Notons également que l'immigration, dès ses débuts, a brisé les solidarités ouvrières spontanées et naturelles en hétérogénéisant les masses travailleuses. L'immigration a ainsi, en Wallonie et en Campine, ruiné la combativité ouvrière en disloquant sa cohésion ethnique. Une classe sociale laborieuse qui n'a plus d'homogénéité, plus de chansons de combat, plus de souvenirs communs, est condamnée à être absorbée et digérée dans le ventre mou du libéralisme. Les insurrections ouvrières de longue durée, comme celle de l'hiver 60-61 ou celle du Limbourg en 1966-67 (parallèle à celle de la Ruhr), ne sont plus possibles désormais. L'immigration a été une arme particulièrement pernicieuse, utilisée par le capital vagabond et cosmopolite, pour anéantir l'esprit de résistance de nos peuples ; la social-démocratie et la gauche hystérique et immigrationniste ont été les complices honteuses de ce forfait.
On peut mesurer là toute l'hypocrisie des belles âmes qui, aujourd'hui, au PCB ou au PTB, veulent simultanément défendre la classe ouvrière et le principe économique de l'immigration, en occultant bien le fait que la stratégie économique qui consiste à utiliser de la main-d'œuvre sans racines casse les reins à toute résistance populaire naturelle et permet au capital international de déplacer ses fonds sans risque de révolte. PCBistes en voie de disparition et nervis PTBistes constituent donc de ce fait le “bras armé du capital”, rôle qu'ils attribuent dans leurs discours à un “fascisme” définitivement disparu depuis 1945. Comparons la pauvre révolte, avortée, des mineurs turco-campinois à celle, dure et implacable, des mineurs britanniques contre Thatcher…
Le secret de cette longue résistance, de cette admirable tenacité, est simple : les mineurs britanniques sont tous des British people, enracinés dans leurs corons depuis des générations. Ces mineurs anglais ont peut-être dû courber l'échine devant Thatcher mais ils lui ont donné un tel fil à retordre qu'elle hésitera désormais à les affronter. De quoi faire réfléchir les PTBistes quant à la cohérence des discours annonés par leurs intellectuels ; je le dis sans volonté de polémique gratuite car je fus de ceux qui admirèrent sans l'ombre d'une hésitation la campagne de solidarité à l'égard des mineurs britanniques, entreprise par des militants du PTB : c'était une belle manifestation de solidarité européenne. Mais à quoi sert une solidarité ponctuelle, même bien synchronisée et organisée, si l'incohérence doctrinale est le lot quotidien du parti ?
Nord-Africains et Beurs : les faux chiffres officiels de l'immigration
Un dernier point, qui nous concerne directement, nous Bruxellois, c'est celui de la tricherie quant aux chiffres réels de l'immigration. Les instances officielles, relayées par les bonnes consciences et par la bourgeoisie qui se pique de culture et joue aux bons apôtres humanitaristes, ne signalent qu'une présence fort limitée de citoyens Nord-Africains en Belgique. Une simple promenade à Bruxelles-Ville, à Saint-Josse, Saint-Gilles et Schaerbeek, voire ailleurs dans l'agglomération, infirme de façon flagrante ces chiffres. Or, ils sont vraisemblablement exacts, puisque l'immigration clandestine, sans doute bien réelle, ne fait pas varier les chiffres outre mesure. Pourquoi y a-t-il alors une telle différence entre les chiffres officiels et la réalité criante de la vie quotidienne à Bruxelles ? Parce qu'un grand nombre de migrants de souche maghrébine sont tout simplement des citoyens français, des ressortissants de la CEE, et ne sont pas comptabilisés dans les totaux relatifs aux 3 États nord-africains ! Ce qui est inquiétant, dans ce cas, c'est que ces masses jouissent de la libre circulation dont profitent les ressortissants de la CEE.
Si les citoyens algériens, marocains et tunisiens peuvent être expulsés avec plus d'aisance en cas de comportement délictueux, ces “Français” de fraîche date bénéficient des atouts que leur confère leur nationalité et des accords spéciaux signés entre la France et la Belgique. L'Algérien, le Marocain et le Tunisien ont un statut moins stable et ne verseront de ce fait pas facilement dans la délinquance. Ils demeurent attachés à leur terre natale, gardent souvent une vieille sagesse paysanne, ne s'intègrent pas dans la décadance occidentale et conservent leur culture riche et bien adaptée, leur équilibre psychique. Les “Français” beurs, eux, sont des déracinés, rendus souvent agressifs à cause de cette perte tragique et abominable d'identité ; les réflexes de retenue morale, que possède tout individu enraciné dans un cocon culturel précis, tombent très souvent chez le déraciné, disparaissent dans les affres de l'urbanisation et du néo-esclavagisme. Celui ou celle qui possède une nationalité factice, qui ne correspond pas à son lieu d'origine, à sa proximité originelle (pour parler comme Heidegger), est une victime dont l'inconscient se venge, parfois cruellement.
Mais l'autochtone, qui puise dans son humus naturel une sérénité existentielle et veut la faire partager aux siens, a le droit de se rebiffer contre les agressions sociales provoquées par un système économico-social qui pervertit foncièrement les “autres”, ceux qu'il va aller séduire aux 4 coins de la planète par la promesse d'un paradis matériel, lequel s'avèrera, en fin de compte, pure fiction. La prise de conscience de cette “fiction”, déclenche, chez beaucoup de Maghrébins, affublés ou non de la citoyenneté française, le désespoir et, partant, une agressivité irrationnelle à l'endroit d'un système qui les a trompés et grugés, agressivité qui sera souvent vectrice de petite criminalité. C'est donc surtout avec Paris qu'il faudra règler le problème de cette délinquence juvénile qui est ethniquement non européenne mais juridiquement française.
Refuser les simplismes de la xénophobie et prendre exemple sur les États est-européens
Notre refus de l'immigration non europénne et de l'immigration de citoyens français à nationalité factice ne relève nullement du racisme (les races existent et enrichissent notre planète par leur diversité) ou de la xénophobie (chaque peuple a droit à sa terre et à faire de sa terre le lieu d'émergence d'une identité, identité qu'il offrera au regard des autres peuples comme l'artisan ou l'artiste présentent leurs œuvres, fruit de leur cœur profond et de leur travail) mais d'un humanisme éternel et universel, qui refuse les arasements suggérés par les slogans universalistes, appliqués par les pratiques libérales-capitalistes, et veut que la terre soit riche, reste riche, de la diversité de ses enfants.
En matière d'immigration, l'exemple nous vient de l'Est. Les États du COMECON, quand ils cherchent à augmenter leur production dans tel ou tel secteur de leur économie, font d'abord appel aux forces de travail autochtones, puis à celle des pays immédiatement voisins (les Polonais en RDA) ; les migrants travaillent sous contrats à durée déterminée, tant qu'ils ne peuvent pas être remplacés par de la main-d'œuvre nationale. Des stagiaires du Tiers-Monde visitent les écoles techniques et les universités est-allemandes pour y apprendre un métier qu'ils exerceront au profit de leur propre peuple. En Europe occidentale, le recrutement de main-d'œuvre devrait également se faire selon ce modèle sainement conçu : recrutement prioritaire parmi les nationaux, puis parmi les ressortissants des régions contigües (Nord/Pas-de-Calais, Noord-Brabant, Rheinland-Westfalen, Lorraine, etc.), puis dans les zones à démographie en hausse de la CEE (Irlande) ; déjà plusieurs centaines de travailleurs wallons se rendent chaque jour à Cologne, selon une démarche semblable.
Certaines entreprises du Land de Rheinland-Westfalen imitent donc la sagesse est-allemande, consistant à recruter des travailleurs non nationaux dans les régions immédiatement contigües. Les migrations, nécessaires dans une société industrielle, doivent s'effectuer par cercles concentriques (les zones les plus proches ayant une priorité par rapport aux zones les plus éloignées) et sur la base du travail à durée déterminée, de manière à vaincre les distorsions socio-culturelles entraînées par le déracinement. Les étudiants africains, latino-américains et asiatiques devraient pouvoir bénéficier d'un système de coopération utile à leurs propres peuples, qui leur permetrrait d'acquérir chez nous des professions nécessaires au développement de leur pays. Une telle praxis éloigne le spectre du racisme, produit d'une réaction exacerbée à l'encontre des résultats navrants du melting- pot capitaliste.
• 5. Que pensez-vous de l'intégrisme musulman ?
L'intégrisme musulman est le fruit d'une déception. Dans les années 50, les peuples arabes et le peuple iranien (qui n'est pas arabe, répétons-le) se sont enthousiasmés pour un nationalisme laïc, inspiré des modèles européens. Le néo-colonialisme américain a hurlé au scandale et a décrit ces mouvements de libération comme “crypto-communistes”, les a boycottés, les a livrés à la machine de guerre sioniste, les a déstabilisés, si bien que les structures que le nassérisme en Égypte, les baasismes syrien et irakien et le Kadhafisme libyen des premières années de la révolution avaient mises en place se sont effritées, ont cafouillé et n'ont plus pu satisfaire les aspirations sociales des peuples arabes.
En Iran, au début des années 50, le Dr. Mossadegh, qui redresse son pays après une occupation injustifiée par les troupes soviétiques et britanniques, veut nationaliser les pétroles iraniens et contrôler, sans intermédiaires américains ou anglais, le commerce extérieur du pays. Les services américains organisent sa chute. L'Iran est livré à un personnage falot et vaniteux, le shah, qui concrétisera ses fantasmes enfantins lors de son couronnement burlesque à Persépolis. Sachant que tout renouveau nationaliste à la Mossadegh allait être aussitôt annihilé par la SAVAK (la police pro-américaine du shah), les contestataires iraniens ont joué la carte religieuse, dont l'esprit est foncièrement étranger aux Occidentaux. La politique à courte vue de 1952 a conduit directement à l'irréparable rupture entre l'Occident et l'Iran.
Phénomène transnational et non plus nationaliste, le chiisme va aussitôt s'exporter et transposer ailleurs sa stratégie de “guerre sainte” : au Liban, en Tunisie, en Égypte et parmi les immigrés d'Europe. Là réside un danger sérieux : nous ne sommes pas les responsables de l'éviction de Mossadegh ni des sottises du shah. Si l'intégrisme musulman provoque des désordres dans nos villes, s'il suscite des confrontations violentes dans notre espace vital entre communautés immigrées antagonistes, nous ne pourrons le tolérer et nous devrons le remettre au pas car il n'est pas question que nos concitoyens aient à subir des sévices matériels ou physiques à cause d'une querelle qui leur est étrangère. Notre perspective est celle du salut public et nous ne dérogerons pas à nos responsabilités.
Nous voulons la paix civile
Cette volonté de maintenir la paix civile chez nous est inséparable d'une analyse sereine de la situation internationale. L'agressivité du chiisme est due à des frustrations trop longtemps contenues, à l'accumulation de contradictions dans les pays arabes et en Iran. Le chiisme est une réponse locale aux défis du monde moderne et de l'impérialisme américain. Il signale d'autre part que l'ère des réponses de type marxiste est révolue dans les pays extra-européens. La fameuse “grammaire léniniste” ne fonctionne plus. Cette désaffection à l'égard du marxisme n'entraîne pas l'adhésion à un modèle américain. Ce double refus peut nous servir de leçon, à nous Européens, dans le sens où le marxisme de type soviétique est impropre à organiser nos sociétés hyper-complexes et où l'Amérique, en tant que puissance hégémonique, empêche l'épanouissement de nos classes laborieuses, la prospérité de nos paysans et fait vaciller la santé de nos entreprises. Les idéologies dominantes du monde actuel sont rejettées dos à dos par une réponse issue de l'histoire locale, irréductible à ces schémas universalistes, que nous rejettons aussi, au nom de notre propre identité.
À suivre
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