mardi 27 février 2024

1ère Guerre Mondiale. Zemmour, Obertone, Conrad… : des personnalités nous livrent leurs conseils de lecture

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Les commémorations du centenaire de la fin de la Première guerre mondiale (Grande guerre) ont débuté.

Si les commémorations « officielles » actuelles laissent à désirer, tant tout cela semble convenu, que ce soit en terme d’organisation que de perpétuation de notre longue mémoire, il est intéressant de se plonger dans les livres, dans les témoignages et les récits d’une guerre qui a touché presque chaque famille d’Europe de l’Ouest – les monuments aux morts en témoignent.

Nous avons donc interrogé quelques personnalités – que nous avons déjà eu l’occasion d’interviewer – afin de leur demander quels livres ils conseilleraient à nos lecteurs, pour mieux appréhender ce drame qui s’est déroulé il y a un siècle.

Eric Zemmour nous confie : « Je choisirai Ceux de 14 de Maurice Genevoix et Orages d’acier d’Ernest Junger. Chacun dans son camp, et à sa manière, les plus grands livres à mes yeux car ils font partager autant que faire se peut – intellectuellement mais aussi physiquement- l’expérience qu’ils ont vécue. Mais il y a aussi toute la première partie de voyage au bout de la nuit de Céline ! »

Laurent Obertone lui choisit un classique : « Sans être original, je vais dire le Voyage au bout de la nuit, qui va bien au-delà de la Grande guerre, et porte, en plus du génie célinien parfois foudroyant, des observations sur la nature humaine d’une dramatique acuité. Bien entendu, c’est un choix littéraire et pas historique. La Grande guerre est la porte d’entrée de ce livre, et ce livre la porte d’entrée éternelle de tout l’univers célinien, qui selon moi mérite fort d’être arpenté.»

Philippe Conrad, ancien directeur de la Nouvelle revue d’histoire, professeur d’histoire et auteur de plusieurs livres sur la 1ère guerre mondiale (« Le sang de la Marne »(Editons Heimdal), « Le poids des armes. Guerres et conflits 1900-1945 »(PUF), « Le 300 jours de Verdun (Editions italiques », « Pétain”   Editions Chronique », « La Fayette nous voilà » (Editions Italiques) et ,en 2014,  l’essai d’uchronie « 1914. La guerre n’aura pas lieu » Genèse Editions)  nous dit : « Il s’agit dune question difficile au vu d l’énorme production historique ou mémorielle lui s‘est accumulée depuis un siècle.  Sur le plan littéraire, c’est sans aucun doute « La guerre notre mère » d’Ernst Junger et j’y ajouterai « Ceux de 14 » de Maurice Genevoix.

Dans le domaine historique Pierre Renouvin a réalisé très tôt la meilleure synthèse sur la période. J’ajouterai le travail monumental de G.H. Soutou “L’or et le sang », qui rend compte des dimensions économiques, financières et géopolitiques de ce conflit hors norme.Sur les origines du conflit “Les somnambules » de Christopher Clark ont apporté une vision radicalement nouvelle  en même temps qu’impartiale  du déclenchement de la catastrophe.

Au delà des querelles d’écoles qui divisent les historiens depuis de nombreuses années (notamment celle, largement artificielle entre “consentement et contrainte », pour expliquer l’incroyable résilience des combattants), il faut rendre hommage à toute une nouvelle génération d’auteurs qui ont ouvert ces dernières années des pistes nouvelles et proposé des synthèses ambitieuses. Je pense notamment au lieutenant-colonel Rémi Porte, au professeur François Cochet et au colonel Michel Goya qui vient de republier un remarquable « 1918. L’Armée de la victoire ». D’un point de vue plus particulier puisqu’il s’agit d’un théâtre d’opérations périphérique et clairement secondaire, j’ajouterai l’ouvrage consacré par Bernard Lugan à l’épopée africaine du général von Lettow-Vorbeck.»

Charlotte d’Ornellas nous recommande « Carnet de Route » de Robert Porchon. Robert Porchon, sous-lieutenant au 106e régiment d’infanterie, fut tué dans l’assaut de l’éperon des Éparges (Meuse) en février 1915, «la poitrine défoncée par un éclat d’obus».

Dès sa mort connue, sa mère a recopié dans un unique cahier son carnet de route et les lettres que son fils lui avait adressées. Elle a aussi ajouté à cet ex-voto de papier la correspondance reçue, après la mort de son fils, de ses camarades – dont Maurice Genevoix -, de ses chefs, de l’administration militaire et aussi d’anciens professeurs et religieux qui se souvenaient de leur élève. Ces témoignages multiples restituent l’onde de douleur qui s’étend et dure après la mort au front d’un jeune homme de vingt et un ans. Un des cinq cent mille jeunes Français sacrifiés pendant les six premiers mois de la Grande Guerre.

Du sous-lieutenant Porchon, on ne savait, depuis 1916, que ce que Maurice Genevoix en avait dit dans Ceux de 14. Mais il en avait dit assez pour faire de son ami Porchon le «soldat le mieux connu de la Grande Guerre».

Les notes prises par le jeune officier font un troublant contrepoint au témoignage du grand écrivain. Elles en confirment la parfaite exactitude et, en variant l’éclairage sur quelques épisodes de leur campagne commune, soulignent le génie singulier de Ceux de 14. 

Yoran Delacour (éditions Yoran Embanner) a choisi 1914, la France responsable ? Les secrets de la déclaration de guerre de Bertrand Blandin.

Présentation de l’éditeur : Le 3 octobre 2010, l’Allemagne fit son dernier versement à la France dans le cadre des réparations de guerre imposées par le traité de Versailles de juin 1919. C’est dire à quel point la culpabilité totale et absolue de l’Allemagne dans le déclenchement du premier conflit mondial est restée acquise, enseignée à des générations d’écoliers depuis un siècle. Or, en scrutant l’action politique et les idées en France depuis 1870, non seulement sur une longue période mais aussi dans les toutes dernières semaines de l’été 1914, Bertrand Blandin montre qu’une France, aux bases républicaines encore fragiles et très proche de la Russie tsariste dans ses alliances, joua en réalité un rôle actif et déterminant dans l’ouverture des hostilités. L’examen précis des crises politiques de la France d’avant-guerre, l’utilisation des documents diplomatiques et l’étude inédite de la correspondance secrète de l’ambassadeur de Russie dévoilent les manoeuvres du président Poincaré qui n’ont en fait qu’un seul objectif : la guerre de revanche. Bien sûr, on peut être choqué de cette hypothèse d’une culpabilité française quand on pense à l’immense sacrifice consenti par le pays pendant quatre ans. Il ne s’agit donc en aucun cas d’instruire un procès à charge ou de faire acte de repentance mais plutôt d’en finir avec un grave mensonge historique. Une enquête passionnante servie par un style sobre et direct.

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Anne-Laure Blanc, de « Chouette un livre » propose un livre du Sous-lieutenant Robert Porchon, Carnet de route (La Table ronde, 2008) : « Ce carnet de route, les lettres envoyées à sa mère ainsi que quelques autres documents font revivre au plus proche la vie quotidienne sur le front, notamment dans la boue des Eparges, où tombe ce jeune sous-lieutenant en février 1915. Ces mots font écho aux textes plus connus de Maurice Genevoix, dont on lira ici quelques lettres – avant de se plonger dans « Ceux de 14 ».

Pour Gilles William Goldnadel, le choix est autre : « A n’en pas douter , le volume de la fresque « Les Thibault » de Martin du Gard (l’été 14) qui parle de la guerre. Et qui évoque le pacifisme de Jacques face au patriotisme de son  aîné . La problématique est traitée avec maestria »

Pour Martial Bild, de TV Libertés, c’est « Le Boqueteau 125 »  de Ernst Jünger. Sur le lieu de la bataille des Eparges s’illustra Maurice Genevois mais aussi un jeune soldat allemand : Ernst Jünger. A partir de ses quinze cahier de notes, l’écrivain-combattant a publié une oeuvre majeure sur la Grande Guerre : « Orages d’acier » . De cet ouvrage définitif est né « Le Boqueteau 125 » , chronique inoubliable de l’horreur du fracas des combats de tranchée. Bouleversant.

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Pour Caroline Parmentier, qui dirige le quotidien Présent, c’est un tout autre choix : « Le Goncourt 2013 de Pierre Lemaître : Au Revoir là-haut. C’était une surprise aux antipodes de la sélection habituelle par son sujet : les gueules cassées de 14, rarement évoquées ( à l’exception de La Chambre des Officiers de Marc Dugain en 98) . Pierre Lemaître insuffle une touche très personnelle, par son inventivité et sa poésie. Deux rescapés des tranchées qui ont tout perdu, l’un dessinateur de génie horriblement mutilé au visage, l’autre modeste comptable, comprennent que leur pays ne veut plus d’eux et décident de monter une arnaque aux monuments aux morts d’une audace inouïe. Terrible pamphlet politique, cruel, qui règle aussi son compte aux ordres imbéciles qui entraînent des centaines de morts, le scénario est néanmoins assez riche pour mêler comédie, tragédie, aventures et émotion. 
Au Revoir Là-Haut s’intéresse au temps de l’après, à la tragédie de cette génération, mais les scènes des tranchées présentes dans la première partie du livre, prennent aux tripes. J’ai moi-même grandi dans une famille où les poilus de 14 étaient vénérés pour leur sacrifice et pour l’abomination de l’épreuve qu’ils avaient traversés. Mon grand-père – comme quoi en ce qui me concerne ça ne remonte pas à très loin – avait fait 14 et ma mère disait toujours qu’il en était revenu complètement changé et qu’il en voulait à tous ceux qui n’avaient pas fait cette guerre. Il est d’ailleurs mort d’un cancer des suites des gazages répétés.»

Crédit photos : DR
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