Emile Ollivier.
Deux années auparavant, Napoléon III permit à des délégations d’ouvriers élus de se rendre en Grande-Bretagne, à l’occasion de l’Exposition universelle de Londres, où les droits des ouvriers étaient plus larges. A leur retour, il les autorisa à préparer leurs rapports et remis la Légion d’honneur à trois de ses chefs. Dans le même temps, l’Empereur graciait les ouvriers grévistes, comme en novembre 1862 les typographes parisiens condamnés pour fait de grève.
Le futur principal ministre de 1869, Ollivier, présenta le texte. Toutes les coalitions seraient autorisées, sauf celles amenant des violences, des menaces et des manoeuvres frauduleuses. Malgré l’opposition de conseillers d’Etat et de députés de tous les partis, Napoléon III fit savoir qu’il irait jusqu’au bout et la majorité dynastique plia. Finalement, le 2 mai 1864, le Corps législatif vota le texte en première lecture par 221 voix contre 36 et le Sénat par 64 voix contre 13. La loi du 25 mai 1864 reconnut le droit de grève. La mesure reste un symbole de la politique sociale de Napoléon III.
Emile Ollivier, se rapprochant de plus en plus de l’Empire, devint le principal ministre en 1869 de l’Empire libéral. En matière de droits sociaux, la France était alors en avance sur les pays voisins, avance qui ne dura pas (ainsi la IIIe République abolit le dimanche non-travaillé instauré en 1851, le repos dominical n’étant rétabli qu’en 1906). Ollivier, arrivé au mauvais moment, et qui ne retrouvera plus jamais de fonction politique importante, ne chercha pas à se faire pardonner ses amitiés impérialistes (à l’inverse d’un Ernest Lavisse), tachant tout au long de sa vie de défendre le souverain déchu. Dans le treizième volume de ses Mémoires, il écrivait ainsi :
« Avoir poursuivi d’une haine féroce jusqu’à l’assassinat le seul Souverain dont la préoccupation principale ait été d’améliorer la situation matérielle et morale des masses et de les affranchir de leurs servitudes traditionnelles, le seul qui malgré les terreurs de ses conseillers, ait accordé aux travailleurs des droits refusés par la Révolution elle-même et relevé leur dignité en donnant à leur parole une autorité égale à celle des patrons ; avoir méconnu le créateur des sociétés de secours mutuel ; le protecteur du droit de coalition, le restaurateur du suffrage universel mutilé ; avoir préféré à l’Aigle couronné qui servait le peuple de tout cœur les bourgeois opportunistes qui s’en servaient sans cesse, cela restera, à l’heure de la véritable histoire, une des pages les plus laides des annales de la démocratie française. Ce jugement sera rendu plus sévère encore par la longanimité avec laquelle l’Empereur, méconnu, menacé dans son trône et dans sa vie par la plus noire ingratitude, continua son dévouement à ceux qui le déchiraient. Que de fois ne m’a-t-il pas dit dans nos conversations intimes: “tâchez donc de me proposer quelque chose dans l’intérêt du peuple”. »
Les historiens ont longtemps dit que l’octroi du droit de grève n’était qu’une stratégie pour récupérer le vote ouvrier. Si la montée de l’opposition aux élections de 1863 et le retournement de la conjecture économique a certainement été le déclencheur du projet, les biographes ont depuis souligné que celui-ci correspondait aux voeux les plus sincères de Louis-Napoléon et à sa nature profonde. Citons en conclusion ce que Napoléon III disait de Jules César (préface de l’Histoire de Jules César) : “Trop d’historiens trouvent plus facile d’abaisser les hommes de génie que de s’élever, par une généreuse inspiration, à leur hauteur, en pénétrant leurs vastes desseins”.
Sources :
ANCEAU Eric, Napoléon III, Paris, Tallandier, 2008.
SEGUIN Philippe, Louis-Napoléon le Grand, Paris, Grasset, 1990.
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