L’actuel conflit ukrainien nous impose de remonter au XIXème siècle, puis à l’entre deux-guerres et à 1989. En effet la lutte contre le panslavisme ne date pas d’hier, les soubresauts liés aux deux guerres mondiales et à la période entre ces deux guerres ont grandement déstabilisé des frontières historiques pour certains, illégitimes pour d’autres, et l’exemple roumain de 1989 est venu comme un nouvel ordre mondial qui n’a, bien entendu, pas duré.
I/- Le Traité de Berlin en 1878, lutte d’influence et capitalisme sauvage
Qui se souvient de la période 1850-1880 qui pourtant a été une étape capitale dans la lutte contre la montée du syndicalisme et du marxisme, et pour la déréglementation, déjà ?
Reprenons de manière succincte quelques faits préalables :
-d’abord le début de l’ère dite industrielle avec la création d’un prolétariat, l’existence de mouvements syndicaux, les grèves et les représailles ;
-ensuite l’arrivée d’une idéologie, le marxisme, initié en grande partie par des théoriciens et des philosophes juifs ;
-enfin des révoltes débouchant sur des mouvements touchant simultanément plusieurs pays (1848 en est un exemple), une guerre d’envergure perdue par la France et gagnée par l’Allemagne, et la Commune de Paris provoquant un terrible bain de sang.
Cela est la partie visible de l’iceberg, car derrière ces événements chaque partie, chaque camp, agit pour sa propre « survie ».
D’un côté Hegel, puis Darwin et enfin Marx bousculent les idées reçues, le 1er introduit le relativisme de la pensée dialectique, grâce à cela le génie d’Einstein pourra s’exprimer au siècle suivant ; le 2ème avance sa thèse sur l’évolution des êtres vivants, le créationnisme est en marche, 200 ans auparavant il aurait fini sur un bûcher ; le 3ème en utilisant la dialectique chère à Hegel et l’évolutionnisme cher à Darwin avance l’idée qu’une société nouvelle doit apparaitre quand la société en place ne peut plus tenir face aux conditions auxquelles elle se confronte. La société tend alors à évoluer vers le bien-être de tous ses composants, nous allons vers une révolution totale des esprits !
De l’autre côté les classes dirigeantes, du Tsar de toutes les Russies jusqu’à la Cour d’Espagne, maintiennent les traditions, le statu quo, acceptant probablement à regrets la montée de classes intermédiaires représentées par les industriels, les nouveaux bourgeois. Mais le « grand capital » est dans une ascension fulgurante, il faut composer avec si l’on veut se maintenir dans la durée.
En 1878 Bismarck est à l’apogée de sa splendeur, il fait organiser à Berlin, du 13 Juin a 13 Juillet, un congrès dans le but de légiférer certains problèmes notamment :
-en finir avec le Traité de San Stefano, signé en mars de la même année et contesté par les anglais et l’Autriche-Hongrie ;
-redistribuer les cartes dans les Balkans ;
1/- le Traité de San Stefano (3 mars 1878)
Son gros défaut était qu’il avait mis en avant la Russie et son poids sur l’Empire Ottoman suite à la guerre russo-turque de 1877, sans trop tenir compte des intérêts des anglais et des austro-hongrois. Il réorganise les Balkans en reconnaissant l’indépendance des principautés de Bulgarie, Serbie, Roumanie, Monténégro, lesquelles restent vassales de l’Empire Ottoman. Les luttes d’influence commencent, anglais et germanophones parlant de « panslavisme », ayant peur d’une Serbie et d’une Bulgarie trop puissante (le bulgare et le serbe sont des langues slaves).
2/- la redistribution des cartes dans les BalkansLe premier objectif pour diminuer l’influence russe est, en renforçant le poids de l’Empire Ottoman, de diminuer la taille et le poids de la Bulgarie ; on coupe ce pays en deux, on va créer la Roumélie, partie orientale, qui reste dans le giron de l’Empire Ottoman sous le statut de province autonome et est peuplée de bulgares, et le reste de la Bulgarie, partie occidentale, devient vassale du même Empire Ottoman !
L’Autriche-Hongrie obtient la Bosnie-Herzégovine et la Grèce obtient la promesse d’aménagements frontaliers sur sa frontière nord (Thessalie) ;
Le royaume uni obtient Chypre, la France obtient le droit de protéger les maronites au Liban et d’entrer en Tunisie, l’Italie obtient la Lybie.
La Roumanie qui s’est proclamée indépendante le 9 mai 1877 est reconnue lors de ce traité (auquel elle n’a pas été invitée), elle gagne la région nord de Dobrogea et le Delta du Danube ;
Ce redécoupage tiendra jusqu’en 1914, soit plus de 30 ans, secoué durant cette période par deux autres points, la déréglementation et les usuriers.
Il est impossible de ne pas faire un parallèle entre cette époque et celle récente qui a vu l’explosion programmée de l’ex-Yougoslavie en s’appuyant sur une partie du monde musulman. Encore une fois, il fallait diminuer la puissance du « monde » slave !
C’est également ce qui se passe en ce moment en Ukraine, une partie du pays est tournée vers l’Europe, l’autre restant slave et fière de l’être ; il faut encore une fois diminuer la puissance potentielle du monde slave alors l’UE pousse les gens dans la rue !
Voir ce lien : https://reseauinternational.net/2013/12/25/ce-qui-sest-vraiment-passe-en-ukraine-par-israel-adam-shamir/
3/-en parallèle, la déréglementation du crédit et des taux d’intérêt :
Jusque dans les années 1850 l’usure était fortement réglementée, les taux d’intérêts encadrés strictement (loi en Autriche dans ce sens en 1848, loi similaire en France et datant de 1807).
Un nouveau credo apparait : le capital est libre et l’Etat ne doit pas s’en mêler, la monnaie est un produit qui ne doit être basé que sur les lois de l’offre et de la demande, comme le crédit et les taux d’intérêt. Officiellement cette libéralisation doit amener à une diminution des taux, l’histoire va se charger de prouver le contraire, l’Etat était un régulateur, désormais il n’y a plus que la loi du marché ! Dans un pays comme la Roumanie où la libéralisation totale du crédit est décidée en 1868 (voir Mihai Eminescu dans « Chestiunea evreeasca » ((la question juive) livre qui n’est malheureusement pas traduit en langue française), c’est la porte ouverte aux usuriers, aux officines privées de récupération des dettes ; en 1868 seulement 70 ventes sur saisies sont effectuées, ce nombre va augmenter en exponentielle pour atteindre 817 en 1877 rien que pour la province de Bucovine ; en 1876 les taux d’intérêt passent à 33,96%. Des gens sont jetés à la rue, la misère remplace la pauvreté, les riches sont de plus en plus riches, les usuriers ont pignon sur rue ….
C’est exactement ce qui se passe dans l’UE, ce qu’on impose aux français, aux espagnols, aux portugais, aux grecs, etc ….
Vous avez dit confiance ? Rappelons-nous de l’histoire du XIXème siècle !
II/- Ukraine, effets Arseniuc et Poroshenko
Donc l’Ukraine se serait trouvé des chefs incorruptibles, ainsi pourrait dire et soutenir sans rire Bernard Henri Levy, le philosophe guerrier.
Hélas, 3 fois hélas, quand on regarde ce qui se pase dans ces pays que sont l’Ukraine, la Moldavie, la Roumanie, la Macédoine, la Bulgarie et la Turquie, nous trouvons une situation particulièrement cocasse. Disons cocasse et triste !
D’abord parlons du peuple ukrainien, car il faut bien un « mari trompé » dans ce genre d’histoire ; ils ont manifesté ensemble, les ukrainophones, les russophones, les tatarophiles, les roumanophiles, bref le peuple s’est mobilisé contre la corruption, tant celle de Ianoukovitch que celle de Timoshenko, en bref contre ces oligarques qui sévissent à Kiev, mais aussi à Istanbul, à Sofia, à Bucarest, à Chisinau.
Le résultat est édifiant, les oligarques sévissent toujours ici et ailleurs, et l’Ukraine a perdu la Crimée ! AU sujet de la Crimée il convient de rappeler qu’elle a été rattachée par Khrouchtchev (originaire d’Ukraine) à la République Socialiste Soviétique d’Ukraine, au temps donc où existait l’U.R.S.S. Cette Union a explosé, l’Ukraine est indépendante, la Russie n’a pas digéré ce cadeau devenu une perte sèche !
Ensuite parlons des corrompus qui gouvernent tous ces pays, récemment une députée européenne, Monica Macovei (roumaine) a proposé une loi très intéressante, en phase d’être mise en application dans tous les pays de l’Union. Il s’agit de pouvoir saisir les avoirs des « corrompus », même si ceux-ci ont entre temps divorcé, rétrocédé à leurs enfants ou grand-mères ces avoirs illégalement constitués. La réponse pour la Roumanie a été simple et rapide ; plusieurs magnats du football condamnés récemment à des peines de prison ont tout rétrocédé à leurs familles et se sont rendus aux forces de l’ordre, ils sont en prison et n’ont pas fait appel ! Le risque, s’ils font appel ? Report et application de la nouvelle loi, et donc saisie des immenses biens « volés » depuis la prétendue révolution de 1989 ! Mieux vaut un petit séjour en taule dans des conditions correctes, et avec des avoir intacts pour graisser la patte au taulier, que d’être un jour obligé de mettre ses enfants au travail pour gagner leur propre pain quotidien… impossible de ne pas voir, quand on vit à l’Est de l’Europe, que ce sont les mêmes qui actionnent en Ukraine, en Bulgarie, bref qui défendent leurs propres intérêts entre l’Europe unie et celle qui ne l’est pas encore. (voir le monde diplomatique de juin 2014 articles « Ballons, millions et postillons » et « une force d’appoint pour les révoltes politiques »)
Arseniuk et Porochenko ne seraient pas de ceux-là ? Ben voyons !!! Il sont encore en vie, ils sont au pouvoir donc ils font mécaniquement partie du troupeau des corrompus (rappelons-nous de Viktor Ioutchenko et sa tentative d’empoisonnement, puis sa mise à l’écart).
Continuons par le smicard français, car il y a un second mari trompé dans cette histoire ! Le ministre Moscovici, a récemment déclaré que le SMIC français était 300 euros mensuels trop élevé ; bel espoir pour notre ouvrier qui va devoir lutter contre 45 millions d’ukrainiens devenus européens, et dont le SMIC est de 130 euros par mois ! Comme si les SMIC roumains (150 euros) et bulgares (145 euros) ne suffisaient pas à nos multinationales pour augmenter, dans la joie et la bonne humeur des actionnaires réunis, leurs dividendes en voyant augmenter de concert la courbe du chômage !
En passant du côté de l’histoire récente, parlons de deux effets, l’effet Mayotte et l’effet Kosovo, le premier a vu la France annexer un Etat indépendant par un simple référendum, en 1976, quand Giscard et l’Opus Dei gouvernaient la France. Voir ce lien https://reseauinternational.net/la-crimee-est-russe-et-mayotte-est-francaise-ou-est-le-probleme/
A l’époque l’ONU a protesté, et au bout de 40 ans elle ne proteste plus, le temps efface bien des choses …
Si nous regardons l’effet Kosovo, l’analyse est radicalement opposée! Et pourquoi pas un référendum d’auto détermination en Catalogne (espagnols parlant le catalan), dans le pays des Sicules (roumains parlant le hongrois), dans la région de Van (turcs parlant le kurde) et pourquoi dans mon pays de naissance, le Val de Loire (français parlant le français)? Il est vrai que le droit à l’autodétermination des peuples est un droit à géométrie très variable !!!
Bref l’Union Européenne, conduite par le modèle allemand, veut une Europe à sa botte, avec des pauvres bien ciblés géographiquement, des riches pas trop nombreux mais bien riche, et le reste endetté jusqu’à la moëlle pour éviter les débordements et la paralysie des pays; une belle et bonne Europe où le pauvre a honte d’être pauvre, le riche est fier d’être riche et le cocu est content de ne pas être seul à payer les traites de sa maison, celles de sa voiture, les études de ses gosses. Finies les 30 glorieuses, voici les Misérables reloaded.
Et pendant ce temps là nos ennemis, l’ours russe et le dragon chinois se préparent à nous “secouer” avec, après le groupe de Shanghai et les BRICS, la création de l’Union Eurasienne … l’UE a du mouron à se faire !
III/- Ukraine : fallait pas écraser les pieds de l’ours à l’entrée de sa tanière !
L’histoire se répète, disons-nous souvent, mais parfois la répétition cafouille par manque d’organisation. On peut dire ce qu’on veut de Reagan, Bush père et Gorbatchev, mais il faut reconnaitre que le coup d’état en Roumanie, en décembre 1889, a été organisé de main de maître.
Cette fois nous avons assisté à un ratage exceptionnel, l’opération Ukraine présentant autant de différence avec celle roumaine de 89 que Rambo I avec Rambo IV.
Vous avez dit ignares ?
D’abord l’Occident, gouverné de plus en plus par des dirigeants arrogants et incultes, a pensé gérer le problème sans les russes malgré l’histoire de l’Ukraine, de sa capitale Kiev, des anciens dirigeants soviétiques comme Khrouchtchev et Brejnev originaires de ce qui est actuellement l’Ukraine, malgré la langue slave, l’alphabet cyrillique, la religion orthodoxe et le pouvoir des popes … bref en partant avec un handicap majeur !
Pire, cet Occident, éclairé par des philosophes guerriers visionnaires, a oublié une histoire commune à l’ensemble du peuple slave : sa lutte contre le nazisme et tout ce qui le représente, en soutenant des mouvements arborant la croix gammée et autres insignes interdits en Europe de l’Ouest. Bêtes, incultes, arrogants, et au bout du compte une opération digne de l’Inspecteur Gadget. 27 millions de russes, ukrainiens, sibériens, sont morts durant la IIème Guerre Mondiale, et ils vont applaudir le mouvement néo-nazi « Svoboda », ces démocrates occidentaux !!!
On peut comprendre l’animosité des polonais, des roumains, des pays baltes contre l’ancienne Russie, tant celle tsariste que celle soviétique, on peut comprendre qu’ils se méfient voire veuillent se venger, mais de là à anticiper des actions sans se renseigner, quelle prétention !
Photo : Humour occidental à la Femen
Récemment je suis « tombé » sur un article fait par un roumain, en voici la traduction en français :
« De la Russie : psychologie et politique :
En 1812 Napoléon a vaincu les russes à Borodino, puis il a occupé Moscou. N’importe quel monarque européen raisonnable aurait demandé, d’une manière civilisée, une paix. Le Tsar Alexandre 1er était alors de cette sorte de monarques, il s’était entendu avec Napoléon à Tilsit, en 1807. Cette fois, son esprit raisonnable a été accaparé par le sentiment du peuple contre l’occupant, et de ce fait il a refusé de négocier et a continué le combat.
Le résultat : les russes sont arrivés jusqu’à Paris où ils sont restés jusqu’en 1818.
En 1941 les armées allemandes se sont, elles aussi, approchées de Moscou. Une éventuelle victoire aurait pu signifier la fin de Joseph Visarionovitch Staline, celui-là même qui avait décidé la condamnation de millions de personnes durant la « Grande Terreur ». Néanmoins, au lieu de recevoir les allemands en libérateurs voire simplement avec indifférence, les russes se sont unis autour du géorgien du Kremlin, devenu défenseur de la « Mère Patrie ». Il est vrai que les allemands ont aussi tout fait pour réveiller l’adversité … ce qui n’a pas manqué de se savoir.
A l’opposé nous avons la guerre de Crimée, déclenchée par le Tsar Nicolas 1er en 1853, et terminée deux années plus tard, avec la défaite de Sébastopol. Une guerre qui, non seulement n’a pas déclenché de réel enthousiasme, mais aussi a fragilisé le régime au point que Alexandre II a été obligé d’entamer une politique de réformes. Nous pourrions dire la même chose au sujet de l‘intervention soviétique en Afghanistan.
Que pouvons-nous remarquer à partir de ces deux catégories d’exemples ?
En premier lieu que la Russie risque d’être vulnérable quand elle déclenche une guerre pour des motifs strictement liés à ses dirigeants, mais qu’elle devient implacable quand elle est provoquée, car c’est à ce moment que se réalise le lien moral entre ses dirigeants et la grande masse de la population, ce qui conditionne, et dans le cas de pays de la même taille nous pourrions dire qui assure, le succès militaire.
Le territoire et le nombre d’habitants permettent des retraits stratégiques et de refaire ses effectifs, choses susceptibles d’annihiler la supériorité technique et tactique de l’adversaire, comme cela s’est passé en 1812 et en 1941, tout en se confrontant aux meilleures armées européennes (nous nous référons bien entendu aux guerres conventionnelles).
Au deuxième rang on doit remarquer la psychologie spécifique aux russes, qui ne peut être adaptable au système de pensée et à la mentalité occidentale. C’est une psychologie affectivo-apocalyptique, centrée sur le sentiment final du destin, sur la mission historique de la Russie, et aussi sur la vocation du sacrifice pour ses semblables (les siens). C’est la psychologie des steppes, de l’immensité qui pousse à la fois à l’expansion et à la solidarité émotionnelle avec ses proches, et cela contre l’inconnu qui est de l’autre côté de l’horizon. A partir de là nous avons l’importance de la frontière dans l’histoire russe, doublée par la peur de l’invasion par l’étranger, saisissables depuis l’époque de la domination tatare jusqu’à ce qu’on peut appeler l’encerclement capitaliste.
Nous ne jugeons pas cette psychologie, nous l’enregistrons. Par elle sont nées des séries de chefs d’œuvres littéraires et artistiques, en parallèle avec une culture inclinée vers le maximalisme éthique et les méthodes radicales. Nous remarquons simplement la différence avec la psychologie cartésienne et pragmatique de l’Occident, plus concentrée sur le calcul opportuniste et individualiste que sur l’investissement affectif et par le sacrifice personnel par amour d’une existence morale supérieure, qu’elle soit l’orthodoxie, l’idée communiste ou la Patrie. C’est de là que nous avons l’explication du comportement « déraisonnable » de 1812 et de 1941, ce qui bouleverse la structure occidentale de compréhension de la politique.
Aujourd’hui, il n’y a aucun doute que la mentalité collective des russes a changé. La Mode venue de l’ouest, le consumérisme, la globalisation induisent d’autre sensibilités et attentes, de facture mercantile et hédoniste. Toutefois ce qui reste est le patriotisme lié à la gloire de l’époque impériale, le prestige international, des choses qui motivent les russes depuis au moins deux siècles. Encore beaucoup d’entre eux peuvent supporter le manque et les vexations, si leur pays est une grande puissance.
Ceci est la psychologie qui soutient le « poutinisme ». L’ascension de Vladimir Poutine s’est produite, d’une part comme réaction du complexe militaro-industriel face à la suprématie publiquement vue des oligarques dans les années 1990, d’autre part en réponse aux attentes d’une population en voie de paupérisation, lequel leur a offert la compensation idéale par leur appartenance à un Etat qui compte dans le monde.
Les puissances occidentales ont négligé cet aspect, ou tout simplement elles ne l’ont pas compris, quand elles ont forcé le détachement de la Russie par l’Ukraine, en utilisant la violence de Maidan. C’est ainsi qu’elles ont réussi à réactiver le sentiment d’agression venant de l’extérieur, c’est-à-dire exactement ce qu’il ne faut pas faire avec les russes. Maintenant Vladimir Poutine contre-attaque et réussit un coup double : il annexe la Crimée et se refait une popularité partiellement érodée ces dernières années.
La morale, exprimée de manière plus familière, est qu’il n’est pas indiqué de donner aux russes une chiquenaude, car ils risquent de déclencher une bagarre. »
Fin de la traduction.
Nota ; Pour les gens intéressés à la version en original, voici le lien : http://www.argumentesifapte.ro/2014/03/19/despre-rusia-psihologie-si-politica/ , publié le 19 mars 2014 par Alexandru Mamina
IV/- L’Ukraine, une bombe à nos portes!
Il aura fallu une quinzaine d’années pour que l’effet Kosovo nous pète à la figure, et ceci d’une manière manifestement imprévue par les apprentis-sorciers qui avaient cru qu’on pouvait attaquer un des berceaux de la religion chrétienne orthodoxe sans n’avoir jamais un effet boomerang.
Dans un première partie j’ai tenté de rappeler que l’Occident luttait déjà contre le « panslavisme » au XIXème siècle, faisant et défaisant des traités dès lors que la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne n’y trouvaient pas leur compte.
Ensuite j’ai voulu aborder le problème interne à l’Ukraine, que l’on trouve de manière totalement similaire en Europe de l’Est (Roumanie, Moldavie, Bulgarie, …), à savoir une corruption chronique et généralisée dans laquelle tout politicien s’est fourvoyé, et un système où le népotisme fonctionne hors de toute limite.
Enfin j’ai tenté de rappeler que s’attaquer à la Russie, la vraie, celle éternelle, avait toujours été suivi de réactions que l’Occident ne pouvait comprendre, du fait d’une méconnaissance totale de « l’âme slave » et de la valeur de la vie humaine.
Je souhaite maintenant aborder le problème sous des angles peu connus voire totalement ignorés, à savoir :
1/-l’ouest ukrainien et l’entre deux guerres
Dans la carte jointe (datant de 1938) on peut constater qu’entre les 2 guerres l’ouest ukrainien a été, avant tout, autre chose qu’ukrainien ! La Moldavie (capitale Chisinau, actuelle république de Moldavie ayant choisi le statut d’Etat neutre) était roumaine. L’actuelle Ukraine avait comme frontière commune avec la Roumanie les départements de Hotin et Soroca au nord est (désormais intégrés dans la Moldavie), ceux de Ismaïl et de Cetatea Alba à l’est, directement au sud d’Odessa (désormais intégrés à l’Ukraine), et la Tchécoslovaquie et la Pologne possédaient elles aussi une grande partie de cet ouest ukrainien ; donc on parlait le tchèque, le polonais, le roumain dans ce « far-est », et l’on était qui catholique, qui protestant, qui orthodoxe. C’est de ces territoires devenus « URSS » après Yalta qu’ont émigré entre les deux guerres tant de familles juives (telles Drucker, Copelovici, le grand-père de Mme Gravoin épouse de Manuel Valls, etc …). Cet ouest ukrainien n’a pas d’identité commune aux plans historique, culturel, religieux, c’est avant tout un melting-pot et encore de nos jours les anciennes régions roumaines, polonaises et tchèque ont gardé les noms historiques de leurs villages, parlent leur langue originelle et écrivent en alphabet latin alors que le cyrillique est la règle.
400.000 roumains vivent dans l’actuelle Ukraine, essentiellement dans les anciennes préfectures roumaines de Radauti, Storojinet, Cernauti, Hotin, Dorohoi, Cetatea Alba, Ismail ; ils pourraient faire partie de l’UE si le gouvernement roumain faisait son travail, à savoir défendre les intérêts de sa population historique… mais, mais, mais … la Roumanie a en son sein un problème majeur, celui de la minorité hongroise (départements de Covasna et Harghita), 90% de « magyarophones » en plein milieu du pays ! C’est d’ailleurs à cause de ce problème que la Roumanie n’a toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo, ayant peur d’un effet boule de neige. L’Espagne non plus n’a pas reconnu cet Etat mafieux, pour cause de Catalogne.
Hormis des accords spécifiques entre la Roumanie et la Moldavie, le rêve de reconstitution de la Grande Roumanie ne se fera pas, sauf si l’Ukraine implose, ce qui n’est pas impossible du fait de la révolte des russophones que Kiev veut éliminer physiquement en bombardant les villes, en utilisant des bombes au phosphore et à fragmentation sur les populations civiles, bref en choisissant délibérément l’option guerre civile.
2/-la Transnistrie et la Moldavie, entre Roumanie et Russie
Depuis quelques années on nous fait passer la Transnistrie comme une république de pacotille, un « machin » créé de toute pièce par la Russie. Sur la carte jointe (agrandissement de la précédente) on peut voir que cette Transnistrie existait déjà entre les deux guerres, elle faisait partie de l’Union Soviétique et s’appelait RASS moldave (République Autonome Socialiste Soviétique). Pourquoi Transnistrie ? Parce que le fleuve qui la sépare de la Moldavie s’appelle en roumain « Nistru », en France nous l’appelons le Dniestr. Quand l’empire soviétique s’est désagrégé cette république autonome n’a pas accepté d’être intégrée dans l’Ukraine, et ce d’autant plus qu’elle était fortement peuplée de russophones et de roumanophones. Il est toujours difficile de gérer l’avenir de régions reconnues comme autonomes en leur donnant de nouveaux chefs, de nouvelles lois, une nouvelle langue, une autre religion … bref de nier leur histoire et leur évolution. Comme entité géographique la Transnistrie n’a aucun avenir, comme entité historique et culturelle, elle existe et le fait savoir, ce sera difficile pour l’Ukraine de régler cette situation sans bain de sang, mais dans cette partie de l’Europe, la vie humaine n’a pas le même sens qu’en Occident.
3/-la religion orthodoxe
Nous touchons le cœur du problème, l’Ukraine est orthodoxe, catholique, protestante, musulmane selon qu’on est de l’ouest, du sud, de l’est, d’origine roumaine, polonaise, tatare, tchèque, hongroise, russe. L’Ukraine a même été peuplée de nombreux juifs quand le saint empire romain-germanique bloquait à ses frontières ces citoyens « dangereux »!
Etre Chrétien Orthodoxe représente une identité, une croyance, des coutumes assez éloignées de celles du monde catholique. Quand l’Occident transforme le blasphème en émanation de la pensée individuelle et en liberté d’expression, l’Orient y voit une injure gravissime. Ainsi les artistes appelées « Pussy Riot », plus connues pour leurs vidéos « X » que leurs chansons et musiques, s’en sont pris officiellement (pour l’Occident) à Vladimir Poutine ; en réalité elles sont intervenues dans des églises orthodoxes, un lieu où le président Poutine n’a aucun pouvoir ! Leur ennemi était Poutine, c’est la religion qui désormais les voit comme des ennemies … cette religion est forte, prégnante, elle est aussi proche du monde slave. L’Occident, avec les fonds de Georges Soros, a décidé d’attaquer ces fondements religieux ; en finançant les « Femen » il a créé un outil de déstabilisation dont l’Occident, France en-tête, s’est emparé. Comment croire qu’une « nénette » sans soutien-gorge ni t-shirt ait pu s’introduire au Musée Grévin avec une arme et massacrer un statue de cire sans qu’aucun gardien n’ait pu intervenir, et avec des photographes présents pour immortaliser cet évènement ? Tout était organisé à l’avance, avec la complicité du gouvernement français, triste gouvernement réduit à se servir de tels expédients!
Il est une autre approche de cette situation, le monde chrétien orthodoxe a gardé une identité religieuse forte avec une hiérarchie nationale, le monde catholique lui a choisi d’internationaliser sa hiérarchie et cette identité religieuse nationale s’est dissoute, bref nous sommes extrêmement loin d’une position, d’une attitude et d’une politique cohérentes entre ces deux mondes, et sur de nombreux points. En corollaire, quand l’OTAN prend fait et cause pour l’Ukraine et ses ministres néonazis, elle ignore l’influence du fait religieux en Bulgarie, en Roumanie et chez les chrétiens orthodoxes ukrainiens. Elle ignore aussi le choc qu’a représenté le soutien au Kosovo musulman.
Alors l’Ukraine dans l’Union Européenne, oui mais quelle Ukraine ?
La catholique de l’ouest avec ses racines polonaises, la roumaine orthodoxe ancrée au sud, ou bien la russophone orthodoxe bien ancrée à l’est et au sud? Pour le moment ce pays compte ses morts et cherche ses frontières, organise une élection présidentielle sur les deux tiers de son territoire, veut le gaz russe sans devoir le payer, est au bord de la banqueroute et attend le soutien d’un Occident qui n’a pas vraiment envie d’entrer en guerre pour le Donbass. Les terres noires de l’ouest ukrainien sont intéressantes pour les fermes aux mille vaches, les habitants le sont beaucoup moins pour une Union Européenne incapable de résorber le chômage et de gérer les ouvriers migrants venant de Bulgarie et Roumanie, et encore moins les trains de migrants venus de contrées plus lointaines.
Carte de la RASS moldave en 1938 (actuelle Transnistrie)
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