[Ci-contre : la double hache, “signe du pouvoir impérial”, était le symbole du pouvoir gynécocratique en Crète comme chez les Lyciens, les Lydiens, les Amazones, les Étrusques, et même les Romains (Bachofen). On l’a découverte dans les tombes des femmes du paléolithique en Europe, creusées il y a 50 000 ans (Frédéric-Marie Bergounioux). Et elle est sculptée dans les pierres sacrées du Stonehenge pré-celtique en Angleterre ; cela témoigne de la relation étroite entre l’Europe du premier Âge de Pierre, les mystérieuses constructions de Stonehenge, et les adorateurs de la double hache du monde préhistorique égéen et anatolien (J.F.S. Stone)]
Le terme hache [ascia en italien] existe dans nos langues de manière quasi inchangée au cours des millénaires. Il correspond effectivement au terme latin ascia, qui dérive de la forme indo-européenne *aksi / *agwesi, que les linguistes ont reconstituée sur base de comparaisons entre le terme latin et le terme gothique aqiziz, le terme de vieil haut allemand ackus (en allemand moderne Axt, en anglais ax, “adze”) et le grec axi(on).
Il me semble nécessaire de préciser cependant que cette forme est une forme indo-européenne occidentale ; les linguistes ont également reconstitué la forme orientale, soit *peleku, cette fois sur base d’une comparaison entre certaines formes linguistiques grecques et sanskrites. C’est ainsi que le pélican, à travers un processus assez intéressant, se voit assimilé à la hache, à cause de son grand bec caractéristique.
La hache revêt une importance énorme, comme en témoigne le passé archaïque des Indo-Européens. Adams et Mallory expliquent que, durant le néolithique, les haches, en Eurasie, étaient faites de silex ébréchés ou d’autres pierres capables d’être façonnées. En outre, il s’agissait généralement de haches plates ; cependant, dans certaines cultures néolithiques plus tardives, on trouve rapidement des haches munies d’une perforation permettant d’y placer un manche. Ces haches sont qualifiées de “haches de bataille” ; quand on les trouve dans des sépultures, comme par ex. celles de la céramique cordée (not. dans les régions d’Europe septentrionale, où l’on parle de la “culture des haches de combat”), elles sont de toute évidence des instruments ou des armes considérées comme “viriles”. Elles sont donc les emblèmes d’une société patriarcale et guerrière, car, comme l’a écrit Adriano Romualdi, « la culture nordique ne présente aucune trace de matriarcat : les idoles féminines sont absentes, […] la structure familiale est solide, les traditions de chasse et de guerre attestent d’une culture éminemment virile ».
Quant à E. Sprockhoff, il formule des observations extrêmement intéressantes sur la hache de guerre dans l’antique culture mégalithique ; il assimile la hache primordiale au dieu du Tonnerre, qui, aux temps les plus reculés, était aussi le dieu du Ciel et du Soleil. D’après ce chercheur allemand, « on consacre à cette puissante divinité des haches d’ambre et d’argile, comme d’ailleurs des haches en miniature. Ainsi, la femme germanique a porté ultérieurement le marteau de Thor comme bijou, suspendu à une chaîne ; de même, les populations nordiques de l’âge de la pierre le plus éloigné ont porté au cou cet ornement, en tant que perles d’ambre en forme de hache bipenne, symbole du dieu du Tonnerre et des jours, un dieu qui n’a plus de nom aujourd’hui pour nous. La hache de combat est tout simplement devenue le symbole de la plus haute divinité » (Die nordische Megalithkultur).
L’irruption de la hache de combat dans les régions du Sud et de l’Est, attestée par des découvertes archéologiques, montre comment se sont déroulées les différentes phases de pénétration indo-européenne ; on les identifie évidemment aux pointes les plus avancées des conquêtes cimmériennes et tokhariennes : « Le témoignage concret de cette migration — écrit Romualdi — est l’arrivée subite en Chine d’une quantité d’armes occidentales, que l’on date en Europe entre 1100 et 1800 avant JC, et qui n’avaient en Asie aucun antécédent ». La hache est, en somme, le symbole du dieu céleste suprême et de l’esprit créateur de nos plus lointains ancêtres.
► Alberto Lombardo, Nouvelles de Synergies Européennes n°53, 2001.
(texte issu de La Padania, 14 oct. 2001)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire