Il y a deux ans, prenant l’exemple sur le déboulonnement d’une statue du général Lee aux États-Unis, des militants indigénistes et décoloniaux, soutenus par des personnalités et rejoints aujourd’hui par l’oubliée Rama Yade, s’en sont pris à Colbert. L’objet de leur courroux : le ministre de Louis XIV est accusé d’avoir été l’auteur du Code noir et l’initiateur de la traite négrière et, donc, de s’être rendu coupable de crime contre l’humanité. Ils appellent, depuis lors, au retrait des statues, des noms de rues ou de lycées honorant Colbert qui, selon eux et la ralliée au « wokisme » Rama Yade, constituent une micro-agression !
Colbert n’est pas l’inventeur du Code noir
Les historiens sérieux ont aussitôt rectifié les faits en rappelant que la traite négrière fut d’abord initiée par des acteurs privés et non par l’État, que le Code noir fut commandé par Louis XIV, élaboré à partir de divers règlements déjà existants dans les colonies et ne fut promulgué que deux ans après la mort de Colbert. Si celui-ci eut bien une responsabilité dans le processus, il n’en fut pas l’acteur unique et décisif.
Cependant, dans ce réquisitoire partiel et partial visant à faire de Colbert un grand criminel, une de ses grandes œuvres a été passée sous silence et mérite d’être réhabilitée : Colbert fut l’organisateur de la Marine royale française, inexistante à la fin du règne de Louis XIII. Entre 1661 et 1671, il fit construire cent six navires, ce qui permet à la flotte de quadrupler ses effectifs, la France devenant la première puissance navale européenne.
La première mission de cette nouvelle flotte fut édictée par Colbert lui-même : éradiquer la Méditerranée des pirates barbaresques qui y régnaient en maîtres et qui razziaient chaque année des milliers d’Européens pour les mettre en esclavage dans les régences de Tripoli, de Tunis, d’Alger ou de Salé.
Colbert chasse les esclavagistes barbaresques
En l’espace de quelques années, la Méditerranée fut nettoyée des raids barbaresques et la population des esclaves européens détenue dans les geôles d’Afrique du Nord tomba d’un niveau de 20 à 40.000 esclaves annuels, entre 1580 et 1680, à un niveau de 2 à 10.000, dans les années qui virent l’apogée de la présence de la marine française. Soit de cinq à dix fois moins ! De 850.000 pour le seul XVIIe siècle, le nombre d’esclaves blancs tomba à 150.000 au siècle suivant.
La reconstruction d’une marine de guerre puissante, décidée et organisée par Colbert, permit donc de sauver de la mise en esclavage plusieurs centaines de milliers d’Européens.
Entre 1500 et 1830, les Barbaresques des régences de Tripoli, de Tunis et d’Alger capturèrent et réduisirent en esclavage plus de 1.250.000 Européens. La fin de l’esclavage des Européens par les Barbaresques ne prit définitivement fin qu’avec la prise d’Alger par les troupes françaises, le 5 juillet 1830, libérant les 122 derniers esclaves blancs.
En 2001, la République française adoptait une loi reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, obligeant à un devoir de mémoire envers cette tragédie de l’histoire de l’humanité.
Mais, comme s’il y avait une hiérarchie dans les horreurs passées, seule la traite et l’esclavage pratiqués par les Européens à l’encontre des Africains furent reconnus comme tragédie et crime contre l’humanité et, donc, dignes de devoir être enseignés et commémorés.
L’esclavage des Européens par les Barbaresques, le grand oublié de la mémoire.
Les traites arabo-musulmane et ses 17 millions de victimes africaines et celle pratiquée par les Barbaresques contre les Européens ne furent donc considérées ni comme des tragédies ni comme des crimes contre l’humanité et donc non dignes d’être enseignés ni commémorés.
Face à ce révisionnisme mémoriel, l’hommage à Colbert, héros de la lutte contre la mise en esclavage des Européens par les Barbaresques, mérite donc très largement d’être revendiqué. La présence des statues et noms d’espaces publics dédiés à Colbert participe donc à l’hommage que lui doivent les centaines de milliers d’Européens ayant échappé à l’esclavage à l’époque et leurs millions de descendants aujourd’hui.
N’en déplaise à la micro-agressée Rama Yade et sa micro-connaissance historique.
Philippe Pichot
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