C'était l'un des cadeaux les plus offerts pour ce Noël 2022 : Le Monde sans fin. Miracle énergétique et dérive climatique, le livre du polytechnicien Jean-Marc Jancovici et du dessinateur Christophe Blain, est effectivement un best-seller depuis sa sortie à l'automne 2021. 500.000 exemplaires vendus pour une grosse BD sur la question énergétique et le réchauffement climatique, certes attrayante et pédagogique, mais aussi bourrée de chiffres, d'idées et de mise en perspective historique : un tel succès mérite le détour. Il traduit l'intérêt du public et sa recherche d'une parole sérieuse, scientifique et dégagée des postures idéologiques. J'y suis entré à reculons et en suis ressorti enchanté, conforté dans une position que l'on pourrait qualifier de droite écologique, pragmatique : méfiance réaliste et argumentée vis-à-vis des miroirs aux alouettes que représentent les éoliennes et le solaire, soutien - tout aussi réaliste et rationnel - au nucléaire.
Mais c'est justement pour cela, parce qu'il dérogeait trop à la vulgate antinucléaire, que le livre a été attaqué par des activistes. Et d'une drôle de façon : ils se sont permis de produire un faux erratum, de se faire passer pour des représentants de l'éditeur Dargaud et de contacter plusieurs librairies ! Ouest-France rapporte que c'est dans une librairie de Cherbourg que ces faussaires ont d'abord sévi, le 14 décembre dernier. L'hebdomadaire Actualitté retranscrit les courriels reçus par ces libraires de la part du faux Dargaud : « Jean-Marc Jancovici a maintes fois démontré son formidable talent de vulgarisateur scientifique. Nous devons néanmoins reconnaître son manque de compétences flagrant en sciences humaines. Cette lacune lui fait réduire toute lecture sociale et économique à son point de vue d’ingénieur, alors que le développement technologique ne fait pas tout. » Les faussaires dénoncent un livre « de tendance libérale et plutôt autoritaire » qui « défend la cause du nucléaire ». Et s'en prennent de façon diffamatoire à l'auteur : « Cela ne justifie pas à nos yeux que Jean-Marc Jancovici use d'approximations, d'intox et de procédés rhétoriques qui ne permettent pas aux lecteurs de se faire une opinion juste et fondée sur les faits. » Les lecteurs sont invités à rester « particulièrement vigilants » à partir de la page 128 et à chercher « les erreurs et les faux qui jonchent le texte » !
C'était tellement gros que ce n'est pas passé. Mais le procédé est à ajouter aux méthodes bien éprouvées de l'extrême gauche toujours prête à réduire la liberté d'expression de ceux qui ne pensent pas comme elle, à intimider, à calomnier, à falsifier.
Pour revenir au livre, il a le mérite de faire œuvre pédagogique, de replacer les problèmes actuels de l'énergie et du climat sur la longue durée, de ne pas céder aveuglément aux sirènes de l'éolien et du solaire (contrairement à la mode et au pouvoir actuels), d'en pointer les limites, de sortir de l'idéologie antinucléaire qui a guidé les décisions de Hollande et Macron et nous a mis dans la situation tendue que nous connaissons. Mais, en bons écolos de droite, il ne faudrait pas faire l'erreur inverse des faux Dargaud et ne le lire qu'à partir de la page 128 pour se rassurer avec le nucléaire. En effet, il ne cache pas la difficulté des problèmes d'adaptation à marche forcée qui nous attendent tous.
Mais, en le refermant, je me disais que tous ces constats et toutes ces nécessités, le réalisme et le pessimisme de Jancovici correspondaient en tout à une pensée chrétienne, conservatrice, réactionnaire (car il faudra bien revenir en arrière sur bien des plans) et de droite : ressources limitées, transformation de notre civilisation vers moins de déplacements, moins de superflu, moins de produits importés, plus de localisme, impossibilité de s'en remettre à une solution technologique, fin inéluctable de la mondialisation, etc. Mais ça, je ne suis ni le premier ni le dernier à le dire.
Frédéric Sirgant
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