sujet de la participation à la guerre des États-Unis. »4

Ces réfutations publiques catégoriques, produites par les plus hauts dirigeants, eurent pour effet de briser presque totalement l’impact anticipé des documents. Il faut se souvenir que cela se produisit plusieurs décennies avant la guerre du Vietnam et l’affaire du Watergate, qui enseignèrent à une nouvelle génération d’Étasuniens à se montrer très sceptiques vis-à-vis de réfutations officielles de cette nature. En 1940, la vaste majorité du peuple étasunien avait confiance en l’idée que ses dirigeants politiques lui disaient la vérité.

Après tout, si les documents rendus publics aux yeux du monde par le gouvernement allemand étaient bel et bien authentiques et sourcés, cela impliquait que le grand dirigeant de la démocratie étasunienne était un homme qui mentait à son propre peuple et violait les lois de son propre pays, alors que le gouvernement allemand disait la vérité. Accepter cela était beaucoup demander à n’importe quelle nation, mais surtout au public étasunien qui restait confiant envers ses dirigeants.

Les commentaires qui provenaient de Capitol Hill, dans l’ensemble, faisaient écho à ceux émis officiellement par le gouvernement. Le sénateur Key Pittman, le président démocrate du Comité aux Relations étrangères, désigna les documents comme « absolument faussement conçus pour créer une dissension aux États-Unis. » Le sénateur de Floride, Claude Peper, un démocrate, déclara : « Il s’agit de propagande allemande, et cela ne devrait pas le moins du monde affecter nos politiques. » Seuls quelques personnes ne se laissèrent pas impressionner par les réfutations des dirigeants. Le représentant de New York, Hamilton Fish, membre républicain de haut rang du Comité aux affaires étrangères de la Chambre, appela à une enquête du Congrès et déclara au cours d’une allocution radiophonique : « Si ces accusations étaient vraies, elles constitueraient une action de trahison. Si le président Roosevelt s’est impliqué dans des ententes secrètes ou dans des engagements secrets avec des gouvernements étrangers pour nous impliquer dans la guerre, il mérite d’être destitué. »5

Les journaux étasuniens soulignèrent les réfutations émises par les dirigeants en publiant les documents. Le gros titre du New York Times afficha : LES ÉTATS-UNIS DÉSIGNENT COMME FAUX LES DOCUMENTS NAZIS QUI NOUS ACCUSENT D’AVOIR FOMENTÉ LA GUERRE EN EUROPE ET PROMIS DE RALLIER NOS ALLIÉS EN CAS DE BESOIN. Le Baltimore Sun titra : LES DOCUMENTS NAZIS ACCUSANT LES ÉTATS-UNIS SONT ASSAILLIS PAR WASHINGTON6

Quoique le livre recueillant les documents polonais fût labellisé « première série », aucun suite ne suivit. De temps à autre, le gouvernement allemand publia des documents supplémentaires en provenance des archives polonaises. Ces documents furent publiés sous forme d’un livre en 1943, avec de nombreux autres documents capturés par les Allemands auprès du ministère français des affaires étrangères et d’autres archives européennes, sous le titre Roosevelts Weg in den Krieg: Geheimdokumente zur Kriegspolitik des Praesidenten der Vereinigten Staaten [« La manière d’agir de Roosevelt pour entrer en guerre : documents secrets sur la politique de guerre menée par le président des États-Unis »]7.

Une question importante restée sans réponse est : Où se trouvent de nos jours les documents polonais originaux ? À moins qu’ils n’aient été détruits lors de la conflagration de la guerre ils sont sans doute tombés entre les mains étasuniennes ou soviétiques en 1945. Au vu de la politique récente menée par le gouvernement des États-Unis sur les éléments d’archives nationales, il est très peu probable qu’ils seraient encore secrets de nos jours si les États-Unis avaient mis la main dessus. Mon idée à ce sujet est qu’à moins qu’ils n’aient été détruits, ces documents se trouvent désormais ou bien à Moscou, ou bien aux Archives centrales de l’État est-allemand, à Potsdam.

Il est particulièrement important de conserver à l’esprit que ces rapports secrets ont été écrits par de hauts ambassadeurs polonais, c’est-à-dire par des hommes qui ne voyaient pas du tout amicalement l’Allemagne, mais qui néanmoins comprenaient bien mieux les réalités de la politique européenne que ceux qui décidaient des politiques aux États-Unis.

Par exemple, les ambassadeurs polonais comprenaient que derrière toute leur rhétorique sur la démocratie et les droits de l’homme, et les expressions d’amour envers les États-Unis, des Juifs qui produisaient de l’agitation pour la guerre contre l’Allemagne ne faisaient rien d’autre que poursuivre abruptement la poursuite de leurs propres intérêts sectaires. De nombreux siècles de cohabitation avec les Juifs avaient éveillé la conscience des Polonais bien davantage que bien d’autres nationalités du monde vis-à-vis de ce peuple.

Les Polonais considéraient le règlement de Munich de 1938 d’une manière très différente de Roosevelt et de son cercle. Le président attaqua âprement les accords du Munich, qui accordaient l’auto-détermination aux trois millions et demi d’Allemands de Tchécoslovaquie et réglaient une crise européenne majeure, et les dénonça comme une capitulation honteuse et humiliante au chantage allemand. Quoique circonspect vis-à-vis de la puissance allemande, le gouvernement polonais soutenait les accords de Munich, pour partie parce qu’une petite portion de territoire polonais, qui avait été rattachée à la Tchécoslovaquie contre la volonté de ses habitants, s’en trouvait réunifiée à la Pologne selon les termes de ces accords.

Les envoyés polonais ressentaient un sentiment proche du mépris pour les décideurs de la politique étrangère étasunienne. Le président Roosevelt était considéré comme un maître artiste politique, qui savait modeler l’opinion publique étasunienne, mais ne disposait que de fort peu de connaissances au sujet de la véritable nature des choses en Europe. Comme le soulignait l’ambassadeur de Pologne à Washington dans ses rapports envoyés à Varsovie, Roosevelt poussait les États-Unis dans la guerre pour détourner l’attention du public de ses échecs en matière de politique intérieure.

Décrire les complexités des relations germano-polonaises entre 1933 et 1939, ou les raisons de l’attaque lancée par l’Allemagne contre la Pologne à l’aube du 1er septembre 1939, dépasserait la portée du présent essai. Cependant, il faut noter que la Pologne avait été jusqu’à refuser de négocier au sujet de l’auto-détermination de la ville allemande de Dantzig et de la minorité ethnique allemande qui vivait dans ledit Couloir polonais. Hitler se sentit obligé de recourir aux armes lorsqu’il lança cette attaque, en réponse à une campagne polonaise de terreur et de dépossession contre le million et demi d’Allemands ethniques qui vivaient sous administration polonaise. À mon avis, si une action militaire fut jamais justifiée, ce fut bien la campagne allemande contre la Pologne en 1939.

Le refus obstiné de la Pologne à négocier fut rendu possible parce qu’un funeste chèque en blanc garantissait le soutien militaire de la part de la Grande-Bretagne — une promesse qui finit par s’avérer totalement vaine pour les infortunés Polonais. Au vu de la rapidité éclatante et de la victoire de la campagne allemande, il est difficile de comprendre de nos jours que le gouvernement polonais ne craignait pas la guerre contre l’Allemagne. Les dirigeants polonais crurent bêtement que la puissance allemande était une illusion. Ils étaient convaincus que leurs soldats allaient occuper Berlin en quelques semaines, et que la Pologne étendrait son territoire par des prises allemandes. Il faut également conserver à l’esprit l’idée que le conflit strictement localisé entre l’Allemagne et la Pologne ne fut transformé en conflagration à l’échelle de l’Europe que par les déclarations de guerre britannique et française contre l’Allemagne.

Après la guerre, les juges nommés par les Alliés, siégeant au tribunal international militaire de Nuremberg, refusèrent de reconnaître les documents polonais comme preuves, comme demandé par la défense allemande. Si ces documents avaient été estimés recevables, l’initiative de Nuremberg aurait moins ressemblé à un procès spectacle pour les vainqueurs, et aurait pu constituer une cour de justice internationale plus impartiale.

À suivre

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