dimanche 31 décembre 2023

Le fémur de la discorde. Toumaï est-il vraiment le 1er hominidé ?

 

Crâne Toumaï Fémur Brunet

C’est un débat d’ampleur mondiale qui est né récemment à Poitiers. Michel Brunet, qui a dirigé l’équipe ayant découvert le fossile du premier hominidé au Tchad en 2001, a-t-il sciemment mis de côté un fémur qui remettrait en cause le caractère bipède de Toumaï ? Le polémique enfle et ses explications évasives au micro de France Inter ne la calmeront certainement pas.

Avec ce fémur, Brunet est-il tombé sur un os ?

Le 22 et le 23 janvier, de manière quasi-simultanée, Nature puis Dans les pas des archéologues – le blog du journaliste du Monde Nicolas Constans – publient deux articles expliquant qu’un fémur découvert à proximité du crâne de Toumaï a été mis à l’écart et n’a pas été analysé par l’équipe de son découvreur, Michel Brunet.

Michel Brunet Toumaï Fémur
Michel Brunet

Dans ces deux enquêtes fouillées, la chronologie des événements est soigneusement retracée. En 2001, découverte du crâne de Toumaï. Dans les années qui suivent, succès mondial pour Michel Brunet et son équipe. En 2002, l’équipe de Brunet publie l’analyse des ossements retrouvés sur place au Tchad mais ne mentionne pas le fémur !
En 2004, une jeune étudiante travaille sur des ossements divers et variés retrouvés au Tchad. Voulant couper certains de ces ossements, elle contacte alors un spécialiste des ossements qui enseigne à l’université : Roberto Macchiarelli. Immédiatement, l’enseignant comprend qu’il est en face d’un fémur important. Plus question donc de le couper.

Entre 2004 et 2005, deux articles sont publiés sans faire mention de ce fémur même si, en 2005, dans un entretien accordé à Libération, il déclare : « Toumaï ne se déplaçait pas comme moi et il nous faudra décrire des os post-crâniens [de membres] pour prouver la bipédie, mais c’est prévu. Je serais surpris que l’on conclue qu’il n’est pas un bipède. »

Pendant ce temps, Roberto Macchiarelli et l’étudiante ayant découvert les os décrivent un climat pesant qui amène les deux chercheurs à prendre leurs distances avec cette affaire.

Les médias déterrent l’affaire Toumaï

En 2008, Alain Beauvilain – ancien membre de son équipe, licencié par Brunet, et en pleine guerre avec lui – évoque ce fémur, caché par Brunet.
En juillet 2009, Nicolas Constans – alors journaliste pour La Recherche – publie un article sur ce fémur : « Le crâne de Toumaï est considéré par de nombreux paléontologues comme celui plus ancien hominidé connu, Sahelanthropus tchadensis. La position du trou où s’encastrait sa colonne vertébrale indique qu’il était probablement bipède. Mais pour savoir comment il marchait, il faudrait un os de sa jambe. Malheureusement, aucun n’a été trouvé sur le site, comme le précisait en 2002 le CNRS. Or, une photographie du jour de la découverte vient d’être publiée ». Cette fameuse photographie montre clairement qu’un fémur a été découvert lors des fouilles. A l’époque, Michel Brunet – pourtant interrogé par Constans – refuse de confirmer ou d’infirmer cette information.

Une attitude étrange qui attire l’attention de la communauté scientifique internationale. Ainsi, John Hawks, publiait un article sur le sujet en juillet 2009.

Brunet, incapable de convaincre sur le fémur de Toumaï ?

En 2017, lors d’une conférence scientifique à Poitiers, Roberto Macchiarelli décide de prendre la parole publiquement et d’exiger la publication du fémur.
« Bien sûr que j’ai du ressentiment vis-à-vis de certains, mais j’ai tout de même réussi à mener ma carrière scientifique, raconte Roberto Macchiarelli selon Nicolas Constans. Aujourd’hui, j’ai 63 ans, je n’ai plus rien à prouver, et je suis simplement en colère qu’un fossile aussi important pour l’histoire de l’humanité reste dans un tiroir, suscitant les rumeurs et les fausses informations »

Le débat contradictoire avec Brunet demandé par Macchiarelli est refusé par la Société d’anthropologie de Paris mais – selon 7 à Poitiers – Brunet jure à Sciences et Avenir qu’il va « publier les résultats de l’étude sur le fémur dans les meilleurs délais » tout en déclarant au média local poitevin que la pièce est « trop fragmentaire » pour en tirer des conclusions et que, de toute manière, « il n’existe pas de connexion anatomique entre ce fémur et Toumaï, ce qui reste un préalable en paléoanthropologie. »

Même réponse sur France Inter le 2 février dernier où Michel Brunet s’exprimait, le fémur original à la main.

Cette absence de liaison physique entre le fémur et Toumaï lors de la découverte de ce qui reste le premier hominidé au monde risque de faire taire toute polémique. En effet, même si le fémur révélait que son propriétaire était quadrupède et pas bipède, le fait qu’il ne puisse pas formellement être relié à Tumaï protégerait de toutes critiques Michel Brunet.

Reste que son incapacité à expliquer la non-publication du fémur pendant de nombreuses années alors qu’il s’agissait d’une pièce fondamentale pour un paléoanthropologue est troublante. Dans cet entretien à France Inter, Brunet est resté largement évasif et n’a finalement pas répondu à beaucoup de questions sur le fond.
Ceux qui doutent de sa sincérité ne risquent donc pas de changer d’avis de sitôt.

Crédits photos : Didier Descouens [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons / Ludovic Péron [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
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