Avec « Expression(s) décoloniale(s) », le château des ducs de Bretagne invite l’artiste béninois Romuald Hazoumé et l’historien ivoirien Gildas Bi Kakou à poser un nouveau regard sur ses collections et la traite transatlantique. (…)
Un autre invité, Gildas Bi Kakou, historien ivoirien qui a consacré sa thèse de doctorat à la traite négrière ivoirienne au XVIIIe siècle, intervient dans les collections. À côté des cartels habituels, on peut lire ses commentaires, qui ajoutent un éclairage pertinent, « de l’intérieur ».
Il décrit par exemple les opérations guerrières « nolo » (rapt d’un individu isolé) ou « mvrakila » (tenant du raid, de la razia) au Congo pour fournir des esclaves aux négriers. Il évoque aussi le royaume Ashanti (1701-1874) à qui était livré chaque année un tribut de 2 000 esclaves.
« La responsabilité africaine dans l’esclavage est encore taboue, reconnaît celui qui s’est intéressé au sujet en découvrant que certains de ses lointains aînés avaient été propriétaires d’esclaves. Que l’on soit descendant de parents réduits à la servilité ou de personnes possédant des esclaves, c’est encore très compliqué et honteux d’en parler. »
L’historien prometteur (il est lauréat du prix du Comité national pour la mémoire et l’Histoire de l’esclavage 2019) poursuit actuellement son travail à Nantes, les universités ivoiriennes ne semblant pas pressées de s’attaquer sérieusement au sujet. « Il y a aussi des enjeux financiers dans la reconnaissance d’une participation africaine, remarque Krystel Gualdé. Si les États reconnaissaient cette participation, la question des réparations serait évidemment brouillée. »
En attendant que toutes les responsabilités soient pleinement assumées, l’exposition nantaise est un formidable émulateur intellectuel. Les outils du mouvement décolonial y sont repris, sans culpabilisation, sans pathos, pour interroger nos certitudes.
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