jeudi 28 décembre 2023

Une guerre communautaire dans l’Espagne du XVIe siècle

 


Article de notre lecteur Montecristo (légèrement abrégé)
La Guerre des Alpujarras, une guerre communautaire dans l’Espagne du XVIe siècle

A l’aube du XVIe siècle, les combats des croisés de la Reconquista sont clos. L’ensemble de la péninsule ibérique a été reconquise par les armées chrétiennes d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon. (…) La royauté d’Espagne doit cependant composer avec la présence sur son sol d’une importante minorité ethnique musulmane, les Mudejares.
Au départ la volonté est à l’intégration et les objectifs des souverains sont de les considérer comme des sujets à part entière au même titre que les chrétiens. Des opérations de conversion de grande envergure sont organisées mais les résultats sont médiocres.

Il s’avère en réalité que les convertis ne le sont que de façade et continuent à être musulmans. (…) Plus que cela, la minorité musulmane semble représenter une menace interne puisqu’elle est accusée à juste titre d’aider les pirates barbaresques (maghrébins) à faire des razzias sur les côtes espagnoles.
Razzias qui ont entre autre comme objectif de s’approvisionner en filles chrétiennes blanches afin de les revendre en tant qu’esclaves sexuelles dans les harems du monde musulman. Le soutien quasiment ouvert des morisques envers les Turcs est considéré comme une trahison alors que ceux-ci sont sur le point d’envahir l’Europe chrétienne.
Des émeutes ethniques et musulmanes se déclenchent épisodiquement dans le pays de 1501 à 1502. La tension monte entre les deux communautés et les échauffourées isolées se multiplient. L’empereur espagnol Charles Quint déclare alors des lois anti-islam sur la terre d’Espagne, il ordonne la conversion généralisée des musulmans et fait brûler le Coran et les livres musulmans.(…)
La tension est palpable entre les deux communautés, la Couronne d’Espagne ne parvient plus à maintenir la cohésion entre ses sujets et cela représente une véritable menace pour l’unité du pays. Cette situation pourrit peu à peu et explose la veille de Noël en 1568. Des musulmans, qui préparaient de longue date en secret l’insurrection, élisent Roi un certain Aben Humeya.
Aussitôt, les insurgés musulmans soulèvent les habitants du massif montagneux des Alpujarras. Les morisques convertis abjurent le christianisme, prône le Djihad et brûlent les monastères, pillent les églises tout en tuant clercs et prêtres.

La riposte de la Couronne d’Espagne est immédiate et sans concession. 

C’est dans une symbolique de Croisade que les armées espagnoles partent affronter ce soulèvement musulman. Les armées sont menées par l’Infant d’Espagne Don Juan d’Autriche. Celui-ci va s’illustrer lors de cette guerre nommée la guerre des Alpujarras.
Les musulmans de Grenade sont déplacés en Castille tandis qu’un décret royal de 1569 déclare « la guerre à feu et à sang » contre l’Islam. Les montagnes ne sont plus qu’une trainée de flammes et les Morisques brandissent l’étendard du Jihad.
Don Juan et les croisés espagnols vont alors procéder méthodiquement à une véritable purge, toute ville islamique est réduite. En 1570 les Espagnols prennent la place forte de Galera, les 4000 habitants musulmans sont passés au fil de l’épée. Aucun prisonnier n’est fait, aucun n’en échappe. Femmes et enfants ne sont pas épargnés.
Lorsque le dernier musulman est mort, la ville est rasée jusqu’à ses fondations. Ensuite des moines viennent recouvrir les ruines de sel afin de sanctifier les lieux et un prêtre y exerce une messe auprès des croisés qui sont en prière à genoux. Ce procédé sera réitéré dans chaque fief islamique, les survivants cachés dans des cavernes sont traqués et tués à bout portant par les armées espagnoles.
Les musulmans qui le peuvent finissent par fuir en Afrique du Nord tandis que les survivants seront plus tard transportés également au Maghreb par les Espagnols en 1610 où ils seront mal accueillis. 300 000 musulmans seront ainsi expédiés en Afrique du Nord de 1609 à 1614.
Cet acte ultime recevra dans la société espagnole une approbation unanime. Il sera même célébré par Lope de Vega comme l’accomplissement ultime de l’unité nationale.

Sources :

  • BENNASSAR Bartolomé, L’Histoire des Espagnols.
  • BONNET Christian, Les affrontements religieux en Europe.
  • CONTRERAS Jaime, Pouvoir et Inquisition dans l’Espagne du XVIe siècle.

Iconographie : lDon Juan d’Autriche

 

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