par Angelo Inglese
À l'occasion de la célébration de Daria, j'ai réalisé, avec quelques amis, une courte vidéo basée sur ma cantate Dasha, composée en deux versions, entre 2023 et 2024.
En tant que compositeur, j'ai toujours considéré la musique comme le meilleur moyen non seulement de divertir et d'amuser, mais aussi d'élever l'âme et de transmettre des messages d'une profonde valeur humaine et philosophique. Quelle meilleure forme qu'une « cantate multipolaire » pour honorer la mémoire d'un penseur organique aussi original, arraché à la vie dans la fleur de l'âge ?
Logos, Tradition et Sophia se fondent dans une étreinte cosmique, unis à jamais dans l'exaltation d'une mémoire immortelle et d'un message existentiel éternel. J'ai voulu traduire tout cela en musique et vous en trouverez un extrait dans la vidéo.
Je laisse aux auditeurs le soin de juger si j'ai réussi ou non à atteindre mon objectif.
Dans le générique figure une critique de la cantate sous la plume d'Ennio Caironi, que je cite ci-dessous en guise de remerciement :
La Cantate Dasha, dédiée à la mémoire de Daria Douguina et composée par le Maestro Angelo Inglese entre 2023 et 2024, est un chef-d'œuvre de beauté musicale et de profondeur philosophique. Il s'agit d'une composition vibrante, d'une valeur incontestable non seulement sur le plan musical, mais aussi, pourrions-nous dire, sur le plan existentiel. Nous ne voulons pas ici résumer ou répéter ce que M. Inglese lui-même a déjà amplement argumenté dans son interview-préface à la partition (à laquelle nous renvoyons pour une lecture méditée), mais plutôt souligner certains éléments strictement musicologiques qui fournissent à l'auditeur des points de référence supplémentaires et des stimuli pour une réflexion personnelle.
En utilisant habilement quelques réflexions philosophiques, tirées de « Ma vision du monde » de Daria Douguina, qui s'intercalent entre les neuf stations qui composent la cantate, M. Inglese réussit à recréer un véritable Gesamtkunstwerk. Partant d'une forme parfaite - un prologue qui se reflète de façon cyclique (et pas seulement sous la forme d'une rétrospective) dans un épilogue qui contient sept autres pièces musicales - l'œuvre réussit à satisfaire les goûts d'un public cultivé, sans renoncer à une agréable mélodicité et à une fraîcheur parfumée qui sont tout à fait italiennes. De ce point de vue, un éloge particulier doit être réservé à l'utilisation habile d'un contrepoint raffiné, même en présence d'un ensemble instrumental réduit ; un contrepoint toujours engagé de manière transparente, avec discrétion et bon goût, sans jamais paraître lourd et surcharger inutilement le développement du discours musical. Il faut également saluer la spontanéité du chant, qui n'est jamais entravée, mais plutôt favorisée, par l'utilisation de rythmes irréguliers. M. Inglese compose une station entière en 5/4 sans jamais recourir à des ruptures rythmiques ou à des artifices mécaniques pour justifier son choix inhabituel, pour le plus grand bénéfice de l'auditeur profane : tout coule spontanément, pour couronner le texte chanté. Nous pourrions considérer cette preuve irréfutable comme la confirmation d'une des convictions les plus inébranlables du génial Gustav Holst.
Les citations savantes, explicites ou non (y compris les méandres du Chant de Znamenny de l'ermitage d'Otpina et quelques réminiscences en hommage à Tchaïkovski), se fondent dans le tissu harmonique et mélodique de l'œuvre, qui - d'un point de vue strictement musical - cesse, au fil des écoutes, d'être un hommage sacré, pour se révéler dans toute sa maîtrise comme un morceau de musique pure et absolue. C'est ce que l'auteur perçoit dans la légèreté et le naturel des mouvements des lignes mélodiques, l'apparition de passages pentatoniques, le choix de privilégier les gammes diatoniques, l'usage limité de chromatismes et de dissonances inutiles, et l'utilisation fréquente d'un piano résonnant, fortement pédalé et richement harmonique. Si le matériau sur lequel travaille M. Inglese est indubitablement de pure matrice russe, les inflexions de nombreuses volutes harmoniques rappellent les meilleures œuvres de Claude Debussy et de Charles Koechlin, preuve supplémentaire des études transalpines entreprises par M. Inglese. De ce point de vue, l'utilisation de la musique modale (et en particulier du mode central D eoil), qui plonge ses racines dans la profonde tradition musicale eurasienne, est l'un des traits d'union les plus solides qui donnent à cette partition un souffle non seulement européen mais aussi international.
Le caractère des textes et les objectifs propres de l'œuvre ont conduit le compositeur à privilégier des tempos soutenus, avec une évolution agogique délibérément retenue, contrebalancée par une remarquable variété dynamique, à tel point que même le prodigue Albéniz aurait été gêné par l'utilisation d'un « pppppp » à la fin de la 8e station intitulée « Le visage de l'éternité ». Le choix de l'agogique témoigne une fois de plus du caractère mystique et sacré de cette œuvre ; voici quelques indications de tempo utilisées : ascétique, berceuse, moderato con mistero, lento sognate-rubato, andante calmo et indugiante.
Le choix audacieux (à valeur symbolique avant tout) de l'ensemble instrumental pour accompagner les vocalises et les textes des deux chanteurs, pose d'abord un défi à l'auditeur rusé, conscient de la difficulté intrinsèque de marier efficacement des timbres aussi hétérogènes que la flûte, la clarinette et le violoncelle avec le piano. M. Inglese gagne également ce bras de fer, grâce à sa profonde et incontestable connaissance des limites et des vertus de ses instruments, qu'il utilise avec naturel et sans exiger d'eux - sauf en de rares passages - des combinaisons rythmico-mélodiques inhabituelles ou un excès de virtuosité superflue. A l'inverse, on pourrait dire que dans cette Cantate tout est essentiel, limé et ramené à la mesure de l'homme. Intimiste serait un adjectif impropre et limité, pour l'effet de transport général que l'œuvre dans son ensemble réussit à susciter chez l'auditeur. Nous avons dit de la qualité humaine de la composition, une caractéristique qui se reflète de façon kaléidoscopique dans toutes ses composantes - selon la réalisation concrète d'une vision artistique multipolaire - pour trouver une pleine résonance dans la pensée philosophique de Dasha évoqué. Les deux composantes, textuelle et musicale, vibrent en sympathie concordante, à tel point qu'aucune dépendance de la musique par rapport au texte n'est impliquée. Toutes deux, avec la même vigueur et la même fierté, amènent l'auditeur au seuil liminal de sa propre conscience supérieure et, en lui montrant l'abîme de l'abjection, exigent un choix clair et net entre l'humanité et le néant. Un choix que Daria, bien que très jeune, avait fait en pleine conscience et dont la présente cantate est une nouvelle preuve à un niveau encore plus élevé, en raison de sa capacité à surmonter toutes les barrières linguistiques, culturelles et spatio-temporelles par le biais de l'art.
Pour conclure, nous voudrions souligner un autre élément formel lié à la structure du discours musical. On peut en déduire que ce qui donne à la cantate un sentiment d'unité et de complétude sur le plan musical réside dans le choix harmonique minutieux effectué entre les neuf stations et l'utilisation répétée, en plus de la chanson de Znamenny mentionnée plus haut, d'un thème original pour Daria, basé sur les lettres de son nom. Cela s'inscrit parfaitement dans la tradition séculaire de l'hommage musical que de nombreux chefs-d'œuvre ont connu par le passé. Nous espérons que le miracle se reproduira pour cette extraordinaire composition et qu'elle continuera non seulement à faire parler d'elle, mais qu'elle trouvera également sa place aux côtés d'autres chefs-d'œuvre musicaux immortels.
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