Ce 5 mars n'aura pas seulement correspondu 70e anniversaire de la mort de Serge Prokoviev, mais le même jour à celui du départ vers l'enfer, où certainement il rôtit, de Joseph Vissarionovitch Djougachvili, plus connu sous le nom de Staline, - ou du moins de l'enveloppe corporelle de ce personnage démoniaque.
Rappelons ce qu'écrivaient alors en France les intellectuels de gauche, ceux qui ont façonné les esprits de générations presqu'entières d'universitaires, de technocrates, de journalistes, de professionnels des droits de l'Homme, de cinéastes et de politiciens. D'un terrible et consternant florilège publié en 2022 dans Le Figaro sous la signature de Jacques de Saint-Victor j'extrais ici quelques lignes significatives.
Certes, c'est L’Humanité du 6 mars 1953 qui donne le ton et titre une édition spéciale : "Deuil pour tous les peuples qui expriment dans le recueillement leur immense amour pour le grand Staline". Duclos, bien sûr, entend porter à jamais le "beau titre de stalinien". On ne lui refusera pas.
Certes, c'est Louis Aragon qui ose écrire le 12 mars que "La France doit à Staline son existence de nation".
Mais ils sont loin d'être seuls. L'insubmersible radical Pierre Cot, écrit dans la Pravda du 9 mars que "la mort de Staline est un immense malheur pour l’humanité." Le non moins radical-socialiste et insubmersible Edouard Herriot proposa à tous les députés de se lever pour lui rendre hommage. Le gouvernement présidé par René Mayer décidait la mise en berne des drapeaux et des pavillons dans l’armée et la marine, ce que ne refusera le commandement qu'en Indochine et en Corée. Si le Sénat sauve l'honneur, qui se refuse se plier à la génuflexion générale, la Chambre porte le deuil à l'exception d'un unique député socialiste du Limousin, Jean Le Bail auquel on doit rendre hommage comme on doit mentionner les rares et lucides protestations de Raymond Aron et de François Mauriac dans Le Figaro, de Claude Bourdet dans France-Observateur, de Jules Monnerot dans Carrefour, ou de quelques esprits libres dans Le Monde...
Globalement la France d'alors était avec Jean-Paul Sartre contre Albert Camus. Elle le restera encore plus, après la mort de Camus, et avec le triomphe des soixante-huitards.
De tout cela il semble interdit par la bien-pensance, aujourd'hui encore, de sanctionner le souvenir, et de pratiquer, à défaut d'autopsie, la plus élémentaire biopsie...
Or, en 1957, quelque temps après cette mort terrestre le regretté Angelo Tasca (1892-1960) avait consacré un livre à ce qu'il pensait pouvoir nommer "l'autopsie du stalinisme".
Ce passionnant volume, signé Amilcare Rossi, comprenait en tout : 50 pages d'introduction ; suivies des 98 pages du fameux Rapport Khrouchtchev longtemps tenu secret, bien qu'il ait été lu le 24 février 1956 devant les 1 600 délégués du XXe Congrès du parti communiste de l'Union soviétique ; ce texte était enrichi par 120 pages de notes prodigieusement utiles ; une postface de 20 pages avait été donnée par Denis de Rougemont.
Bref, cette "autopsie" prématurée était supposée enterrer le stalinisme. On croyait que le "stalinisme" n'était que la dérive personnelle erratique d'un dictateur aux agissements criminels. On voulait voir Macbeth, on ne voulait pas accuser Karl Marx. On pensait "morte la bête, mort le venin". On se trompait.
Hélas, 70 ans plus tard c'est bien une organisation revendiquant plus de 90 millions d'adhérents, ouvertement, explicitement, nommément stalinienne, le parti communiste chinois, qui règne à domicile sur la bagatelle de 1,4 milliard d'ilotes ; qui détient les plus importantes réserves financières de la planète ; et qui impose aussi d'ores et déjà son "modèle" auprès d'un bonne vingtaine de petits états satellisés ou surendettés. Sans doute les bons esprits germanopratins trouvent-ils insignifiant que les peuples de Ceylan, du Laos ou de l'Ethiopie subissent un tel joug ; que les populations tibétaines, ouïgoures, kazakhs ou mongoles soient sinisées de force ; que le christianisme soit persécuté, broyé, crucifié sous la férule du régime communiste de Pékin.
Dès les années 1980, il semblait à votre chroniqueur, – sans doute un peu trop optimiste alors quant à l'extinction du stalinisme dans le pays de ses premiers et sinistres exploits – que la Chine deviendrait le grand enjeu des défis à venir. Reconnaissant aujourd'hui mon erreur optimiste d'avant hier, quant à l'évolution de la Russie, je me crois en droit de revendiquer d'avoir eu raison en écrivant que "la restauration du capitalisme en Chine constituerait la grande affaire mondiale des années à venir."
Ce sont bien effet les conditions d'une telle restauration, contrôlées par un parti resté dictatorial, collectiviste, marxiste et stalinien, qui empoissonnent aujourd'hui le monde entier, à commencer par l'emploi dans les industries européennes.
70 ans après la mort de Staline, il est des morts qu'il faut qu'on tue.
JG Malliarakis
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Sur la continuité du stalinisme, de ses méthodes et de ses objectifs, de Mao Tsé-toung à Xi Jinping, qu'on me permette de recommander ma contribution à "La Terreur rouge". Ce livre comprend : • Terreur rouge et théorie révolutionnaire par JG Malliarakis : les bases doctrinales de la dictature de l'appareil du Parti, au nom du Prolétariat. Lénine, disciple de Karl Marx et de Engels, est l'héritier de la Terreur jacobine.
• Terreur rouge, pratique révolutionnaire par Charles Culbert : logique du système, matrice du totalitarisme au XXe siècle • Les Documents Tchernov : publiés dès 1922, il faudra hélas 50 ans pour que l'on en prenne la mesure, en 1974 avec l'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne...
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