Par Nikolay STARIKOV – ORIENTAL REVIEW
Pour transformer sa nation en un agresseur puissant, Hitler devait d’abord récupérer tout ce qui avait été récemment enlevé à son pays. Il a été aidé en cela par les nations britanniques, françaises et américaines elles-mêmes qui avaient passé l’Allemagne sur le grill des braises de Versailles.
La région de la Sarre fut le premier territoire que le Führer ramena au bercail du Troisième Reich. Autrefois rattachée à l’Allemagne, cette région était régie par un mandat de la Société des Nations depuis 1919, et le contrôle de ses mines de charbon avait été confié aux Français dans le cadre des indemnités de réparation. Les habitants de la Sarre vivaient sous ce régime depuis 16 ans et personne ne s’était jamais intéressé à leur opinion sur la situation. Et tout d’un coup, on leur demande de décider s’ils veulent rejoindre soit l’Allemagne nazie, soit la France démocratique, ou rester sous le contrôle de la Société des Nations.
À première vue, il n’y a pas grand-chose à redire. Seuls les détails mineurs, quelques broutilles suscitent la méfiance. L’Allemagne nazie déclencha une campagne de propagande furieuse parmi la population de la région et même en France même. Mais aucune agitation n’a été vue de Paris. De plus, le ministre français des Affaires étrangères, Pierre Laval, a affirmé deux jours avant le référendum que “la France n’est pas intéressée par son issue”. Il n’est pas difficile d’imaginer l’effet que cela a dû avoir sur les populations sarroises qui menaient la lutte pour l’annexion à la France. Les diplomates britanniques y ont également contribué. Ils adoptèrent une position très “étrange” en s’opposant fermement à ce que la Sarre reste sous l’administration de la Société des Nations. Les Britanniques prétendaient que c’était un fardeau écrasant pour ce précurseur de l’ONU moderne. Ainsi, l’issue du référendum du 13 janvier 1935 était acquise. En fin de compte, 90 % ont voté pour la réunification avec l’Allemagne.
Peu de temps avant, le ministre français des Affaires étrangères, Louis Barthou, qui, à la consternation de la Grande-Bretagne, avait demandé le confinement strict de Hitler, avait été mystérieusement assassiné à Marseille. La politique de Louis Barthou, auquel le portefeuille des affaires étrangères avait été confié en février 1934, préparait une nouvelle guerre mondiale. Par exemple, il avait informé le président de la Conférence de Genève sur le désarmement, Arthur Henderson de Grande-Bretagne, du refus de l’Allemagne d’accepter la “parité des armements”. En avril 1934, il avait effectué une visite à Varsovie et à Prague. Alors que la Pologne et la Tchécoslovaquie étaient prêtes à frapper l’Allemagne par derrière, Paris pouvait dormir tranquille. A son retour, Barthou proposa l’idée du ” Pacte oriental “, qui garantissait la sécurité non seulement de l’Europe occidentale, mais aussi de l’Europe de l’Est. En conséquence, à la demande des Français, l’Union Soviétique fut invitée à rejoindre la Société des Nations le 15 septembre 1934. Dans tout ce qu’il a fait, Louis Barthou s’était efforcé de circonvenir le pouvoir de l’Allemagne nazie. A la fin du mois de septembre de la même année, il rédige un traité global en vertu duquel la France, l’Italie, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et la Roumanie doivent assurer conjointement l’indépendance de l’Autriche. En conséquence, le 9 octobre 1934, Barthou fut “accidentellement” tué au moment même où le roi yougoslave Alexandre fut assassiné par un terroriste croate alors qu’il se rendait en France.
Hitler aurait-il pu être arrêté? Oui. Pour ce faire, les gouvernements français et britannique devaient bloquer le référendum sarrois en janvier 1935. L’Allemagne n’avait aucun pouvoir de s’y opposer car elle n’avait ni chars, ni avions, ni soldats. Mais néanmoins, ils étaient tous désireux de jouer avec Hitler. En effet, c’était un premier succès très important pour les nazis, qui connurent ensuite triomphe après triomphe.
Notons un fait évident: Adolf Hitler était un «politicien brillant» tant que ses homologues occidentaux étaient prêts à jouer au jeu d’un perdant tout en posture avec des froncements de sourcils et des fanfaronnades.
Le 18 juin 1935, l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Allemagne, Joachim von Ribbentrop, signe à Londres avec le ministre des affaires étrangères britannique, Samuel Hoare, [1] l’accord naval anglo-allemand en vertu duquel l’Allemagne pourrait désormais construire légalement des navires de guerre, pourvu que «le tonnage total de la flotte allemande ne dépasse jamais 35% du tonnage total des forces navales, tel que défini par traité des membres du Commonwealth britannique. “En vertu du Traité de Versailles, il était interdit à l’Allemagne de posséder des sous-marins. Maintenant, les Allemands avaient le droit de construire des sous-marins jusqu’à 45% du tonnage de la flotte sous-marine britannique. Si l’Allemagne voulait dépasser cette limite, elle devait informer le gouvernement britannique de sa décision. Il en résulta une situation très provocatrice, dans laquelle les Allemands reçurent l’autorisation finale pour la construction de nouveaux sous-marins allemands non pas à Berlin, mais à Londres!
Sentant la position conciliante de l’Occident, Hitler commença à se comporter avec plus d’audace et les «Hanfstaengls» entourant le Führer lui assurèrent qu’il pouvait continuer à agir en toute impunité. Le 7 mars 1936, il envoie des troupes allemandes dans la Rhénanie démilitarisée. Aucune puissance n’avait le droit de maintenir des troupes dans cette zone qui avait été séparée de l’Allemagne afin de créer une zone tampon entre ce pays et la France. Et pourtant, Hitler violait effrontément les accords internationaux. Pourquoi était-il si sûr d’être à l’abri des représailles?
Pourquoi Hitler était-il si sûr que les Français se comporteraient de manière contraire à leurs instincts de conservation les plus élémentaires ? Pourquoi a-t-il décidé de jouer le tout pour le tout ? Après tout, un échange de tirs avec un seul escadron français l’aurait forcé à retirer ses troupes, ce qui lui aurait fait perdre la face et aurait peut-être conduit à son éviction. La réponse se trouve dans un livre de Raymond Cartier publié immédiatement après la guerre en 1948. Hitler croyait que la France avait perdu son indépendance et était devenue une puissance subordonnée. Selon Goering, “le Führer” disait souvent que la France n’entreprenait rien sans l’approbation de l’Angleterre et que Paris était devenue une filiale diplomatique de Londres. Par conséquent, il suffisait de calmer les choses avec l’Angleterre, et tout irait bien en Occident. » [2]
Hitler savait que la France n’entreprendrait rien. Hitler a utilisé des canaux secrets pour discuter à l’avance de toutes ses démarches «effrontées» avec le gouvernement britannique avant qu’il ne les mette en branle – c’était son «génie» en un mot.
Hitler aurait-il pu être arrêté? Oui, oui. Pour ce faire, il aurait fallu des accords permettant de placer des ultimatums et d’étouffer le nazisme dans l’œuf. Alors, pas une seule bombe ne serait tombée sur Londres ou Paris, on aurait pu épargner les camps de concentration à des millions de personnes, et les Juifs et les Tsiganes d’Europe n’auraient pas été exterminés en masse. Mais si les démocraties occidentales avaient adopté une ligne dure, Hitler n’aurait pas été en mesure de lancer une attaque contre la Russie, qui était la principale cible.
Et pour lui donner l’occasion d’atteindre ce but, l'”humanité progressiste” de l’époque ne se soucia pas des crimes des nazis et resta sourde aux preuves de leur attitude envers la vie humaine. Et à la fin de l’année 1935, les preuves existaient en abondance. En septembre de la même année, l’Allemagne nazie adopta les lois de Nuremberg, nom que les historiens donnèrent plus tard à deux textes législatifs: la “loi sur la citoyenneté du Reich” et la “loi sur la protection du sang allemand et de l’honneur allemand”, qui furent annoncées lors d’un rassemblement du NSDAP puis adoptées à l’unanimité par le Reichstag. Elles révélaient une fois pour toutes le noyau raciste de la philosophie nazie. Selon le deuxième statut, la “loi sur la citoyenneté du Reich”, la nationalité ne pouvait être détenue que par un individu possédant “du sang allemand ou apparenté, qui prouve par son comportement qu’il est disposé et apte à servir fidèlement le peuple allemand et le Reich”. Ainsi, d’un trait de plume, tous les Juifs allemands (et il y en avait plus d’un demi-million dans le pays) furent instantanément privés de la citoyenneté allemande.
Aucun de ces décrets nazis insensés n’a été tenu secret auprès du public mondial. Ces lois étaient des lois tout à fait officielles de l’Etat allemand. On surveillait l’observation de la loi et la violation était passible d’une amende ou d’emprisonnement. Et comment la communauté internationale a-t-elle réagi à cette barbarie? Avec des protestations? Des boycotts et une rupture dans les relations diplomatiques?
L’élite politique de l’époque réagit assez bizarrement.
L’Allemagne se voit confier les Jeux Olympiques d’été de 1936.
C’était une expression de soutien et une continuation du jeu délibéré du perdant que l’élite politique mondiale jouait avec le Führer. Les règles de ce match figé étaient très simples: Hitler devait faire ce qui était exigé de lui (se réarmer et se préparer à la guerre avec l’Union Soviétique), et il recevrait de l’argent, le retour des territoires perdus du pays, et le prestige politique.
En retour, aucune remarque ne serait faite ni sur l’oppression des Juifs ni sur les lois raciales insensées. C’était la politique. Et aujourd’hui, nous observons souvent une image cynique et assez flagrante de “militants des droits de l’homme” qui ne remarquent que ce qui est momentanément bénéfique pour leurs bailleurs de fonds, tout en ignorant ce qu’ils n’ont pas besoin de voir….
Et ainsi les Jeux olympiques ont eu lieu ! Les drapeaux à croix gammée flottaient dans les stades et les cœurs allemands étaient remplis de fierté pour leur pays, de respect et de gratitude envers Adolf Hitler. Quand il s’était présenté à la cérémonie d’ouverture, tout le stade se tenait debout. Les mains droites brandies en l’air dans le salut nazi. A côté d’Hitler se tenaient des membres du Comité International Olympique dans leurs costumes noirs avec leurs chaînes en or sur leurs poitrines. Les murs tremblaient d’un «Sieg Heil!
Et l’Allemagne nazie entra avec confiance sur la scène mondiale.
NOTES FINALES
[1] Samuel John Gurney Hoare, vicomte Templewood, était un individu remarquable. En 1917, il était à la tête du Service secret des renseignements britanniques en Russie et s’est donné beaucoup de mal pour contribuer aux événements de Saint-Pétersbourg en février et en octobre de la même année. En 1935, il accomplit une nouvelle mission pour son pays natal en aidant Adolf Hitler à rétablir rapidement la puissance militaire de l’Allemagne. En 1939, il devient ambassadeur britannique en Espagne, pays par lequel les nazis conservent des contacts avec le monde occidental. Samuel Hoare était au centre de tous ces événements.
[2] Cartier, Raymond. Les secrets de la guerre devoilés par Nuremberg. Pages 43-44.
Traduit du Russe par ORIENTAL REVIEW
Traduction : Avic– Réseau International
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