Blanche de Castille, successivement princesse, épouse de l’héritier du trône de France, reine, reine-mère et toute première régente du royaume de France jouera un rôle politique de premier plan auprès de son époux mais surtout auprès de son fils. Dotée d’une éclatante personnalité, elle saura diriger fermement les affaires de l’État tout en restant pleinement femme et ne cherchant pas à s’imprégner de valeurs masculines. Cela lui sera permis grâce à la considération dont jouissent les femmes au Moyen Âge, véritable âge d’or pour le beau sexe et époque propice au pouvoir féminin.
Une jeune Espagnole arrivant en France à l’âge de douze ans
Née en 1188, cette jeune princesse est originaire, comme son nom l’indique, du royaume de Castille. Néanmoins, elle ressemble plus à une fille du Nord qu’à une petite Espagnole, Bianca tenant visiblement de sa mère, Aliénor d’Angleterre, et de sa grand-mère, Aliénor d’Aquitaine. Elle ne leur doit d’ailleurs pas seulement son physique : comme elles, elle se révélera être une femme de tête, influente, qui jouera un rôle important dans la vie politique de son époque.
C’est d’ailleurs Aliénor d’Aquitaine en personne qui entame, à l’âge de quatre-vingts ans, un immense périple à travers la France jusqu’en Espagne à la fin de l’année 1199. Son but est simple : trouver une épouse au fils du roi de France Philippe II Auguste, le jeune Louis, futur Louis VIII. La choisir en Castille est une évidence car Bianca et ses sœurs sont les nièces du roi d’Angleterre Jean sans Terre. Ainsi, cette union favoriserait sans nul doute les liens entre les royaumes rivaux de France et d’Angleterre. Une fois sur place, Aliénor hésite entre deux de ses petites-filles : la légende raconte que la petite Bianca sera finalement choisie car son prénom peut être francisé en Blanche, contrairement à sa sœur qui se nomme Urraca. Les deux femmes repartent alors en direction de la Normandie, où doit se tenir le mariage. Ce voyage est très symbolique, l’éclatante Aliénor menant l’impétueuse Bianca, devenue Blanche, qui se révèlera être la digne héritière de sa grand-mère maternelle et connaîtra comme elle un destin hors du commun.
Une épouse influente et une mère impliquée
S’il s’agit du destin de nombreuses princesses, être ainsi arrachée à son pays natal n’en est pas moins difficile. Néanmoins, bien qu’à l’origine purement politique, le mariage de Blanche et de Louis tourne rapidement au conte de fées : le couple se révèle particulièrement uni, vivant une véritable histoire d’amour dont naîtront douze enfants et tenant le premier rôle au centre d’une cour vivante, où se côtoient musiciens et intellectuels.
C’est en 1216 que Blanche peut laisser libre cours à son habileté politique. Face à la révolte des barons à laquelle fait face le mal-aimé roi d’Angleterre Jean sans Terre, Louis, poussé par sa femme, décide d’intervenir, d’autant plus que celle-ci se trouve être la petite-fille du défunt roi anglais Henri II Plantagenêt, deuxième époux d’Aliénor d’Aquitaine. Blanche dispose donc en théorie de droits sur le trône anglais. Tandis que Louis parvient jusqu’à Londres et s’y fait proclamer roi, sa femme réussit à convaincre Philippe II Auguste de participer au financement de l’expédition, ce qui lui permet d’engager Eustache le Moine, moine défroqué devenu pirate. Malheureusement, cette campagne sera un échec cuisant, la mort du roi Jean changeant la donne : son fils Henri III héritant de la Couronne, cela apaise les tensions avec les barons qui se retournent alors contre Louis, qui n’a d’autre choix que de fuir et repartir en France.
Blanche est couronnée reine à la mort de son beau-père en 1223. Elle a alors trente-cinq ans, son époux trente-six. Pendant son court règne, Louis VIII le Lion libérera La Rochelle du joug anglais, se heurtera aux Albigeois et réussira notamment à soumettre le Languedoc face à l’hérésie cathare.
De son côté, Blanche s’implique énormément auprès de ses enfants. Elle veille de très près à ce que tous soient correctement instruits ; ses filles comme ses garçons reçoivent d’ailleurs la même éducation. Sa volonté de tout contrôler transparaît déjà et sera plus tard subie par l’héritier au trône, le petit Louis, futur Louis IX. En particulier, se démarque son désir de transmettre la foi chrétienne : très pieuse, elle fonde une abbaye de femmes, Notre Dame du Lys, près de Melun, et veille à être charitable envers les pauvres. Elle éduque son fils en ce sens ; on raconte même qu’elle aurait affirmé préférer le voir mourir que de commettre un péché ! D’ailleurs, Louis IX serait-il devenu Saint Louis sans l’influence de sa mère ?
Une régente au sens politique acéré
Après avoir régné seulement trois ans, Louis VIII meurt de dysenterie. Volonté de ce dernier ou de son conseil, voire des deux, Blanche est proclamée régente en attendant que le tout jeune roi âgé de douze ans, Louis IX, soit en âge de gouverner : il s’agit de la toute première régente de France. Lors de cette tutelle, la reine mère doit bien entendu agir dans l’intérêt du royaume et du petit roi. Son sens politique très développé lui permettra de relever brillamment les défis qui lui font face.
Elle doit en effet rapidement mater les vassaux rebelles, qui se sont empressés de fomenter une révolte : ils désirent profiter de la minorité de Louis IX pour acquérir du pouvoir et une indépendance financière. Cette première épreuve est un succès pour Blanche : la régente parvient à lever les milices bourgeoises parisiennes qui s’en vont secourir le petit roi assiégé.
Elle réussit également à s’imposer en chef de guerre lors de la révolte de Pierre, dit Mauclerc, le comte de Bretagne. Lors du siège de Bellême qui durera trois mois, elle dirige vaillamment ses troupes. Une anecdote illustre la manière toute féminine dont elle exerce son pouvoir : quand elle arrive sur place et qu’elle découvre ses hommes transis de froid, elle agit comme une mère et ordonne de faire de grands feux de bois. Cela se révélera payant : elle galvanise l’armée qui, requinquée, enchaîne les victoires. Blanche est la preuve vivante qu’une femme peut gouverner tout en restant pleinement femme. La régente parvient en effet à tenir les rênes du royaume d’une main de fer et à incarner parfaitement le pouvoir, tout en laissant libre cours à ses qualités féminines qui ne sont pas un frein mais qui au contraire servent ses desseins.
Blanche négocie aussi fermement pour perpétuer l’œuvre des Capétiens. En ce sens, elle signe le traité de Meaux-Paris en 1229 avec le comte de Toulouse, qui lui permet d’obtenir la partie orientale du Languedoc grâce au mariage de son fils Alphonse à Jeanne, la comtesse de Toulouse.
Néanmoins, elle n’échappera pas aux critiques propres à son sexe et fera l’objet de nombreuses calomnies, notamment quant à sa vertu. Après la mort de Louis VIII, elle n’hésitera pas à se présenter « nue » (ce qui équivaut en réalité à se tenir en chemise) devant ses détracteurs pour leur montrer qu’elle n’est pas enceinte et leur prouver ainsi sa chasteté dans le veuvage.
Une reine-mère envahissante
Si sa régence prend fin une fois Louis IX officiellement reconnu majeur vers l’âge de vingt ans, Blanche continue de garder un œil sur les affaires publiques et n’hésite pas à conseiller son fils. Celui-ci lui fait d’ailleurs entièrement confiance et s’appuie beaucoup sur elle. Néanmoins, la présence de sa mère lui pèse quelquefois, notamment dans sa relation avec sa jeune épouse. Cette dernière, la belle Marguerite de Provence – pourtant choisie par Blanche pour des raisons politiques – et Saint Louis tombent en effet rapidement amoureux. Cette idylle n’est malheureusement pas vraiment du goût de Blanche. Mère possessive, elle entreprend de les surveiller étroitement dans l’espoir d’éviter un trop grand rapprochement et ira jusqu’à leur reprocher d’être trop intimes. Les jeunes gens devront donc rivaliser d’ingéniosité pour ne pas être surpris ensemble trop souvent, le comble pour un couple marié !
Le retour de la régence
Suite à une grave maladie au cours de laquelle il frôle la mort, Louis IX décide de partir en croisade, au grand désespoir de sa mère craignant de ne jamais le revoir. Celle-ci endosse donc une dernière fois le rôle de régente, bien à contre-cœur mais avec l’intelligence politique qui la caractérise. La peur de Blanche n’est malheureusement pas dénuée de fondement : elle meurt le 27 novembre 1252, à soixante-quatre ans, alors que son fils se bat contre les musulmans loin de la France.
Cette régence crée un véritable précédent qui permettra aux futures régentes de légitimer leur place, en plus pour certaines de prendre exemple sur cette femme d’exception, dotée d’immenses qualités personnelles comme politiques. La vie extraordinaire de Blanche, rythmée par les affaires d’Etat, l’éducation de ses enfants ou sa foi, est en effet un parfait modèle pour son époque tout comme la nôtre.
Diane A. Roger – Promotion Tolkien
Photo : Blanche de Castille, détail d’une miniature de la Bible moralisée de Tolède, 1240. Domaine public.
https://institut-iliade.com/blanche-de-castille-premiere-regente-de-france/
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