Hommage à Maurice Bardèche
[Ci-dessus : Bardèche (à d.) avec son ami flamand Karel Dillen, fondateur du Vlaams Blok]
Maurice Bardèche est décédé à 91 ans. Il était l’un des derniers survivants de cette génération de Français qu’on peut qualifier, sans hésitation, de formidables. Mais qui connaît encore son nom aujourd’hui. Qui connaît encore son œuvre ?
À une époque tranquille, ce professeur, cet historien de la littérature au regard acéré, cet anatomiste subtil et cet homme de synthèses percutantes avait jeté son regard personnel sur chacun des sujets qu’il abordait ; sans nul doute et sans difficulté, il a gravi tous les échelons et est devenu un intellectuel de premier rang dans son pays, la France. On peut dire que l’Académie Française se serait levée pour lui, pour l’accueillir en son sein et que des décorations comme la Légion d’Honneur lui auraient été attribuées… Si…
Car l’œuvre de Bardèche témoigne de son excellence : les livres de référence qu’il a écrits, sur Proust, Bloy, Balzac, Flaubert et Céline, sont encore reconnus aujourd’hui comme tels. De même, son Histoire du Cinéma, rédigée en collaboration avec Robert Brasillach, est reconnue au niveau international. Ce livre a été édité et réédité, y compris dans une série de poche. On n’oubliera pas non plus son Histoire des femmes. Et, à une époque plus troublée, il a aussi écrit, toujours avec Brasillach, un classique, son Histoire de la guerre d’Espagne, chronique de la guerre civile espagnole qui a immédiatement précédé la Seconde Guerre mondiale.
Ce fut une époque cruciale dans sa longue vie, un moment d’histoire agité. Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale (que Bardèche n’a jamais niées ou ignorées, contrairement à ce que d’aucuns osent affirmer) ont été suivies par les horreurs de l’après-guerre. Maurice Bardèche, apolitique, a été privé du droit d’exercer sa profession, il a été arrêté, simplement parce qu’il était le beau-frère de Robert Brasillach, son meilleur ami. L’exécution de Brasillach — un assassinat judiciaire — a profondément blessé Bardèche, une blessure si intense qu’elle l’a marquée pour le reste de ses jours.
Bardèche devient éditeur. Il fonde les éditions “Les Sept Couleurs”. Pendant de longues années, il publie le mensuel Défense de l’Occident. Et il écrit des livres politiques (ce qui lui vaudra des poursuites).
Quarante ou cinquante ans ont passé depuis la rédaction de ces ouvrages. Qu’en reste-t-il ? Indubitablement, certains passages ont été dépassés par les événements, que personne ne pouvait prévoir. Mais on ne pourra pas mettre en doute son souci de maintenir une Europe européenne, de conserver l’identité de ses peuples, de ne pas livrer ceux-ci aux affres d’une américanisation calamiteuse. Surtout, une chose demeure, et c’est son option personnelle : « Être le dernier tirailleur défendant la liberté et la douceur de vivre ».
C’est un polémiste virulent qui écrit Nuremberg ou la Terre promise dans l’immédiat après-guerre (son avocat et ami Jacques Isorni a tenté en vain de le dissuader de publier ce brûlot mais Bardèche était trop profondément touché par la mort de Brasillach pour entendre ce bon conseil). Quelques années plus tard sort Suzanne et le taudis, préfiguration, non, illustration, de cette chère “douceur de vivre”, même dans les circonstances les plus difficiles et les plus dures de la vie. Ce livre est un chef-d’œuvre dans le sens où il est un hommage à la douceur, à l’humour, au sourire qui dit aussi : on ne tuera pas cette belle petite plante.
Mais Bardèche est conscient qu’elle est en danger de mort, cette petite plante. Et quand au printemps de 1998, on m’offre un liber amicorum, cette conscience est très nette, car Bardèche écrit à mon intention : « Le drame de notre temps est celui de la dépossession. Nous ne sommes plus maîtres de nos vies, mais pas davantage de nos pensées, de nos goûts, de notre sensibilité — enfin de notre âme. Par la désinformation, la publicité, le mensonge, par la démission des éducateurs et la démission des consciences ».
En dépit de toutes les différences qui peuvent séparer un Flamand d’un Français, un Européen d’un autre Européen, un homme de droite d’un autre homme de droite, son témoignage m’a donné une fierté modeste, une fierté humble :
« Avons-nous été, cher Karel Dillen, les derniers défenseurs de l’arbre de vie contre son triste dépérissement ? En défendant votre terre flamande et les hommes de votre race, c’est toutes les autres plantes humaines de toutes les autres races que vous défendez aussi… De même quiconque défend son peuple défend tous les autres peuples, tous les autres hommes. Car la liberté et la vie qu’il demande pour les siens, il les demande en même temps pour les autres par les idées qu’il répand. Par là, votre combat n’est pas seulement pour la Flandre, il est pour tous les peuples de l’Europe, et même au-delà des frontières de l’Europe pour tous les peuples qui ne veulent pas de la prison idéologique ».
Ensuite vient une phrase qui équivaut à un ordre, puisque Bardèche n’est plus parmi nous :
« Et cette aspiration à la vie, elle ne disparaîtra pas avec nous, mais elle nous survivra et même elle sera ressentie un jour comme un combat vital et vos enfants, nos enfants, la reprendront ».
Vaarwel, Bardèche, Bonne route !
Que lit-on encore de ton œuvre, qu’en lira-t-on demain ? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que demeure l’exemple, durable, ineffaçable, indéracinable, comme nous le révèle cette parole de Nietzsche :
« Was er lehrte, ist abgetan ;
Was er lebte, wird bleiben stehn :
Seht ihn nur an —
Niemanden war er untertan ! ».
(Ce qu’il a enseigné a subi l’usure du temps ;
Ce qu’il a vécu demeurera debout :
Regardez-le —
De personne jamais il n’a été le valet !).
Voilà, Bardèche, ce qu’il reste de l’exemple que nous a donné. Pendant toute ta vie !
Karel Dillen, Nouvelles de Synergies Européennes n°35/36, 1998.
(Hommage paru dans Vlaams Blok Magazine n°9/98)
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