mardi 7 mai 2024

Lettre d’un résistant fusillé : Le Parisien caviarde les références catholiques et à la « France éternelle »

 

Henri Fertet est né le 27 octobre 1926 à Seloncourt, dans le Doubs, et est baptisé à Verdun le 15 mai 1927 à l’église Saint-Victor. Mort fusillé le dimanche 26 septembre 1943 à Besançon, il fut un résistant français.
Membre du Groupe Guy Mocquet, il est arrêté par les Allemands le 2 juillet à 3 heures 30 et fusillé le dimanche 26 septembre 1943 à 7 heures 36 à la Citadelle de Besançon, à l’âge de 16 ans, avec 15 de ses camarades.
Il fut compagnon de la Libération à titre posthume (décret du 7 juillet 1945) mais aussi Chevalier de la Légion d’honneur. Il reçut également la croix de guerre 1939-1945, la Médaille de la Résistance, la Croix du Combattant Volontaire 1939-1945 ainsi que la Médaille des Déportés et Internés Résistants. Cette lettre est un témoignage bouleversant
 


La Lettre publiée dans Le Parisien

« Chers parents, ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez bien encore le garder, par amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, [ce] que j’ai souffert de ne plus vous voir [.
..] pendant ces quatre-vingt-sept jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis et, souvent, je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait […] Avant, je vous aimais par routine plutôt mais, maintenant, je comprends tout ce que vous avez fait pour moi. Je crois être arrivé au vrai amour filial […] Je meurs pour ma patrie, je veux une France libre et des Français heureux, non pas une France orgueilleuse et première Nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. […] Pour moi, ne vous faites pas de soucis, je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout et je chanterai “Sambre et Meuse” parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’a appris […] Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée, mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort, j’ai la conscience tellement tranquille.
Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable ? Je meurs volontairement pour ma patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les 4 au ciel. Qu’est-ce que cent ans ? […] Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir. Mille baisers.
Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans. »
Le Parisien


La Lettre dans son intégralité

Besançon, prison de la Butte (Doubs)
26 septembre 1943
Chers parents,
Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vu si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez bien encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.
Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, [ce] que j’ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir sur moi votre tendre sollicitude que de loin, pendant ces quatre-vingt-sept jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis et, souvent, je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez douter de ce que je vous aime aujourd’hui, car avant, je vous aimais par routine plutôt mais, maintenant, je comprends tout ce que vous avez fait pour moi. Je crois être arrivé à l’amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être, après la guerre, un camarade parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué ; j’espère qu’il ne faillira point à cette mission désormais sacrée.
Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement mes plus proches parents et amis, dites-leur toute ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands-parents, mes oncles, mes tantes et cousins, Henriette. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant mes camarades du lycée. À ce propos, Hennemay me doit un paquet de cigarettes, Jacquin, mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez le “Comte de Monte-Cristo” à Emeurgeon, 3, chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice Andrey de La Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.
Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon cher Papa, mes collections à ma chère maman, mais qu’elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d’épée gaulois.
Je meurs pour ma patrie, je veux une France libre et des Français heureux, non pas une France orgueilleuse et première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête.
Que les Français soient heureux, voilà l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.
Pour moi, ne vous faites pas de soucis, je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout et je chanterai “Sambre et Meuse” parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’a appris.
Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N’admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur les “trois petits nègres”, il en reste un. Il doit réussir.
Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée, mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort, j’ai la conscience tellement tranquille.
Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. Qu’est-ce que cent ans ?
Maman rappelle-toi :
“Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs Qui, après leur mort, auront des successeurs.”
Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir.
Mille baisers. Vive la France.
Un condamné à mort de 16 ans.
H. Fertet.
Excusez les fautes d’orthographe, pas le temps de relire.
Expéditeur : Monsieur Henri Fertet, Au ciel, près de Dieu.
(Merci à Maximus)

https://www.fdesouche.com/2015/05/09/le-parisien-publie-la-lettre-dun-jeune-resistant-fusille-les-references-au-cure-leveque-et-la-france-eternelle-sont-caviardees/

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