« C’était il y a soixante ans, au premier jour de l’Algérie indépendante. À Oran, la fête a tourné à la chasse à l’Européen. L’armée française savait mais n’est pas intervenue. Aujourd’hui, les rescapés se battent pour que la mémoire de ce drame ne disparaisse pas avec eux » ose Le Figaro, quotidien pourtant si historiquement correct.
C’est dire que le passé algérien de la France reste une déchirure. Le doyen de l’Assemblée nationale, le député du Rassemblement National, José Gonzalez, lors de la première séance de la nouvelle assemblée, n’a-t-il pas évoqué, avec beaucoup d’émotion, sous les applaudissements de ses collègues députés, son passé de Français d’Algérie arraché à sa terre natale : « J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie ».
Si José Gonzalez a pu fuir la persécution du FLN au moment de l’indépendance de l’Algérie, d’autres y ont laissé leur vie, souvent après avoir été torturé. C’est le drame de ces « pieds-noirs », de ces Algériens juifs et ces musulmans qui voulaient rester Français et que el gouvernent de De Gaulle a abandonné à son triste sort.
Ce mardi, comme chaque 5 juillet depuis soixante ans, les Algériens célèbrent la Fête nationale de l’Indépendance. Une indépendance née sur des fonds « baptismaux » sanglants : « Pour des milliers de pieds-noirs et leurs descendants, ce jour de fête est un jour de deuil. Car au premier jour de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962, à Oran, environ entre 10 h 30 et 17 heures, 700 personnes ont été tuées dont on ne saura jamais si elle fut spontanée. En France, ce massacre a été ignoré pendant plus d’un demi-siècle et aujourd’hui, mis à part quelques dépôts de gerbes dans certaines communes, nulle cérémonie officielle n’est prévue pour saluer la mémoire de ces victimes civiles de la guerre d’Algérie » souligne Le Figaro.
Dans la grande métropole de l’Ouest, où se trouvaient toujours cinquante mille pieds-noirs, aux côtés de deux cent mille Algériens, la fête se transforma soudain en carnage. Pendant quelques heures, une chasse à l’Européen s’organisa, et des dizaines, voire des centaines d’hommes et de femmes furent massacrés à coups de couteau, de hache et de revolver »
Ce jour-là à Oran, ceux qui auraient dû maintenir l’ordre en ont été incapables. L’armée française, commandée par le général Joseph Katz, n’a plus le droit d’intervenir : depuis la proclamation de l’indépendance, le 3 juillet, elle se trouve en territoire étranger. Les ordres sont formels : interdiction de sortir des casernes ; c’est aux Algériens d’assurer l’ordre. Le général Katz, surnommé plus tard « le boucher d’Oran », qui commande les 18 000 soldats français encore à Oran, survole la ville à plusieurs reprises. Il téléphone au président Charles De Gaulle pour l’informer de l’ampleur du massacre et demander l’autorisation d’intervenir. « Surtout, ne bougez pas ! » lui est-il répondu. Les soldats restent donc dans les casernes. La tuerie dure près de six heures. Lorsque, à 17 heures, les gendarmes français sortent enfin dans la rue, le calme revient aussitôt. Les cadavres jonchent la ville, on en trouve pendus aux crocs des bouchers, dans des poubelles…
Depuis les fameux Accords d’Evian du 18 mars 1962,voulus par DE Gaulle, qui ont fixé la date du cessez‑le‑feu au 19 mars entre le FLN et la France et le principe d’indépendance de l’Algérie, alors que sur le terrain l’armée française est victorieuse, la situation a empiré pour les Français d’Algérie. À compter de cette date, massacres de harkis abandonnés par la France, enlèvements d’hommes et de femmes et même d’enfants, contraints de traverser des quartiers musulmans pour se rendre à leur travail, se multiplient faute de patrouilles militaires. Dès lors, la population civile française terrorisée comprend la fragilité de son statut défini par les accords d’Évian, son manque de protection, dont la seule issue est l’exode massif en métropole. Le 3 juillet 1962, le Général de Gaulle reconnait officiellement l’indépendance de l’Algérie et le transfert de la souveraineté à l’exécutif provisoire algérien. Le massacre d’Oran, deux jours plus tard, va accélérer leur départ pour la métropole. « La valise ou le cercueil » était leur seul avenir.
Soixante après, cet abandon par la France de ses enfants de l’autre côté de la Méditerranée, a ouvert une blessure qui n’est toujours pas refermée.
Francesca de Villasmundo
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