C’est un homme d’État malade qui se trouve, en ce début de la dix-huitième année de règne de Louis XIV, alité au château de Vincennes. Triste vision qu’est celle de ce corps affaibli par les années ainsi que par la goutte et les ulcères, mais néanmoins toujours habité par un esprit formidable qui a façonné le destin de la France.
Successeur du cardinal de Richelieu en 1643, Jules Mazarin réussit à maintenir la raison d’État au-dessus même des propres volontés du roi. En effet, jeune souverain sensible aux élans de l’amour, Louis XIV tombe amoureux d’une certaine Marie Mancini, qui se trouve être la nièce de Mazarin. Ce dernier aurait pu aisément accepter l’union des deux amants qui lui aurait permis ainsi de rentrer dans le cercle familial et très privée du roi de France. Cependant, le cardinal sait que le mariage d’un monarque ne peut être aussi légèrement réglé car il est, en réalité, une affaire d’État. Il convainc ainsi le souverain de la fille aînée de l’Église de renoncer à ses inclinations personnelles au nom du bien de la France et d’accepter un mariage de raison avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche. Cruel sacrifice pour un jeune Louis XIV qui, jusqu’au dernier instant, souhaite s’unir à son premier amour. Mazarin, résolu à ce qu’une paix définitive soit scellée par ce mariage entre l’Espagne et la France, exhorte une dernière fois son juvénile souverain : « [Votre mère] m’a écrit l’état dans lequel elle vous a trouvé, et j'en suis au désespoir, car il faut absolument que vous y apportiez du remède si vous ne voulez être malheureux et faire mourir tous vos bons serviteurs… Et si vous ne vous résolvez tout de bon à changer de conduite, votre mal empirera de plus en plus. Je vous en conjure, pour votre gloire, pour votre honneur, pour le service de Dieu, pour le bien de votre royaume. » Louis XIV finit par renoncer et accepte de se marier à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660. Il comprend ainsi, grâce au cardinal Mazarin, qu’un roi, au nom du bien commun, ne peut faire passer ses passions avant le destin de la France s’il veut continuer à régner.
En effet, le pouvoir est chose fragile si on ne sait pas le manier correctement et le tenir d’une main ferme. Une leçon que put retenir Louis XIV lors de son enfance grâce à son parrain, Jules Mazarin. Ce dernier, malmené par la première Fronde, est chassé de Paris par le Parlement en 1649 puis par la noblesse qui voit d’un mauvais œil « le gredin de Sicile » qu’ils accusent de s’approprier le pouvoir d’un monarque trop puissant. Cependant, le roi, grâce à son principal conseiller, réussit à mater la révolte et retient une nouvelle leçon qui préfigure son règne absolu : le pouvoir d’un roi ne peut être partagé.
Au terme de sa vie, avant de se retirer pour la dernière fois devant son souverain pour aller vers son divin créateur, Mazarin offre une dernière leçon à son roi. Ces conseils, que nous rapporte François Bluche dans son œuvre Louis XIV, étaient valables autrefois pour les rois et le sont tout autant pour les Présidents d'aujourd'hui ! « Louis s’était vu recommander de "maintenir l'Église dans ses droits", de ne nommer personne aux bénéfices "sinon des hommes capables, pieux et bien intentionnés", […] de contenir la magistrature dans le cadre de ses vraies fonctions, de "soulager le peuple […] sur toutes les impositions" ; enfin d'employer "les ministres selon leurs talents". » Ainsi après avoir offert cet ultime enseignement à son royal élève, Jules Mazarin s’éteint à Vincennes dans la nuit du 8 au 9 mars 1661. Mais son œuvre ne finit pas avec lui et fut perpétrée par ses disciples qu’il légua à la France. Ces grands serviteurs de l’État, comme Nicolas Fouquet ou Jean-Baptiste Colbert, marqueront ainsi le Grand Siècle par leur travail et aideront le Roi-Soleil à faire de son règne l’un des plus majestueux de l’histoire de notre grand pays.
Eric de Mascureau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire