par Aline de Diéguez
Les coulisses de la Déclation Rothschild-Balfour (1)
“Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre”. Baruch Spinoza
Où l’on découvre que le terrain est miné et que chaque mot d’un texte apparemment anodin cache un piège.
Dans la véritable guerre de cent ans menée par les immigrants sionistes contre la population palestinienne autochtone, les Palestiniens seraient bien inspirés de méditer les principes que le stratège chinois Sun Tzu a énoncés dans son Art de la guerre: “Je dis que si tu connais ton ennemi et si tu te connais, tu n’auras pas à craindre le résultat de cent batailles. Si tu te connais toi-même sans connaître ton ennemi tes chances de victoires et de défaites seront égales. Si tu ne connais ni ton ennemi ni toi-même tu perdras toutes les batailles.“
Car cette guerre n’est pas née en 1947, ni même à la fin du XIXe siècle. Ses armes psychiques ont été forgées durant les siècles mythologiques de la préhistoire religieuse de populations qui occupaient un petit territoire ingrat, coincé entre deux immenses régions fertiles – la Mésopotamie et la vallée du Nil.
N’ayant pratiquement rien sur la terre qui pût combler leur instinct de puissance, les hommes de cette tribu se sont approprié le ciel.
Ce coup d’Etat cosmique fondateur est la bombe nucléaire mentale qui a donné aux membres de cette tribu la force de demeurer groupés au fil des siècles tout en attirant une limaille d’individus et de peuples qui caressaient l’idée qu’ils étaient, eux aussi, différents des autres hommes. Mais il est également le talon d’Achille d’un groupe trop peu nombreux pour espérer imposer son imaginaire au reste du monde.
En effet, à l’heure où les dieux locaux sont devenus des sortes de mégalithiques qu’on peut situer sur l’échelle de l’archéologie mentale de l’humanité, un dieu archaïque et tribal qui ressortit à l’anthropologie religieuse, se révèle un lourd fardeau. Des dieux sont morts, d’autres sont nés.
Qu’est-ce qu’un dieu sans fidèles et sans manifestations concrètes de leur adoration? Lorsque plus personne n’a adoré Mardouk, Mardouk est mort. L’adoration des fidèles est l’oxygène des dieux. Lorsque le dieu chrétien a capturé les fidèles de Jupiter, Jupiter est mort, Isis, Osiris, Amon Râ n’ont plus de fidèles, Mardouk n’a plus d’adorateurs, Odin, Wotan, Frija, gisent au fond des mers glacées du septentrion, Camos, Melqarth, Hadad, Baal, tous ces collègues et contemporains de Jahvé, qui régnaient en maîtres sur les cités voisines de la Judée, ont même totalement disparu de la mémoire des hommes. Les Cananéens n’ont pas eu l’imagination assez fertile pour se faire attribuer leur territoire par Camos.
Aujourd’hui, un gigantesque dieu aussi universel que vaporeux – la Démocratie – a surgi des entrailles de la jeune Amérique. Il a déjà conquis la terre et impose son règne et ses valeurs à la planète entière.
Or, c’est derrière le panache blanc de Jahvé, leur antique dieu local, que les sionistes sont partis, sabre au clair, à la conquête de la Palestine. C’est au nom des principes universels du dieu Démocratie que les Palestiniens tentent de résister à l’assaut.
La Palestine est aujourd’hui le théâtre d’une guerre des dieux : le vieux dieu local prétend retrouver ses privilèges anciens, persuadé qu’il est qu’en son fief montagneux, il est d’autant plus inexpugnable qu’il bénéficie désormais de puissants appuis dans le monde entier.
Dans ce combat de Titans, le texte connu sous le nom de Déclaration Balfour constitue une étape décisive. L’analyse de ce document permet de découvrir les ruses politiques subtiles qui ont permis à un sionisme religieux diffus de mettre solidement le pied sur le premier barreau de l’échelle qui a conduit à l’émergence de l’Etat sioniste actuel. Il est le premier échelon d’une échelle de Jacob qui permet de remonter aux plus lointains sédiments de prétentions a-historiques qui déchirent le Moyen Orient.
Le texte de la Déclaration
C’est par une lettre privée datée du 2 novembre 1917 et adressée à son domicile – “addressed to his London home at 148 Piccadilly” – que le fervent sioniste chrétien, Lord Arthur Balfour a annoncé à Lord Lionel Walter Rothschild, député conservateur et banquier, dirigeant de la communauté juive de Grande Bretagne, la décision de la couronne anglaise d’offrir un “foyer national” au sionisme. Mais le véritable destinataire de la lettre était Chaïm Weizmann, son ami intime, responsable de la branche anglaise de l’Organisation sioniste mondiale et futur premier Président d’Israël.
Le 2 novembre 2017
Cher Lord Rothschild,
Au nom du gouvernement de Sa Majesté, j’ai le plaisir de vous adresser ci-dessous la déclaration de sympathie à l’adresse des aspirations juives et sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et fera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera accompli qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour
Pour tenter de comprendre comment on en est arrivé là, je me suis mise à l’école de l’un des hommes les plus influents du début du XXe siècle tout en étant complètement ignoré non seulement du grand public – ce qui n’est pas étonnant – mais également de la classe politique et des commentateurs prétendument qualifiés de la politique, ce qui l’est davantage. “La chose la plus difficile au monde est de suivre à la trace n’importe quelle idée jusqu’à sa source” écrivait Edward Mandell HOUSE.
Aucun jugement n’est plus profondément juste. Le personnage de l’ombre connu sous le nom de Colonel House, bien qu’il n’ait jamais participé à la moindre guerre, avait parfaitement conscience d’avoir été le manipulateur en chef des décisions attribuées ultérieurement au Président Woodrow Wilson. A ce titre, il avait d’excellentes raisons de recommander aux commentateurs politiques de toujours tenter de remonter à la source d’une idée ou d’une décision, tout en précisant que rien n’était plus difficile, car l’initiateur réel d’une décision est rarement celui auquel on en impute la paternité sur le devant de la scène. (Voir : Aux sources de l’escroquerie de la Réserve Fédérale – Le machiavélisme des hécatonchires de la finance internationale)
Cette éminence grise et homme de main des puissances financières qui ont permis la réalisation du plus grand hold-up financier depuis que le monde est monde – la création maffieuse de la FED la veille de Noël 1913 – était bien placé pour savoir combien il est facile de “prêcher le faux” et de l’imposer, comme le rappelle d’une manière prémonitoire le grand romancier allemand Goethe: “La vérité doit être martelée avec constance, parce que le faux continue d’être prêché, non seulement par quelques-uns, mais par une foule de gens. Dans la presse et dans les dictionnaires, dans les écoles et dans les Universités, partout le faux est au pouvoir, parfaitement à l’aise et heureux de savoir qu’il a la majorité pour lui.”
Goethe ne pouvait pas savoir à quel point son analyse collerait à la réalité du fonctionnement politique actuel des gouvernements qui se déclarent des démocraties occidentales, à l’heure où la guerre pour le contrôle d’une réalité qui ne parvient à s’infiltrer que difficilement dans les fissures d’une propagande étatique martelée à longueur de journée par des medias complaisants et largement financés par ces mêmes Etats – l’un expliquant l’autre. On ne combat plus un ennemi, on diabolise un monstre auquel on impute de fausses atrocités répétées ad nauseam par une presse servile et paresseuse, atrocités dont ces mêmes Etats sont d’ailleurs pratiquement toujours les bailleurs de fonds et les metteurs en scène.
La récente comédie politique appelée “affaire Skripal“, inventée, mise en scène et orchestrée par le gouvernement anglais en est un exemple caricatural. Plus fort encore, les Ukrainiens viennent de ressusciter un “opposant” – préalablement barbouillé de sang de porc – et “assassiné” par un gouvernement russe “criminel”. L’indignation de la presse occidentale devant cette farce macabre a été modeste. Et que dire des grossiers mensonges à l’origine de toutes les guerres conduites par une prétendue “communauté internationale” donneuse de leçons à la planète entière, mais réduite à l’empire américain et à ses vassaux de l’OTAN? Leurs vertueux missiles tuent des centaines de milliers d’innocents et détruisent des nations de fond en comble au nom des “droits de l’homme” ou du fameux “droit d’ingérence” à géométrie variable. “Si vous n’êtes pas vigilants, les médias arriveront à vous faire détester les gens opprimés et à aimer ceux qui les oppriment” écrivait si justement Malcolm X, assassiné le 21 février 1965 à Washington.
Analyse de la Déclaration
La prétendue lettre privée qui entrera dans l’histoire sous le nom de “Déclaration Balfour” semble, après une lecture rapide, bien vague, anodine et équilibrée. Or, en réalité, chaque mot en a été soigneusement pesé pendant des mois. Ainsi l’emploi du mot “foyer” pour le “peuple juif” – et non pas officiellement Etat – était destiné à ne pas heurter de front les Arabes du Moyen Orient. S’y ajoute une recommandation apparemment pleine d’empathie pour “les collectivités non juives” – ce qui concerne tout de même sept cent mille Palestiniens chrétiens et musulmans qui vivent sur cette terre depuis la nuit des temps, mais qui n’ont pas eu droit au titre de “peuple“, réservé à la seule collectivité juive. Comme le notait Arthur Koestler, “en Palestine, une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième. ”
On remarquera qu’aux yeux des rédacteurs de ce document attribué au Ministre des affaires étrangères anglais de l’époque, le peuple autochtone est vu comme un ramassis de “collectivités“. Les membres de ces prétendues “collectivités” sont désignés d’une manière négative par référence à un “peuple” juif censé, lui, homogène et d’ores et déjà constitué en nation, mais pourtant absent des lieux à cette date.
C’est parce qu’elles sont “non juives” qu’elles sont dévalorisées par une formulation négative par rapport à la positivité du référent juif. D’un côté nous avons un “peuple” encore virtuel, mais dont le statut prépondérant est d’avance valorisé, de l’autre grouillent les fameuses “collectivités” anonymes , éparses , considérées comme des occupants conjoncturels et occasionnels et qui se trouvent d’ores et déjà reléguées dans un statut subordonné à l’élément dominant. Même s’il est prévu que “rien ne sera accompli qui puisse porter atteinte” à leurs (ceux des autochtones) droits civils et religieux” , il est établi d’avance que le “peuple” constitué de la masse des colons juifs et les “collectivités” indigènes ne jouiront pas du même statut politique et social.
Un apartheid est donc clairement dessiné en filigrane dans la Déclaration Balfour-Rothschild.
Dans une note de service datant de 1919, Balfour aurait affirmé que “le sionisme s’enracine dans des traditions et des espoirs futurs bien plus importants que les désirs et les préjugés de sept cent mille Arabes qui habitent à présent sur cette terre historique”. Les juifs ont des traditions, les arabes des préjugés; les premiers ont des espoirs, les seconds des désirs
Selon la Déclaration , les “Arabes” occupent “à présent” – la “terre historique” du peuple juif. Ce sont donc des squatters sans droits et sans racines, légitimement expulsables et destinés à être renvoyés dans le pays dont ils seraient prétendument originaires. Pendant ce temps, il est reconnu d’avance que les immigrants sionistes potentiels s’installeront sur leur “terre historique“.
On voit que l’idéologie messianico-coloniale dont la déclaration Balfour-Rothschild est imprégnée, porte en son sein le venin d’une xénophobie telle qu’elle conduit depuis lors l’Etat sioniste à un nettoyage ethnique de la population autochtone. Son messianisme l’entraîne à devenir le dernier Etat colonisateur et prédateur de la planète. En effet, alors que le monde entier feint d’être aveugle et sourd, tous les dirigeants de cet Etat portent fièrement l’étendard du racisme et de la volonté de vider la Palestine des “non-juifs“.
Qui sont les sionistes
L’intériorisation de l’histoire mythique – c’est-à-dire l’impossibilité de séparer le rêve de la réalité – est, en effet, un des symptômes les plus caractéristiques de cette communauté. L’imaginaire devient si bien consubstantiel au réel qu’il finit par créer un état que les psychiatres connaissent sous le nom de “fabrication de faux souvenirs“. Il s’agit du premier stade du mécanisme d’autopersuasion du bien-fondé de son action, qui permet de créer une réalité imaginaire et de développer un sentiment de victimisation lorsque le sujet, ou l’ensemble du groupe constatent que le reste du monde n’adhère pas au rêve collectif et aux moyens utilisés afin que la fiction devienne la réalité.
Quand la fiction s’installe officiellement dans les têtes en lieu et place de la réalité historique , le rêve né d’une fiction devenue religion conduit à “l‘autopkénakersuasion quant au droit de propriété sur la terre” ( p. 217) dont parle Shlomo Sand dans son célèbre ouvrage: Comment le peuple juif fut inventé.
Par un subtil renversement des situations, les peuples autochtones qui, durant des siècles et de génération en génération de patient labeur avaient fait d’une terre aride un verger et y vivaient harmonieusement, sont renvoyés à un “ailleurs” et à un passé inventés de toutes pièces, pendant que ceux qui ne sont pas encore sur place jouissent d’avance du privilège de “l’enracinement” sur une terre qu’ils n’ont jamais occupée physiquement. Toutes les grandes vagues migratoires se sont toujours déroulées d’est en ouest. La mythologie judaïque ne s’y est pas trompée, puisque les communautés de nos régions se proclament les descendantes légitimes d’ancêtres “chassés” de la province de Judée par les armées victorieuses de Vespasien et de Titus lors de la deuxième Guerre des Juifs en l’an 70.
Les descendants des juifs des premières émigrations dans les pays du bassin de la Méditerranée sont connus sous le nom de Sépharades, par opposition aux colons issus d’Europe de l’Est et des marches de l’Asie qui se dénomment eux-mêmes Azkhénazes. Or, aucun des premiers ministres qui ont dirigé l’Etat d’Israël ne peut exciper de racines méditerranéennes ou occidentales susceptibles de donner une apparence de crédit à la prétention d’être des descendants d’ancêtres ayant vécu en Palestine. Tous, sans exception aucune, sont issus des régions talmudiques de l’orient européen ou des marches de l’Asie. Tous étaient des Ashkénazes.
Les “espoirs ” et les “traditions” talmudiques d’occupants futur sont d’ores et déjà sublimés dans la déclaration Rothschil-Balfour, alors qu’ils n’ont que mépris pour la géopolitique et la démographie concrètes du pays. Dans la foulée, les aspirations légitimes des habitants en chair et en os sont ravalées au rang de “préjugés“.
Paroles de dirigeants ashkénazes
“Le transfert forcé des Arabes des vallées de l’Etat Juif est prévu…. Nous devons coller à cette conclusion de la même manière que nous nous sommes saisis de la Déclaration de Balfour, encore plus que ça, de la même manière que nous nous sommes saisis du Sionisme lui-même.” (Ben-Gourion, Zichronot [Mémoires], Vol. 4, p. 299)
“Nous marchions dehors, Ben-Gourion nous accompagnait. Allon a répété sa question : “Que doit-on faire avec la population palestinienne ?” ‘Ben-Gourion a agité la main dans un geste qui disait : “Conduisez-les dehors!” Yitzhak Rabin, version censurée des Mémoires de Rabin, publiée dans le New York Times, 23 octobre 1979.
” Entre nous soit dit, il doit être clair qu’il n’y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Nous n’atteindrons pas notre but si les arabes sont dans ce pays. Il n’y a pas d’autres possibilités que de transférer les arabes d’ici vers les pays voisins – tous. Pas un seul village, pas une seule tribu ne doit rester.” Joseph Weitz, chef du département colonisation de l’Agence juive en 1940, tiré de ” A solution to the refugee problem “.
Le 12 juillet 1937, Ben-Gourion écrit dans son journal : “Le transfert forcé des Arabes des vallées de l’Etat Juif proposé pourrait nous donner quelque chose que nous n’avons jamais eue, même lorsque nous y étions nous-mêmes à l’époque du Premier et du Second Temple , une Galilée affranchie de sa population Arabe.”
“Nous devons tout faire pour nous assurer qu’ils (les Palestiniens) ne reviendront jamais.” (…)”Les vieux mourront et les jeunes oublieront.” David Ben-Gourion, dans son Journal intime, 18 Juillet 1948, cité dans le livre de Michael Bar Zohar : “Ben-Gourion : le Prophète Armé“, Prentice-Hall, 1967, p. 157.
“Les territoires appartiennent à Israël. Les Juifs s’implanteront partout sur notre terre jusqu’au bout de l’horizon.” Itzhak Rabin
“Lorsque nous aurons colonisé le pays, il ne restera plus aux arabes que de tourner en rond comme des cafards drogués dans une bouteille.”Raphael Eitan, chef d’Etat major des forces de défense israéliennes (Tsahal), New york Times, 14 avril 1983.
Petit rappel historique
L’émigration a toujours servi de soupape à une population prolifique qui demeurait néanmoins en contact spirituel avec Jérusalem et y envoyait son argent. Au lendemain de la conquête de l’Egypte par Alexandre le Grand en -333 et la création de villes nouvelles – notamment Alexandrie ou Antioche – l’émigration avait redoublé: de nombreux Judéens, fuyant le pouvoir absolu des grands prêtres ainsi qu’une vie pauvre et rude, harassée par les charges qu’imposait l’administration du temple, s’étaient installés en masse dans ces cités où les activités commerciales offraient de vastes possibilités d’enrichissement, déjà largement expérimentées par les exilés définitivement demeurés en Babylonie. Leurs descendants vivent toujours en Iran. C’est la seule communauté juive qui a obstinément résisté aux appels des sionistes à venir peupler la Palestine. Ils se déclarent pleinement Iraniens.
Durant la période de l’occupation romaine, considérée par les habitants de la Judée comme une période particulièrement néfaste, ils émigrèrent de nouveau en masse et se fixèrent dans pratiquement toutes les villes du bassin de la Méditerranée. Des inscriptions grecques du 1er siècle montrent que la Syrie, Chypre, la Grèce, les îles grecques, Cyrène, l’Asie Mineure et même la Crimée comptaient de puissantes colonies juives (Voir Renan, t.V, pp. 224-225). La colonie de Crimée jouera un rôle particulièrement important dans la conversion au judaïsme du royaume des Kazars qui fournira au judaïsme les centaines de milliers d’adeptes sans lesquels la maigre population de Judéens dispersés aurait progressivement fondu.
Dans ses Antiquités judaïques (XIV, 7), l’historien juif Flavius Josèphe, citant le Grec Strabon, écrit: “Ils ont touché toute ville, et il n’est pas facile de trouver un endroit de la terre qui n’ait pas reçu cette tribu et n’ait pas été dominé par elle.” Et dans son Contre Apion, le même Josèphe ajoute que “l’opinion universelle était qu’ils professaient une haine féroce contre celui qui n’était pas de leur secte.” (II,10)
Ce qui devait arriver arriva, une animosité violente éclatait régulièrement entre les populations indigènes et les immigrants juifs, phénomène qui se reproduira à d’innombrables reprises durant les siècles qui suivront, les mêmes causes produisant les mêmes effets, comme il suffit de le constater de nos jours en Palestine occupée. Comme l’écrit l’historien anglais Michael Grant (1914-2004), dans son From Alexander to Cleopatra The Hellenic World (p. 75), “The Jews proved not only unassimilated, but unassimilable … Les Juifs ont prouvé non seulement qu’ils n’étaient pas assimilés, mais qu’ils étaient inassimilables.” Le site officiel Lamed.fr rapporte ce jugement dans un sens positif et élogieux.
D’Hérode au “mur des lamentations”
La péripétie politique qui, depuis la traduction en français du récit de Flavius Josèphe, est connu sous le nom La Guerre des Juifs, n’a concerné que la petite province de Judée – en réalité la ville-état de Jérusalem – avec ses Pharisiens et ses Zélotes fanatiques qui avaient refusé de se plier aux règles que l’empire romain appliquait aux provinces vaincues, tombées sous sa férule – notamment le paiement du tribut et la présence de la statue de l’empereur dans le temple.
Or, les Judéens haïssaient et méprisaient leurs voisins, les Samaritains et les Galiléens. Ils voyaient en eux de faux israélites superficiellement judaïsés et racialement mélangés. D’ailleurs, le scribe fanatique Esdras ne s’était pas donné la peine d’épurer les habitants de ces provinces de leurs éléments “impurs” lors de son retour de Babylonie en Judée. Ils ont donc tranquillement regardé les Judéens se faire écraser par les Romains.
L’ironie de l’histoire est encore plus profonde et revient comme un boomerang dans la politique racialiste de l’actuel Etat sioniste, puisque la majorité des Palestiniens contemporains ne sont pas plus “arabes” que les talmudistes orientaux. En effet, après la défaite des troupes judéennes contre les légions romaines de Vespasien, puis de Titus et selon la tradition militaire de Rome, les principaux dirigeants et notables religieux vaincus et réduits en esclavage, ont fait partie du “Triomphe” de l’empereur, c’est-à-dire qu’ils ont été conduits en cortège dans les rues de Rome derrière le char de l’empereur romain Titus, avant d’être vendus sub corona dans le marché aux esclaves.
Mais les Romains n’avaient aucun intérêt à vider la Judée du petit peuple d’artisans et de paysans. De plus, une fois terminée la guerre contre les légions de Titus, durant laquelle les Judéens avaient opposé une résistance farouche, le palais et le temple détruit, les Romains n’allaient pas persécuter des populations qui n’avaient pas participé au conflit. Les Samaritains, les Galiléens et le petit peuple de la province de Judée ont donc continué à vivre sur leurs terres comme ils l’avaient toujours fait. Deux mille ans plus tard, et après maintes péripéties géopolitiques dont cinq cents ans de domination ottomane, leurs descendants se sont entre temps convertis à d’autres dieux, mais ils sont toujours présents sur ce qu’il convient de qualifier au sens propre leur “terre historique“.
L’histoire est facétieuse. Il est à la fois paradoxal et quelque peu comique de voir que le souverain qui avait fait construire leur seul véritable temple à Jérusalem, haï hier par les Judéens, soit précisément le bâtisseur auquel les juifs modernes sont contraints de se référer – mais sans jamais le nommer – en faisant du lambeau d’un mur de soutènement d’une gigantesque esplanade destinée à accueillir les pélerins du monde entier, le symbole d’un monument qu’ils tentent d’attribuer à un Salomon mythique censé avoir vécu une dizaine de siècles auparavant et un lieu fétichisé, considéré comme “sacré“.
Hérode, le souverain détesté, avait couvert la Judée de constructions fabuleuses pour un si petit pays. Il avait fait édifier des théâtres, un amphithéâtre et des hippodromes, un palais somptueux et le fameux temple, le tout dans un style grec qui hérissait le poil des Pharisiens rigoristes, mais qui est aujourd’hui qualifié de Deuxième Temple, avec la révérence due au sacré. Ces merveilles architecturales laissaient la masse pieuse des Judéens de l’époque de marbre, si je puis dire. Ils n’y voyaient qu’une manifestation égoïste de gloire profane contraire à l’idéal religieux qui était le leur.
Achevé en l’an 63 et rasé par les Romains en 70, le temple d’Hérode n’a donc été opérationnel que sept ans. Seul subsiste l’empilement de blocs de rochers du “mur occidental“, connu sous le nom de “mur des lamentations“.
De nos jours, le même état d’esprit continue de régner à l’égard de la mémoire de ce grand bâtisseur dont personne parmi les juifs n’ose rappeler le nom et l’oeuvre. Mais la haine était réciproque: Hérode, Iduméen superficiellement barbouillé de judaïsme, détestait l’esprit ritualiste et étroit de ses sujets. Il passait d’ailleurs le plus clair de son temps en Grèce dont il avait fait revivre les jeux olympiques.
Ainsi, plus encore que pour tout autre groupe humain, il est à la fois capital et incroyablement ardu, de dégager l’histoire réelle de la Palestine antique de la gangue de fictions qui l’enserre dans un cocon si serré que la vérité historique finit par périr étouffée sous un maillage de babillages théologiques particulièrement inventifs.
Les chrétiens sionistes anglo-saxons et les talmudistes de tous poils tentent encore de nos jours de réécrire l’histoire, de faire de la Bible leur livre d’histoire et donc de substituer le récit mythique qui bourgeonne depuis deux millénaires dans la cervelle de leurs ancêtres et dans la leur, à la réalité.
La preuve que les “désirs” des habitants “non-juifs” de Palestine n’avaient pas à être pris en compte ne s’est pas fait attendre. C’est, n’est-il pas vrai, un très vilain “préjugé” de la part des “non-juifs” de ne pas offrir avec enthousiasme sa maison et ses biens aux colons sionistes qui venaient repeupler leur prétendue “terre historique”.
Un mystère anthropologique
Par quel mystère psychologique et anthropologique une masse humaine hétéroclite et accourue des quatre coins de l’univers, prétend-elle affirmer qu’elle forme un peuple homogène, qu’elle est l’exclusive propriétaire d’un certain territoire – d’ailleurs plutôt ingrat – et qu’un être supra terrestre, son protecteur exclusif, en aurait été le notaire dispensateur?
Il est particulièrement intéressant de voir comment fonctionne le mécanisme d’auto-innocentement des pillages pratiqués par toutes les bandes armées depuis que le monde est monde. Comment s’innocenter à meilleur prix que d’attribuer à un être surnaturel le commandement de tuer et de voler les vaincus? C’est donc le notaire surnaturel de ce groupe humain qui est censé lui assurer la légitimité d’expulser, pour la deuxième fois, le peuple autochtone et, pour la deuxième fois, de s’installer dans ses maisons et dans ses meubles, après avoir terrorisé, volé et assassiné massivement des villages entiers. Il explique également la cruauté inhumaine que manifeste de nos jours l’armée sioniste face à des civils désarmés, y compris des enfants.
Or, la Déclaration Balfour est si maternellement bienveillante pour le “peuple élu” qu’elle va jusqu’à se soucier des droits et du statut politiques dont les juifs jouissent dans le monde entier: rien ne doit leur être enlevé sous prétexte qu’il existera en Palestine un “foyer national ” dans lequel ils ne souhaiteraient pourtant pas s’installer.
L’actuel Etat qui occupe une grande partie de la Palestine historique n’est toujours pas au service de l’ensemble de sa population – la notion de “citoyen” n’y existe pas – il n’est même pas au service des seuls juifs d’Israël. L’Etat d’Israël est l’Etat de tous les juifs de la planète. Comme l’écrit cocassement Shlomo Sand dans une interview: “Israël appartient à Alain Finkielkraut et Bernard-Henri Lévy plus qu’à mon collègue de l’université qui est originaire de Nazareth.” Et il ajoute, non sans malice: “Mais BHL, Attali et Finkielkraut ne veulent pas vivre sous la souveraineté juive.” (Le ciel nous préserve de cette tragédie, la France ne s’en remettrait pas!)
On sait maintenant que l’original de cette lettre a été rédigé durant l’été 2017 par le richissime sioniste anglais Lord Lionel Walter Rothschild (1808-1879) lui-même – il poussait le caprice de riche original jusqu’à se déplacer – en toute discrétion ! – dans un attelage tiré par des zèbres ou sur le dos d’une tortue géante.
Pendant ce temps, un autre richissime sioniste français, petit-fils lui aussi du fondateur de la dynastie, et cousin du premier, le baron Edmond de Rothschild de la branche de Paris (1845-1934), achetait depuis des années tout ce qu’il pouvait trouver de terres et de maisons en Palestine en vue de l’arrivée des colons-immigrants juifs. L’objectif poursuivi dès l’origine était bien de transformer officiellement la Palestine en Etat juif et de tenter de créer un “peuple” à partir de groupes de juifs issus de toutes les nations de la terre dans lesquelles ils avaient choisi de s’installer et que le mouvement sioniste tentait de convaincre de venir peupler la terre palestinienne.
Lord Roderick Balfour
Le banquier Lord Roderick Balfour, descendant du rédacteur nominal de la Déclaration qui porte le nom de son ancêtre, reconnaît d’une manière quelque peu touchante – ou cynique, au choix – qu’ayant effectué plusieurs séjours en Israël, il éprouve des “réserves majeures” à propos de ce qu’il a observé, alors que son aïeul avait fait preuve “d’un grand geste humanitaire” et que “l’humanité devrait lui en être extrêmement reconnaissante“. En effet, écrivait-il lors de la célébration du centenaire de la Déclaration; il y a une phrase”rien ne sera fait qui puisse porter atteint aux droits civils ou religieux de communautés non-juives qui existent en Palestine’. C’est assez clair. Eh, ce n’est pas vraiment mis en pratique. D’une manière ou d’une autre, cela doit être rectifié. En parlant à des éléments plus libéraux parmi les Juifs, ils reconnaîtraient qu’il faut accorder un plus grand rôle économique aux Palestiniens.“
La pure bonne conscience anglaise en pleine action. Les habitants du camp de concentration à ciel ouvert de Gaza attendent avec impatience la mise en pratique de ces excellents principes.
Or, lorsque les immigrants sionistes ont débarqué en Palestine, ils ont découvert que, contrairement à la mythologie sioniste qui prêchait qu’une terre vide attendait son peuple élu, des Palestiniens autochtones, des chrétiens et même quelques groupes de juifs cohabitaient paisiblement dans ce pays depuis des siècles. Mais pour les idéologues sionistes issus des terres asiatiques et est européennes, élevés au biberon du Talmud, sans les askhenazes, la terre judéenne était effectivement vide. Les communautés sépharades elles-mêmes, pourtant intégrées aux populations locales et à la vie économique de la région depuis des siècles, étaient elles aussi frappées d’invisibilité et d’inexistence. Pire, c’est leur intégration même à l’ensemble des populations de la région qui les néantisait face au fanatisme des nouveaux-venus ashkenazes. Aujourd’hui encore, les sépharades sont englobés dans le même mépris que celui que les colons ashkenazes éprouvent à l’encontre des “arabes” – terme qui englobe indistinctement les musulmans et les diverses variétés de chrétiens.
Les idéologues askhenazes sionistes n’eurent donc aucun scrupule à maltraiter, voler, expulser, assassiner autant de Palestiniens qu’ils en avaient la possibilité. Et ils continuent aujourd’hui encore avec la bénédiction des organes de leur Etat comme le prouve le spectacle du sordide ball trap auquel se livrent toutes les semaines des “snipers” de la fameuse “armée morale” face aux manifestants désarmés de Gaza lors des “marches du retour”, et cela avec la bénédiction et les compliments de la hiérarchie militaire.
Bien que le vocable “foyer” soit volontairement ambigu et ne possède aucun statut en droit international, le Journal of Palestine Studies (, vol. 25, no 3, 1996, p. 64) révélait que Balfour, alors devenu ministre des affaires étrangères, et le premier ministre de l’époque, Lloyd George, admettaient en privé que l’objectif final était bien la création d’un Etat Juif. Plus précis encore: “Un des rédacteurs de la lettre à Rothschild, Leopold Amery, secrétaire dans le cabinet de guerre en 1917-18, témoigne sous serment, trois décennies plus tard devant la Commission anglo-américaine , que ” tous ceux qui y étaient impliqués lors de la Déclaration Balfour comprenaient que la phrase “l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif” voulait dire que la Palestine deviendrait en fin de compte une république ou un État juif. “
D’ailleurs, une semaine après que la lettre attribuée à Balfour est devenue officielle, elle a été publiée dans le Times sous le titre Palestine for the Jews. Official Sympathy “, autrement dit La Palestine aux juifs. Plus question de “foyer” ou autre synonyme de la langue de bois diplomatique.
Plus important encore, il y est confirmé officiellement que c’est bien Lord Lionel Rothschild lui-même qui en fut le premier rédacteur au cours de l’été 1917 – ce que tout le monde savait au gouvernement, mais que le Cabinet de guerre anglais qui gérait cette question n’était pas pressé d’officialiser. On avait conscience qu’il s’agissait d’un bouleversement de la géopolitique et de la démographie de la région. Le pas a été franchi après un intense lobbying de Chaïm Weizmann, le responsable du mouvement sioniste en Angleterre.
Le rôle de Chaïm Weizmann a été capital. Ami de Lord Lionel Rothschild, il a harcelé avec zèle et constance un Cabinet anglais hésitant. Au bout de six mois et lorsque la victoire à Gaza des troupes anglaises sur l’armée ottomane est devenue officielle, le gouvernement Lloyd George a franchi le pas. Ultime modification: il a simplement supprimé de la rédaction Rothschild la mention de “la reconstitution de la Palestine comme foyer national juif”, rédaction quelque peu gênante qui impliquait l’idée qu’il s’agirait d’un retour des juifs dans leur patrie naturelle.
Mais le gouvernement anglais n’a pas osé assumer publiquement le nom du rédacteur de la missive. Il a visiblement jugé plus honorant – ou plus décent – d’en attribuer la paternité au ministre des affaires étrangères de l’époque, Arthur James Balfour plutôt qu’au responsable du mouvement sioniste anglais, lord Lionel Walter Rothschild.
D’où la mise en scène de la pseudo lettre privée adressée au domicile de celui qui en était l’initiateur, le concepteur et le rédacteur.
Fin de la première partie
BIBLIOGRAPHIE
Mario Liverani, La Bible et l’invention de l’histoire, 2003, trad. Ed. Bayard 2008
Edwin Montagu, Memorandum on the Anti-Semitism of the Present Government – Submitted to the British Cabinet, août 1917 , accessible sur internet.
Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Paris, Fayard, 2008
Regina Sharif, Non-Jewish Zionism, Londres, Zed Book, 1983
Douglas Reed, La Controverse de Sion
Isaiah Friedman, The Question of Palestine. British-Jewish-Arab Relations : 1914-1918, Brunswick, Transaction Publishers, 1992
Photo: Il y a 70 ans, terrorisés par des massacres sciemment orchestrés, près de 800 000 Palestiniens furent chassés de leur terre. C’était la Nakba
source:http://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/mariali/chaos/balfour1/balfour1.htm
https://reseauinternational.net/les-coulisses-de-la-declation-rothschild-balfour-1/
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