Une fois encore, comme tous les ans nous voici dans une période de l’année où depuis des temps immémoriaux, nos pères et les pères de nos pères ont célébré la fête de la lumière la plus longue. Le solstice marque le moment où le Soleil se lève le plus tôt et se couche le plus tard. C’est la fête du Soleil triomphant.
Fête du Soleil ? Il faut s’entendre.
Dans les anciennes religions indo-européennes, le Soleil ne fait pas nommément l’objet d’un culte. On ne peut donc pas dire que les vieux Celtes, les vieux Germains, etc. « adoraient » le soleil. Mais il ne fait pas de doute que l’élément solaire jouait un rôle très important dans leurs croyances. La course du Soleil dans le ciel fut dès les temps originels l’objet de profondes spéculations. On se demandait pourquoi, d’une saison l’autre, le jour et la nuit n’étaient pas de même longueur, où « allait » le Soleil en hiver, etc.
L’archéo-astronomie (ou astro-archéologie) a révélé que certains sites proto-historiques (Stonehenge, l’Externstein, etc.) avaient constitué de véritables observatoires astronomiques, qui permettaient de connaître et de prévoir le mouvement des astres, les phases de la lune, les éclipses, etc. Ces connaissances étaient évidemment liées à des attitudes religieuses : ce n’est pas un hasard si de nombreux rites prenaient place au moment des équinoxes des solstices rites dont les survivances folkloriques et populaires représentent autant de dérivations coutumières.
Le « voyage » opéré par le Soleil au cours de l’année semble avoir été transposé dans le mythe du labyrinthe (cf. travaux d’Ernst Krause, à la fin du siècle dernier) – thème du héros solaire (Siegfried, Thésée, etc.) qui, au terme d’un voyage « labyrinthique », fait d’allées et venues concentriques finit par « délivrer » une « belle au bois dormant » (Ariane, Brunehilde) enfermée au centre d’un Trojaburg.
Il faut également parler des dieux (et des demi-dieux) solaires : Apollon dans la mythologie des Hellènes, Balder/Baldur dans celle des Germains. On connaît également le récit de Phaéton, fils du Soleil et de Clymène ayant obtenu de son père la permission de conduire, pendant une journée, le chariot solaire, il faillit par son inexpérience embraser tout l’univers, et Jupiter, irrité, le foudroya et le précipita dans l’Eridanos. Ce récit renvoie très probablement à anciennes catastrophes cosmiques, dont le Nord « hyperboréen » fut le théâtre (Eridanos=Eider, fleuve d’Allemagne du Nord dont l’embouchure se trouve en face de l’Heligoland). Structuralement, il est très semblable au mythe de Dédale et de son fils Icare : ayant tenté de fuir l’île de Crète au moyen d’ailes attachées avec de la cire, Icare approcha trop du Soleil ; ses ailes fondirent et l’imprudent fut précipité dans la mer.
Icare, Phaéton : deux figures de présomptueux dont l’aventure « catastrophique » est liée au Soleil. Et il est évidemment remarquable que le père d’Icare, Dédale, passe pour être le créateur du labyrinthe crétois.
On connaît par ailleurs des figurations réelles du « chariot du Soleil » : notamment le célèbre chariot de Trundholm, pièce datée du bel âge du bronze (actuellement exposée au Musée national de Copenhague), qui portait une figuration circulaire du Soleil, en or, ornée de dessins et de spirales.
Permanence des croyances et des interprétations
Les représentations figuratives ou symboliques du Soleil sont innombrables dans toutes les cultures européennes. Les plus anciennes qui nous soient parvenues sont probablement celles du Bohuslan, en Suède méridionale : gravures rupestres représentant des hommes brandissant des roues solaires, associations de navires et d’emblèmes du Soleil (= barque solaire), etc.
Ces gravures remontent aux environs de 1600/1500 avant notre ère ; elles attestent la permanence des croyances et des interprétations. Au cours des siècles suivants, on retrouve le soleil et la spirale solaire sur des boucliers, des plaques de poitrine et de bras, des rouelles, des bijoux, etc. Cette tradition se maintiendra dans le Nord de l’Europe jusqu’à l’âge des Vikings.
L’une des pièces les plus célèbres du domaine germanique est le disque solaire en or, portant en son centre une représentation d’Odhinn-Wotan, retrouvé dans l’ile de Gotland et datant du VIème ou VIIème siècle de notre ère. Une autre pièce très connue est la pierre de Hornhausen (près de Halle an der Saale), qui représente un cavalier (probablement Wotan) porteur d’une lance et d’un bouclier solaire. En Grèce, le Soleil se retrouve sur de nombreuses pierres de la période mycénienne.
Durant la période classique, il est souvent associé à des figurations d’Apollon. Selon la légende, Apollon disparaît six mois par an (d’un solstice à un autre solstice) et l’on dit qu’il séjourne en Hyperborée à l’embouchure de l’Eridanos, là où les sœurs de Phaéton pleurent des larmes d’ambre (cf. le mythe de Balder, fils de Wotan et de Freya, dont il est dit qu’il conduit dans le ciel le chariot du soleil, traîné par plusieurs chevaux, tandis qu’en hiver, il meurt, tué par son frère aveugle, à la suite d’une mauvaise ruse de Loki).
Au Moyen Âge, la symbolique solaire fut apparemment christianisée sous la forme de ces grandes et belles rosaces de pierres ou de vitraux qui ornent certaines églises construites à partir du XIIème siècle (cf. notamment le grand vitrail de la cathédrale de Worms, réalisé sous le règne de Frédéric Barberousse). Ce motif décoratif culmine avec l’art gothique, entre 1300 et 1500 : vitraux de la cathédrale de Metz, Lorenzkirche de Nuremberg, églises de Maulbronn et d’Ebrach (Wurtemberg, Basse-Franconie), et surtout cathédrale de Strasbourg (travail d’Erwin von Steinbach).
Robert de Herte, Traditions, mai-juin-juillet 1977
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Ad Astra (détail), 1894. Creative Commons Attribution 3.0 Unported licence.
https://institut-iliade.com/solstice-de-juin-une-fete-du-soleil/
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