Aktion T4 est le nom, donné après la guerre, à la campagne nazie d’extermination des personnes adultes handicapées mentales ou physiques qui dura de janvier 1940 à août 1941. Ce seul programme fit entre 70 000 et 80 000 victimes allemandes. Bien au-delà de l’euthanasie (Mort sans douleur), ce fut un holocauste psychiatrique, préfiguration conceptuelle en même temps que technique et administrative de l’extermination des Juifs d’Europe (Shoa).
Dans l'esprit d’Hitler, le darwinisme apportait la justification morale de l'infanticide, de l'euthanasie, et par la suite du génocide. Il lui permettait d'atteindre son objectif : la perfection biologique de la race nordique.
Bien que déjà présente dans Mein Kampf, cette idéologie de l’eugénisme n’est pas spécifique au National-socialisme. Elle fut même très à la mode à partir du début des années 1920 dans les milieux progressistes européens et américains. Elle fut même la justification de la création aux Etats-Unis de l’association du planning familial et de son très controversé programme d’extermination de la communauté noire par la contraception obligatoire.
Le mouvement eugénique tend à créer une hiérarchie de races ou de groupes sociaux, plus ou moins valables, plus ou moins susceptibles de dégénérer. Afin d’améliorer la race humaine, les eugénistes font la chasse (Encore de nos jours) aux plus fragiles qui contrarient l’avancée vers la perfection de la race humaine. Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine 1912, fut un des ténors de ce courant de pensée. N’a-t-il pas écrit : « Beaucoup d'individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l'hygiène et de la médecine ». Individus inférieurs, c’est déjà le concept de sous-race national-socialiste.
Le mouvement eugéniste, avec son idéologie bio-médicale, avait une grande influence en Amérique et en Europe avant l'arrivée des nazis au pouvoir en 1933. Dès cette date, il a trouvé en Allemagne des conditions favorables à la mise en œuvre de ses propositions les plus radicales.
Dès son arrivée au pouvoir, Adolf Hitler va mettre en œuvre les nombreuses propositions du courant eugéniste allemand. 14 juillet 1933 : Loi portant obligation de stériliser les patients atteints d’une maladie héréditaire ; seule l’Eglise catholique s’y opposa. A partir de 1933, campagne cinématographique intense dénonçant le coup pour la société de « ces inutiles » à la Nation. Trois autres lois eugénistes vont être mises en application : Loi sur les criminels irrécupérables et dangereux ; Loi d’organisation unifiée du système de santé ; loi sur les examens prénuptiaux. La communauté scientifique accueillera favorablement les lois imposant la stérilisation des « êtres inférieurs ».
Le programme Aktion T4 d'extermination des personnes handicapées majeures fut envisagé par Hitler de longue date : Il l'évoque en 1933. Mais des fortes réticences des milieux médicaux et juridiques font qu’il renonce. Il faudra le déclenchement de la seconde Guerre mondiale et le durcissement idéologique du Régime nazi pour voir sa mise en œuvre de façon radicale.
En juillet 1939, lors d'une réunion entre dignitaires nazis, Hitler envisage l'extension des mesures de destruction des « vies sans valeur » déjà mises en œuvre pour les enfants handicapés et d'incorporer les malades psychiques adultes au programme d'assassinat.
Rédigée au cours du mois d'octobre mais antidatée au 1er septembre 1939 pour coïncider avec l'invasion de la Pologne qui marque le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l'« autorisation » d’Hitler ne repose sur aucune base juridique. Refusant de promulguer une loi en la matière, parce qu'il craint la mise en place d'une bureaucratie pesante et des contraintes juridiques, Hitler se limite à donner une « permission » écrite en dehors du cadre gouvernemental. Il nomme pour réaliser cet holocauste le responsable de l’euthanasie des enfants, Philipp Bouhler.
Va alors commencer une gigantesque opération de camouflage comme ce sera le cas pour la Shoa. Outre le nom de code de l'opération elle-même, les centres de mise à mort ont des noms codés constitués d'une lettre, de A à E ; les dirigeants de l'Aktion T4 et les médecins qui travaillent à son siège central prennent des noms d'emprunt. Les organisations créées pour servir de couverture à l'Aktion T4 portent des noms anodins dissimulant leur caractère mortifère, comme la Fondation caritative des soins en institution, chargée de l'embauche du personnel, ou le comité chargé des asiles psychiatriques du Reich, qui est chargé de la correspondance avec les institutions à propos de l'inscription et du transfert des patients.
Pour ne pas éveiller les soupçons des familles, chaque certificat de décès va être falsifié. Cette falsification doit éviter qu'un grand nombre de décès ne soit relié à un endroit et à une période particulière. Les décès sont donc attribués à des causes reliées à l'état de santé des victimes ou à des maladies ou infections qu'elles auraient pu contracter. Il n'est pas exagéré de dire que le rôle « médical » premier — et peut-être le seul — des médecins des centres de mise à mort consistait à déterminer la falsification la plus crédible des certificats de décès de chaque victime.
Ce qui est tragique, c'est qu'aucun de ces médecins n'eut besoin d'une loi pour participer à cette entreprise d'euthanasie. Aucun d'entre eux n'hésita sérieusement à participer à une telle entreprise. Sans y avoir été contraints en aucune façon, ils élaborèrent eux-mêmes les règles déterminant si tel patient devait vivre ou mourir. Leur participation fut entièrement volontaire et inconditionnelle.
Au fur et à mesure que l'entreprise d'extermination se développait, les victimes ne furent plus seulement les malades mentaux ou les handicapés physiques gravement atteints, mais tous les patients « indésirables » internés dans les asiles. Les patients juifs furent l'objet d'un sort particulier : Concentrés dans quelques asiles, ils ont été presque tous gazés à Brandebourg-sur-la-Havel à partir de juillet 1940.
Alors que, dans le cadre du programme d'« euthanasie » des enfants (Il fut le premier programme à être mis en œuvre et fit plus de 5 000 victimes entre 1939 et 1945), les enfants handicapés étaient assassinés par injection de morphine-scopolamine, par l'ingestion de comprimés de luminal ou par sous-alimentation, le gazage au moyen de monoxyde de carbone fut choisi comme méthode de mise à mort de préférence à l'empoisonnement médicamenteux. Ce mode d'assassinat n’était pas une nouveauté d’Aktion T4 ; il avait déjà été utilisé sur des malades mentaux polonais, après l'invasion du pays, à l'automne 1939 à Poznań, puis en Prusse orientale. Il sera employé à partir de janvier 1940 dans le cadre de ce programme d’euthanasie.
Compte tenu du nombre important de personnes recensées, entre 1939 et 1941 six centres de gazage ont été mis en service dans le Reich pour réaliser cette campagne d’euthanasie des personnes adultes handicapées.
Le bilan est terrible :
- Centre A (Grafeneck) 10 654 victimes (20 janvier 1940 à décembre 1940)
- Centre B (Brandebourg-sur-le-Havel) 9 772 victimes (8 février 1940 à octobre 1940)
- Centre C (Schloss-Hartheim) 18 269 victimes (6 mai 1940 à décembre 1944)
- Centre D (Pirna sommestein) 13 720 victimes (Juin 1940 à septembre 1942)
- Centre B (Bernburg) 8 601 victimes (21 novembre 1940 à 30 juillet 1943)
- Centre E puis A (Hadamar) 10 072 victimes (Janvier 1941 à 31 juillet 1942)
Aktion T4 fut officiellement arrêtée le 24 août 1941 suite à la protestation publique de l’Eglise catholique allemande qui connaitra un large écho. Si une critique fut émise dès le 2 décembre 1940 par le Vatican, C’est à l’évêque de Munster, Clemens August von Galen que l’on doit le sermon lu en chaire le 3 août 1941. Il y exprime toutes les critiques sur ce programme : « Il y a un soupçon général, confinant à la certitude, selon lequel ces nombreux décès inattendus de malades mentaux ne se produisent pas naturellement, mais sont intentionnellement provoqués, en accord avec la doctrine selon laquelle il est légitime de détruire une prétendue « vie sans valeur »[...] Une doctrine terrible qui cherche à justifier le meurtre des personnes innocentes, qui légitime le massacre violent des personnes handicapées qui ne sont plus capables de travailler ! [...] Si on l'admet, une fois, que les hommes ont le droit de tuer leurs prochains « improductifs » [...], alors la voie est ouverte au meurtre de tous les hommes et femmes improductifs [...]. La voie est ouverte, en effet, pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs. Alors on aura besoin seulement qu’un ordre secret soit donné pour que le procédé, qui a été expérimenté et éprouvé avec les malades mentaux, soit étendu à d'autres personnes « improductives » !
Cette décision d'arrêter l'opération fait suite aux protestations de Mgr Galen, à l'obstruction de nombreuses infirmières et aides-soignants, à l'inquiétude exprimée de plus en plus ouvertement par les parents, amis et voisins des victimes. Elle découle aussi de la crainte de Hitler de se voir rendu directement responsable des assassinats et du fait que le quota de 70 000 victimes qu'il avait initialement fixé a été atteint et même légèrement dépassé.
Le nombre des victimes de l’ensemble des programmes de « guerre contre les malades » est estimé à 260 000 personnes. Ont été mis en œuvre : L’Euthanasie des enfants (1939 à 1945) ; l’euthanasie des adultes handicapés (1940 à 1945) avec Aktion T4 (Programme centralisé d’assassinat par le gaz) ainsi que des programmes décentralisés d’assassinat médicamenteuse ou par sous nutrition (En remplacement d’Aktion T4) ; Aktion 14f13 concernant les invalides et les détenus (Avril 1941 à décembre 1944) ; Aktion Brandt concernant les malades incurables afin de dégager des lits d’hôpitaux à la fin de la guerre (Juin 1943 à 1945).
Après l’arrêt du programme Aktion T4, les participants seront employés dans un autre programme d’extermination nazi, le programme Aktion Reinhard. Celui-ci avait comme objectif l’extermination systématique des juifs et des roms de Pologne. De mars 1942 à octobre 1943, date de fin de ce programme, 50 000 roms et plus de deux millions de juifs polonais périrent victimes de la barbarie nazie. Aktion Reinhard est la première étape de la Solution finale de la question juive en Pologne. Il ouvre la voie à la Shoa.
Terrible bilan des propositions les plus extrêmes du courant progressiste eugéniste des années 1920. Alors qu’un conseiller influant de présidents de Gauche propose d’euthanasier les retraités, qu’un enfant malade anglais est assassiné à cause des coûts médicaux pour la société… la bête immonde est toujours active. Soyons vigilant !
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