Dans la petite ville de Bruz, près de Rennes, régnait une atmosphère joyeuse, en ce beau jour de printemps où l'on célébrait la communion solennelle de petits Bretons entourés de leur famille attendrie. On ne prêta tout d'abord pas attention à un bruit de moteurs venus de l'horizon. Mais très vite le grondement se rapprocha et l'on vit se dessiner dans le ciel la silhouette d'une cinquantaine de bombardiers. Ils se dirigeaient sans doute vers la grande ville toute proche... À Bruz, on était tranquille : il n'y avait pas un seul soldat allemand et la guerre allait donc survoler, sans plus, les paroissiens réunis dans l'église.
Quand les bombes lâchées par les avions américains eurent apporté la mort, 183 cadavres gisaient au milieu des gravats, dont ceux de 70 enfants. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui, pudiquement, une "bavure" on des « dégâts collatéraux »... pour éviter de parler d'assassinats, ce qui ferait désordre et risquerait de vexer nos "libérateurs" américains, dont certains masochistes soi-disant «de droite» continuent de célébrer les mérites.
Les sacrifiés de Bruz sont venus allonger la longue liste des Français tués par les bombardements anglo-américains : près de 70 000 hommes, femmes et enfants, entre 1940 et 1945, d'après les estimations les plus sérieuses des historiens honnêtes (il y en a ... ) A titre de comparaison, les victimes britanniques, civiles et militaires, de tous les bombardements allemands, toujours mentionnés comme ayant été terrifiants, sont de l'ordre de 51 000. Jean-Claude Valla, dans une étude exemplaire de rigueur méthodologique, rappela que la France a reçu « 600 000 tonnes de bombes, soit 22 % de toutes celles larguées sur l'Europe par l'aviation alliée pendant toute la durée de la guerre » (La France sous les bombes américaines 1942-1945, n° 7 des Cahiers Libres d'Histoire, Editions de la Librairie Nationale, 2001).
Ce mortel matraquage correspond à un choix délibéré de ne tenir aucun compte des risques de massacre de civils français en cas d'imprécision des largages de bombes effectués par les avions anglo-américains, théoriquement destinés à des objectifs militaires ou d'intérêt stratégique mais réalisés à si hante altitude, selon la technique du tapis de bombes, que la notion de « frappe chirurgicale », aujourd'hui à la mode, était alors impensable. Les dirigeants anglo-américains étaient-ils conscients des massacres d'innocents qu'ils provoquaient ? Evidemment oui. Roosevelt, le 11 avril 1944, envoyait à Churchill une note dénuée de toute ambiguïté : « Quelque regrettables que soient les pertes en vies civiles qu'il nous faut attendre, je ne suis pas prêt à imposer, d'ici où je me trouve, quelque restriction d'action militaire que ce soit ». Il écrivait cela alors qu'il y avait belle lurette que les aviateurs anglo-américains déversaient sans états d'âme leurs funestes cargaisons sur les villes et villages français.
Ainsi, le 16 septembre 1943, Nantes subit-elle l'un des plus meurtriers bombardements que la France ait connus au Cours de l'Occupation. Ce fut un exploit de cent trente B-17 (les « Flying fortress » ayant une charge de 2720 kilos de bombes) de la 8th Us Army Air Force. Ils laissèrent derrière eux 1100 morts (d'après Eddy Florentin, Quand les Alliés bombardaient la France 1940-1945, Perrin, 1997, rééd. 2008), dont trente-cinq infirmiers et religieuses écrasés sous les débris de l'Hôtel-Dieu. Dans des cercueils improvisés, les garçons et filles des Equipes Nationales (volontaires de 12 à 25 ans, portant comme insigne la Croix Celtique) déposent les cadavres - ou ce qu'il en reste. Sur chaque cercueil, une inscription terriblement éloquente : « Corps entièrement calciné » ; « Un pied paraissant appartenir à Mme Lescure » ; « Deux pieds avec chaussettes reprisées laine bleue » ; « Un pied pouvant appartenir à M. Echaud, une main droite d'homme » ; « Un pied présumé de Mme Vve Théophile Tillaut, avenue d'Arsonval » ; « Trois jambes, débris informes dans un paquet » ; « Débris de corps humain venant de St Jacques » ; « Crâne avec cheveux bruns » ; « Crâne avec débris humains » ; « Ossements d'enfants ». Arrêtons là cette macabre litanie.
La liste des villes françaises martyrisées est longue. Celle des villes allemandes encore plus. Comme le disait Pierre-Antoine Cousteau, « l'histoire des Etats-Unis n'est qu'une succession d'actes de brigandages ».
Pierre VIAL. RIVAROL 28 mai 2010
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