Manquait un hommage dans les « Textes offerts à Alain de Benoist à l’occasion de 80e anniversaire » réunis par Guillaume Travers : celui d’Olivier François. Le voici, publié sur le site, l’hommage à un hommage, par celui qui signe l’éditorial culturel dans chaque livraison d’« Éléments ». Lui qui est un des piliers de cette « confrérie secrète, polycentrique, labyrinthique » que sont les amis d’Alain de Benoist.
La distance entre le réel et ses représentations m’a toujours surpris. Le mensonge social contemporain n’arrange évidemment pas les choses. Il se colporte ainsi sur le compte de notre ami Alain de Benoist non pas seulement de mesquines calomnies, mais de fausses images qui voilent la vérité de l’homme et de son œuvre. Selon des imbéciles ou des ignorants, il serait un dogmatique maître-penseur, un stratège retors et cynique pour qui les idées ne sont que des instruments de domination. Il serait également, au choix, un « pape de la Nouvelle Droite », un austère fanatique de l’antichristianisme, un théoricien de la guerre des races, un obsédé de la biologie ou même, selon un ancien député-maire aujourd’hui heureusement oublié, « le fondateur d’un Groupe de recherche et d’études pour l’Europe chrétienne et l’idéologue d’une France férocement néo-réac ». Et l’on devrait se méfier d’un tel monstre, dresser autour de lui un cordon sanitaire et lui interdire la parole, car il constituerait un véritable danger pour nos libertés… J’exagère à peine. J’ai souvent entendu de telles absurdités lorsque j’ose simplement citer le nom d’Alain de Benoist, y compris dans des milieux qui se targuent d’anticonformisme et prétendent lutter contre la « pensée unique ». La mauvaise foi et la bêtise sont parfois désespérantes, mais mieux vaut les mépriser et hausser les épaules. Les livres de Fabrice – car c’est ainsi qu’on l’appelle – et son inlassable activité de défricheur et de passeur d’idées témoignent de toutes les manières contre ces allégations aberrantes. À 80 ans, notre ami garde en outre une juvénile curiosité bien rare sur une scène intellectuelle française de plus en plus provincialisée, partagée entre des intellos blasés et routiniers et de petits flics militants. Mais devons-nous répondre à des médiocres qui disparaîtront sans laisser de trace ?
Saisir les temps – et les dépasser
Dans le précédent Liber amicorum publié en 2013, j’écrivais qu’Alain de Benoist était « l’homme des synthèses nécessaires », car il réconciliait l’exigence de l’enracinement, la plus longue mémoire et une critique sociale audacieuse, radicale, qui va au fond des choses. Dix ans après, cela me semble toujours le cas. Alain de Benoist, Dieu merci, ne sera jamais un pourvoyeur de slogans. Il nous aide à penser, parfois contre nous-mêmes, parfois contre nos réactions spontanées et certaines de nos nostalgies. Il n’est pas un gourou complaisant qui flatte des disciples et entretient leur confort intellectuel. Il a mieux faire : chercher à saisir son époque, à en comprendre la singularité, à en évaluer les lignes de force. Nous aider à échapper aux impasses des pensées figées ou résignées, pour trouver les conditions d’une véritable libération.
J’ai souvent entendu le regretté Vladimir Dimitrijević s’exclamer : « On continue ! » Ces simples mots me paraissent convenir très bien à notre ami Fabrice. Oui, on continue, malgré les misères du temps, les conspirations du silence, les entrepreneurs en repentance et les diverses flicailles idéologiques. On continue pour le plaisir, pour l’amitié, pour la fidélité, pour le bonheur et l’honneur de penser contre ce temps, en faveur, peut-être, d’un temps, à venir.
Photo : Alain de Benoist et Olivier François lors d’une émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit ».