jeudi 9 mars 2023

L'histoire et la grève

 

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Ce 7 mars au matin, on pouvait consulter sur le site du Monde l'article "se déroulant en direct". Le journal pourrait l'appeler ainsi, dans la langue de Molière. Mais une certaine mode nous impose d'accepter un tel compte rendu "En Direct" comme un "Live", sur lequel on pouvait apprendre l'état officiel de la mobilisation intersyndicale : "35,35 % d’enseignants, selon le ministère de l’éducation, sont en grève dans le primaire et 30,09 % dans le secondaire".

À eux seuls, ces simples chiffrages, précis et probablement exacts, mériteraient sans doute une réflexion sociologique. Un tiers d'absents, dans cette embarcation bien malade, que nous appelons avec nostalgie "l'École", cela suffit à la désorganiser largement, à l'abîmer encore plus. Mais cela prouve aussi que deux professeurs sur trois, dans le secondaire, et sept instituteurs sur dix, se sont éloignés des mots d'ordre de notre gauche autodestructrice, laquelle se croit probablement la plus intelligente du monde.

Dans le lycée d'autrefois, où j'usais mes fonds de culotte dans les années 1950, nos professeurs nous enseignaient l'histoire et la géographie, comme intimement liées : on écrivait sur la première page de nos cahiers "pas d'histoire sans géographie, pas de géographie sans histoire". Ces deux disciplines, quand on les développe, embrassent chacune des données et des aspects démographiques, industriels, technologiques, financiers, juridiques ou économiques, et autres, ceci sans même parler de la "géopolitique" ou des "sciences auxiliaires de l'Histoire".

Les historiens de métier mobilisent en effet, avec la diplomatique, la paléographie, la chronologie, la sigillographie, la généalogie, l'héraldique, la numismatique, l'épigraphie ou la codicologie, des connaissances très spécialisées qui n'intéressent que rarement le grand public.

Or, une certaine connaissance générale de l'histoire – et donc de la géographie – me semble précisément indispensable certes d'abord à la culture de "l'honnête homme". C'est cet idéal qu'on nous apprenait jadis à cultiver, depuis le XVIe siècle. Mais cela s'impose aussi à tout citoyen préoccupé du salut de son pays : c'est cet état d'esprit civique qu'à partir du XVIIIe siècle, d'abord en Amérique et en Hollande je crois, puis en France on désigna du nom de "patriote" – un mot terriblement dévalué, hélas à partir du moment où s'en emparèrent les révolutionnaires, les "Bleus" de 1793-1794, pour massacrer les "Blancs"… ceci sans parler des soi-disant "patriotes" Rouges de 1944-1945…

On sait ce que Paul Valéry, souvent brillant et pertinent, disait de l'Histoire, "sciences des faits qui ne se répètent pas". Il eût gagné à ajouter qu'ils ne réapparaissent pas "à l'identique". Car il semble, au contraire, à l'auteur de ces lignes qu'elle recommence toujours ; elle organise une connaissance ; elle nous délivre des enseignements.

Elle montre, sans contredit, qu'un pays qui ne sait résoudre ses problèmes que par la gréviculture, le blocage et l'émeute est voué à la destruction de ses institutions, d'ailleurs délabrées sous le règne hors sol de nos technocrates.

Le 2 mars, plusieurs fédérations de la CGT se sont réunies pour appeler à des grèves reconductibles dans leurs secteurs, définis comme stratégiques, à partir du 7 mars. Il ne s'agissait plus de l’appel intersyndical en vue d'une (seule) journée France à l’arrêt. Un droit constitutionnel. Beaucoup plus clairement encore que les anciens trotskistes ou les provocateurs gauchistes, ce sont les vieux "stals" de la CGT, leurs jeunes successeurs tel Sébastien Menesplier, secrétaire général de la Fédération mines et énergie de la CGT, ou leurs porte-parole au sein de l'Assemblée nationale, tel André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme, qui le disent nettement : il s'agit pour eux de contourner le débat parlementaire par ce qu'ils appellent "le mouvement social". La question du financement de l'assurance vieillesse, pas plus que celle de la démographie, cela ne les intéresse pas.

Ou plutôt, ils "ont des solutions".

Il suffit de "faire payer les riches". Maurice Thorez ne le disait-il pas dès 1936 ?

JG Malliarakis  

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