Nous avons chroniqué cette semaine l’ouvrage majeur rédigé par l’historien Joël Cornette « La Bretagne, une aventure mondiale ». Comme nous vous l’avions promis, nous avons interviewé Joël Cornette, sans doute l’un des plus grands historiens actuellement en activité, au sujet de son ouvrage.
Un entretien riche et passionnant.
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Breizh-info.com : Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Joël Cornette : Mon itinéraire est le produit de ce qu’on appelle la « méritocratie républicaine » : fils d’un ouvrier de l’arsenal de Brest (mon père était ajusteur-aléseur), c’est l’école, le lycée, les classes préparatoires (à Brest puis à Bordeaux), l’École normale supérieure de Saint-Cloud, l’Université qui m’ont permis de devenir historien et professeur (à l’Université Paris 8, de 1996 à 2017).
Et, paradoxalement, historien de l’Etat « central », Louis quatorzien, très loin donc de mes racines bretonnes : j’ai écrit plusieurs livres centrés sur la monarchie d’Ancien Régime, notamment Le roi de guerre, essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle (Payot, 1993)
Mes racines bretonnes, je les ai redécouvertes à l’occasion d’une commande d’un livre, par Michel Winock, qui était, à la fin des années 1990, directeur de la collection « L’Univers historique », aux éditions du Seuil. J’ai d’abord refusé — que dire de plus que ce qui a déjà été écrit… — et puis je me suis pris au jeu : mes recherches (j’ai passé plusieurs étés dans la très belle et très riche bibliothèque de l’abbaye de Landévennec) m’ont fait prendre conscience de l’immensité d’une « matière bretonne » dormante qu’il fallait à tout prix réveiller, notamment en proposant une synthèse des multiples travaux, dispersés, entrepris depuis les années 1960 par de nombreux chercheurs. Le gros livre issu de ce travail, Histoire de la Bretagne et des Bretons (deux tomes, 1500 pages), paru en 2005, s’attache, précisément, à rendre compte de la fécondité de cette histoire de Bretagne revisitée.
Il fut récompensé par le grand prix d’histoire de l’Académie française : il faut, je crois, relever cette reconnaissance de l’histoire bretonne par l’État jacobin !
Breizh-info.com : Avec votre livre, que souhaitiez-vous apporter de plus qui ne soit déjà écrit sur l’histoire bretonne ?
Joël Cornette : Ce livre s’inscrit dans la continuité du numéro que la revue L’Histoire (je fais partie du comité scientifique), a publié durant l’été 2017 et déjà intitulé « La Bretagne, une aventure mondiale. » Ce numéro mettait précisément l’accent, loin de tous les clichés qui ont pendant des siècles enfermé les Bretons dans une identité passéiste et folklorique, sur l’extraordinaire ouverture de la plus maritime des provinces françaises qui, depuis l’origine, envoie marins, pêcheurs, commerçants, sur toutes les mers et les continents du monde.
Songez qu’au XVIe siècle, la Bretagne disposait de plus de deux mille navires de commerce, de faible tonnage sans doute (seuls 5 % dépassent les 160 tonneaux), mais qui n’empêchait pas son commerce extérieur d’être excédentaire avec l’Angleterre et la Flandre où les Bretons emportaient les vins du Bordelais et leurs toiles. Au temps de Jacques Cartier, puis de Surcouf, Saint-Malo était un port mondial, alors qu’au Croisic prospérait une bourgeoisie marchande, très entreprenante. Dès l’origine, l’Armorique était « maritime », tournée vers l’extérieur, animant par les échanges et le commerce un grand « arc atlantique », étendu des îles britanniques au Portugal, sans oublier les rivages de la Manche, de la mer du Nord et de la Baltique : à Arnemuiden, en Zélande (Pays-Bas actuels), la part des navires bretons dans le trafic global était de 38 % dans les années 1463-1466, 54 % entre 1467 et 1475, 85 % dans les années 1477-1483 et 1493-1499.
Cette « extraversion » économique, qui est une constante, concerne même le monde rural, puisque, au Moyen Âge et dans la période dite moderne (jusqu’au XVIIIe siècle), le textile a été « l’or blanc » de la Bretagne, largement exporté, par la mer, notamment, des « olonnes » (ou lokorns) de Locronan qui enrichissaient alors la petite cité de Cornouaille. On les appelait aussi les « poldavys », du nom du port, Poul-david, proche de l’actuel Douarnenez, qui les écoulait. Ces grosses toiles de chanvre écrues, d’une résistance à toute épreuve, fabriquée aussi dans les fermes des campagnes alentour, étaient vendues dans les ports anglais, mais également au Portugal et en Espagne, car beaucoup étaient destinées à devenir des voiles de navires : leur essor était lié aux besoins en voilures des marines occidentales et surtout à l’ouverture amorcée des marchés coloniaux asiatiques et américains dans le cadre d’une première mondialisation. C’est ainsi que les voiles des caravelles et des galions espagnols qui ont conquis l’Amérique furent en majorité bretonnes…
Le livre ne fait que développer cette formidable « extraversion » d’une Bretagne ouverte aux quatre vents. Le texte liminaire, original, de plus d’une centaine de pages, que j’ai écrit en ouverture du livre (« Singulière Armorique ») débute précisément sur la toute première trace écrite capable de nous éclairer sur la singularité des habitants de cette péninsule qui n’est pas encore la Bretagne. Ce premier témoignage remonterait aux environs de — 500 : « Ils sont courageux, altiers, industrieux et fort adonnés aux soins du commerce. » Il s’agit des mots d’un navigateur carthaginois, nommé Himilcon, dont le vaisseau croisa au large des côtes bretonnes. Rédigé en punique, le récit de son périple fut traduit en grec. Un poète latin du IVe siècle de notre ère, Rufus Festus Avienus, en adapta des passages. Il y est question des îles « Oestrymnides » — selon l’opinion, déjà ancienne, de Camille Jullian, elles se situeraient aux confins de la Manche —, d’une grande richesse en plomb et en étain, et de barques faites de « peaux cousues ensemble ». C’est sur du cuir, ajoute-t-il, « qu’ils parcourent le vaste Océanide ».
Voilà, en somme, la plus ancienne empreinte identitaire des Bretons, avant même que naisse la Bretagne : les populations de ces rivages se singularisent par une vocation maritime affirmée et offensive, qui paraît bien ainsi s’inscrire dans la très longue durée.
Breizh-info.com : Parlez-nous de quelques dates majeures de l’histoire de Bretagne ?
Joël Cornette : Le livre met en valeur 17 dates « qui ont fait la Bretagne », depuis le moment (entre le IVe et le VIe siècle) où la péninsule se peupla de (grands) Bretons qui traversèrent la Manche sous la pression des migrations des Angles, des Saxons, des Jutes et des Scots, jusqu’en 2013, qui vit cette étonnante résurgence des « Bonnets rouges » quand les protestataires de l’écotaxe s’emparèrent du signe identitaire des révoltés de 1675 contre Louis XIV…
Dans l’histoire de la Bretagne, plus qu’une date précise, il y a une période tout à fait singulière, qu’on pourrait appeler « le grand siècle des Ducs » et qui mérite d’être mise en valeur. Cette séquence se déroule depuis la fin de la guerre de Succession, en 1365, jusqu’à Anne de Bretagne, à la fin du XVe siècle. C’est là la grande époque du duché de Bretagne. La Bretagne apparaît alors comme une puissance souveraine : les ducs sont couronnés et sacrés, frappent une monnaie, ont des ambassadeurs, notamment à Rome… Les études de Jean Kerhervé ont particulièrement éclairé cette époque faste de l’histoire de la Bretagne même, si bien évidemment, il ne faut pas l’enjoliver, comme l’ont fait les premiers historiens de la Bretagne, comme Pierre Le Baud ou Alain Bouchart.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui explique l’évolution politique de la Bretagne depuis 1910 telle que vous la montrez à travers des cartes ? Il semblerait que la seule constante soit des Monts d’Arrée qui restent toujours à gauche.
Joël Cornette : C’est un des multiples paradoxes que le livre tend à éclairer : traditionnellement conservatrice, la Bretagne est devenue l’une des premières terres socialistes, du moins jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron.
En effet, après une longue domination de la droite « gaullienne », les scrutins législatifs de 1973 et 1978 se sont singularisés par des avancées significatives de la gauche, à partir des villes (Nantes, Rennes, Brest, Lorient). 1981 marque une vraie rupture : lors des élections législatives qui suivent la victoire de François Mitterrand, une « vague rose » submergea la Bretagne. La gauche, qui était minoritaire en sièges en 1978 (sept PS et un PC), se retrouve avec 19 députés socialistes et on assiste, lors des élections de la fin du siècle, à un très net rééquilibrage entre la droite et la gauche. C’est là un extraordinaire retournement, si on replace ces résultats dans la longue durée de l’expression politique bretonne.
Les élections cantonales, régionales et européennes du printemps 2004 ont confirmé cette inflexion à gauche : tout se passe comme si la Bretagne voulait rattraper un retard politique et s’émanciper de ses comportements traditionnels en une sorte d’accélération d’intégration aux grands courants traversant l’ensemble de la société française. Avec une triple singularité : un grand civisme politique (les taux d’abstention sont plus faibles qu’ailleurs) ; une grande réticence à voter pour l’extrême droite ; le soutien au projet européen (lors du référendum de 2005, le Finistère avait voté oui à 51,1 %, alors que la France dans son ensemble avait rejeté la constitution européenne à 54,7 %.), malgré une inquiétude de plus en plus forte, soulignée par les sondages récents. Il est vrai que, comme l’a bien montré Jean-Jacques Monnier, en étudiant le comportement politique des Bretons, la Bretagne était plus démocrate-chrétienne que droite « pure et dure », ce qui explique qu’elle soit passée, presque sans s’en rendre compte, de la droite centriste et sociale, au parti socialiste.
Il reste effectivement le « mystère » des Monts d’Arrée, qui non seulement restent toujours à gauche, mais ont toujours manifesté une distance critique et revendicative par rapport au pouvoir. En fait, les populations rurales de Cornouaille, et notamment celles du Poher, se sont toujours montrées « révolutionnaires » en refusant toute autorité. On pourrait, du reste, superposer toute une série de cartes qui sont celles des révoltes de la Bretagne cornouaillaise et du Poher.
– Carte 1. Au cœur des guerres de Religion, au temps de la Ligue, dans les années 1580, le chanoine Moreau (1552-1617) évoquait ces « rogues villageois » de la région de Quimper, tous disposés à une révolte. « Contre la noblesse et communautés des villes, ne voulant être sujets à personne, de quoi ils se vantaient ouvertement […]. Victorieux, ils se seraient jetés sur les maisons des nobles, sans pardonner à aucun qui eût été de condition plus relevée qu’eux. Et en faisant de même, ils seront tous égaux sans que l’un n’eût aucun pouvoir ou juridiction sur l’autre. »
– Carte 2. Un siècle plus tôt, dans l’été 1490, alors que la Bretagne, défaite militairement, s’unissait à la France par le mariage forcé d’Anne de Bretagne au roi Charles VIII, les paysans de la région de Quimper, armés de faux, de piques et de bâtons, se révoltaient, exigeant l’abolition des privilèges féodaux et des rentes, tout en réclamant la propriété pleine et entière de la terre qu’ils cultivaient.
La révolte a été déclenchée, semble-t-il, en juin 1490, le jour de la Saint-Jean, à la suite des taxes levées par le vicomte de Rohan pour subvenir aux besoins de ses troupes. Seize paroisses s’unirent, autour de Plomodiern, Plonevez-du-Faou, Plouyé, toutes appartenant aux Rohan. Un embryon d’organisation fut mis sur pied : certains textes évoquent une « commune », qui prit sa source dans le terroir de Carhaix et du côté d’Huëlgoat, sous la conduite de trois frères paysans, sans doute originaires de la paroisse de Plouyé. L’un s’appelait Jean l’Ancien, qui fut leur chef. Alors, suivant un témoignage contemporain, « ils coururent les villes, bourgades nobles, tuant tous ceux qui tombaient entre leurs mains, leur intention et leur but n’étant autres que d’exterminer tous ceux de cette qualité, afin de demeurer libres et affranchis de toute subjection, des tailles et pensions annuelles qu’ils payaient à leurs seigneurs, et revendiquer la propriété de leurs terres ». Au nombre de 10 000, suivant un témoignage contemporain (chiffre sans doute exagéré avancé pour frapper l’imagination), les insurgés se dirigèrent vers Quimper, qui fut incendié et pillé le 30 juillet. Ensuite, les bandes armées allèrent vers Penhars, pour s’attaquer à un fief appartenant au vicomte de Rohan, où étaient dressées les fourches patibulaires, emblèmes de haute justice. Ces événements ont laissé une trace profonde dans la mémoire longue de la Bretagne, comme l’attestent deux gwerz collectées par Hersart de La Villemarqué : le Faucon [Ar Falc’on] et Les gars de Plouyé.
« Les jeunes hommes de Plouyé disaient :
– Allons prendre nous-mêmes des informations sur ce qui nous regarde,
— Arrivés à Quimper, ils demandèrent à parler à leurs maîtres.
– Ouvrez à des habitants de la campagne, qui voudraient parler à leurs maîtres.
– Allez-vous en, vils paysans, à moins que vous ne teniez à sentir l’odeur de la poudre.
— Nous nous moquons de votre poudre, tout comme de celui à qui vous appartenez.
Ils parlaient encore, que trente d’entre eux tombèrent morts ;
Trente tombèrent, mais trois mille entrèrent ; et voilà la ville en feu, et un feu si joyeux !
Si bien que les bourgeois criaient : “Aïe ! Aïe ! Aïe ! Aïe ! Grâce ! Grâce ! hommes de Ploué !”.
Ils ruinèrent un bon petit nombre de maisons, mais non celle de l’évêque de Quimper
Non celle de Rosmadec, le seigneur bien-aimé, qui est bon pour les paysans ;
Qui est du sang des rois de Bretagne, et qui maintient nos bonnes coutumes. »
Face à cette jacquerie inédite et de grande ampleur — ce fut l’une des premières grandes révoltes antifiscales de l’Ancien Régime —, par une série de mandements (le 18 août, 2 mandements généraux, le 27 novembre, un mandement contre les 16 paroisses qui s’étaient unies), Anne de Bretagne donna l’ordre de réprimer la rébellion par la force, et elle fit envoyer les troupes espagnoles du comte de Salinas contre les révoltés. Quimper fut reprise, les manants écrasés, les meneurs arrêtés et condamnés.
– Carte 3. Dans l’été 1675, au cœur de la révolte des bonnets rouges qui luttaient contre les impôts imposés par Louis XIV (le papier timbré, la taxe sur l’étain), le leader Sébastien Le Balp, le rédacteur probable d’un « Code paysan » revendicatif, était notaire à Carhaix.
– Cartes 4. Pendant la Révolution, et notamment pendant la période chouanne, à partir de 1793, il y a un Finistère « bleu » — le Poher, encore une fois —, qui n’a quasiment pas connu de chouannerie : son « patriotisme » a sans doute été en grande partie lié à la suppression du domaine congéable, le 26 août 1792.
– Carte 5. Plus près de nous, l’importance et la singularité du vote communiste dans ces villages bretonnants tout au long du XXe siècle, souligne l’inscription, dans la longue durée, d’une résistance protestataire au pouvoir établi : dans un article paru dans la revue Etudes rurales (2004/3, n° 171-172), Ronan Le Coédic fait remarquer que, de la Libération jusqu’à l’aube du XXIe siècle, le parti communiste se présente explicitement comme l’héritier des Bonnets rouges, revendiquant la lutte en faveur des déshérités contre les « nantis ».
– Carte 6. En 2017, lors des législatives et de la présidentielle, la région de Carhaix est celle qui, en Bretagne, a donné le plus de voix aux candidats de la « France insoumise ». Jean-Luc Mélanchon reprend en quelque sorte le flambeau de la résistance communiste dans la Bretagne intérieure….
Breizh-info.com : Comment expliquez-vous que finalement, les Bretons connaissent si mal leur histoire ?
Joël Cornette : C’est une étrangeté liée à l’ADN jacobin de la « nation France » : la crainte que l’histoire des provinces « périphériques » puisse contribuer à la conscience d’une irréductible altérité. C’est évidemment absurde : tout prouve que les Bretons ne sont nullement animés d’un sentiment indépendantiste (comme en Catalogne par exemple), mais revendiquent tout au contraire une double appartenance. On n’est jamais aussi ouvert que lorsqu’on est sûr de son identité. Et les Bretons prouvent que l’on peut être à la fois fier sa province et fier d’être français.
Il n’y a évidemment aucune raison de ne pas enseigner l’histoire de la Bretagne, en collège, au lycée, à l’université…
Breizh-info.com : Quel regard portez-vous, en tant qu’universitaire, sur les blocages des facultés ? On a vu des livres brulés, notamment à Rennes, par des étudiants grévistes…
Joël Cornette : Je ne vois vraiment pas en quoi brûler des livres pourrait contribuer à une quelconque avancée des luttes revendicatives…
Breizh-info.com : Auriez-vous des conseils de lecture pour nos lecteurs ?
Joël Cornette : Je ne puis que renvoyer à la bibliographie à la fin du livre et souligner, une fois encore, la richesse de la recherche en histoire menée dans les universités bretonnes (Brest, Rennes, Nantes, Lorient).
Il faut souligner aussi la diversité et la fécondité de la production éditoriale bretonne, aussi bien universitaire (je pense aux Presses universitaires de Rennes) que tournée vers le grand public (je pense en tout premier lieu aux éditions Skol Vreizh). Faut-il rappeler qu’avec un peu moins de 300 maisons d’édition pour environ 4 000 titres édités par année (chiffres 2013), la Bretagne est la première région en matière d’édition après Paris ?
Ce dynamisme ne peut se comprendre indépendamment du renouveau d’une culture vive : loin de tout bretonnisme poussiéreux, il s’agit là d’une vraie révolution. Alors que leur identité a été si longtemps niée et refoulée par des générations de Bretons, elle est devenue un phénomène de société qui se traduit notamment par d’inattendus succès de librairie : Les bretonnismes d’Hervé Lossec (tomes 1 et 2, 2011-2012), diffusé à plus de 300 000 exemplaires, est le troisième ouvrage traitant de la matière bretonne à atteindre un tel tirage après Le Cheval d’Orgueil de Pierre-Jakez Hélias (1975) et les Mémoires d’un paysan bas-breton, de Jean-Marie Déguignet (1998).
Propos recueillis par Yann Vallerie
Crédit photo : DR
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