La seconde pièce écrase les profits ou pousse les prix à la hausse réduisant la demande. Mais l'histoire ne s'arrête pas là et H. Bonn affirme, par exemple, que l'esprit d'entreprise n'en fut qu'anesthésié car les fournitures aux armées donneront une impulsion à ceux qui avaient compris la nouvelle règle du jeu: être classé dans le groupe des travailleurs pour éviter les exactions. Si, en 1800, le niveau d'activité reste en deça de celui atteint en 1789, la poussée industrielle démarrera peu après avec l'auto-blocus du continent face aux Anglais, mesure protectionniste visant à remplacer les importations par des produits continentaux.
Le résultat est probant dans le textile, principale filière industrialisante, où la filature mécanique connaît un essor spectaculaire. Ce dynamisme, suggère François Crouzet, s'apprécie par rapport aux deux données de base de l'Europe: la guerre et ses multiples contraintes (prix élevés des matières premières, taux d'intérêt élevés, pénurie de capital); la suprématie absolue de l'Angleterre qui pastoralisait les pays situés dans son orbite. Si l'Empire est une conséquence directe de la Révolution, l'industrialisation de la France en recevra une aide imprévue.
Les révolutions sont interminables. Quand s'arrête la Révolution française ? En 1791, comme le croyait Barnave? A la chute de Robespierre, selon les lamentations du léniniste moyen? Au Directoire, installation de la clique bourgeoise et des penseurs «troisième république»? Ne serait-ce pas plutôt Bonaparte qui y mit un terme, puisqu'il le dit? Ou la restauration au bourgeoisisme tonitruant? L'économie française en a finalement ressenti des effets tout au long du XIXième siècle, car la Révolution a rendu honorable le commerce et les affaires, a encouragé l'acquisition des richesses et enclenché, en liaison étroite avec les contraintes militaires, l'industrialisaton du continent.
Bernard NOTIN.
(1) Schéma d'Ernest Labrousse, résumé par Pierre Vilar, Or et monnaies dans l'histoire, Flammarion, champs, 1974, P.375.
(2) Georges Gusdorf, Les principes de la pensée au siècle des lumières, Payot, 1971, p.152.
(3) François Hincker, «Les révolutionnaires et l'économie», Les cahiers de Decta III, N° 4, 1989, pp. 43-61.
(4) Georges Gusdorf, op. cit. p. 266.
(5) Raymond de Roover, «Scolastic Economics: Survival and lasting influence from the sixteenth Century to Adam Smith», Quarterly Journal of Economics, mai 1955, 161-190.
(6) Gérard Cazenave-Gabriel, «Population, Mercantilisme et libre-échange: note sur un paradoxe apparent», Revue d'économie politique, N° 5, 1979, 606-622.
(7) Louis Dumont, Homo aequalis, Gallimard, 1977.
(8) Vincent Descombes, «Pour elle un Français doit mourir», Revue européenne des sciences sociales, XXII, 1984, N° 68, 67-94.
(9) Guy Haarscher, «Louis Dumont et la genèse de l'iudéologie moderne», Revue européenne des sciences sociales, XXI, 1984, N° 68, 127-148.
(10) Pierre Rosanvallon, «Boisguillebert et la genèse de l'Etat moderne», Esprit, janvier 1982, 32-52.
(11) Cité par Pierre Rosanvallon, op. cit., p.51, note 40.
(12) Cité par Pierre Vilar, Or et monnaies dans l'histoire, p. 375.
(13) Florin Aftalion, L'économie de la Révolution française, Hachette pluriel, 1987.
(14) William H. Sewell, Gens de métier et Révolutions, Aubier, 1983, p. 151.
(15) Cité par Ernest Labrousse, «Garantisme de la Révolution française et garantisme de Sismondi», dans Croissance, échange et monnaie en économie internationale. Mélanges en l'honneur de Jean Weiller, Economica, 1985, pp. 69-80.
(16) Cité par Daniel Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme, Presses Universitaires de Rrance, 1979, p. 237.
(17) Norbert Elias, La dynamique de l'Occident, Calmann-Lévy, 1975 p. 160.
(18) Alain Guéry, «Les finances de la monarchie française sous l'ancien régime», in Les Annales, 1977, pp. 216-239.
(19) Alain Guéry, op.cit, 231.
(20) René Sédillot, Le coût de la Révolution française, Perrin, 1987.
(21) Alfred Cobban, Le sens de la Révolution française, Julliard, 1984.
(22) Robert Schnerb, «Les vicissitudes de l'impôt direct de la constituante à Napoléon», dans Jean Bouvier, Jacques Wolff (éd.), Deux siècles de fiscalité française, 19e-20e, histoire, économie, politique, Mouton, 1973, PP. 57-70.
(23) Robert Schnerb, op.cit, 63.
(24) Jacques Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l'Empire, Presses Universitaires de France, 1985, p.163.
(25) Michel Bruguière, Gestionnaires et profiteurs de la Révolution, Olivier Orban, 1986.
(26) Michel Bruguière, op.cit, 74.
(27) René Sédillot, op.cit, 242.
(28) René Sédillot, op.cit, 243.
(29) Alfred Cobban, op.cit, 93.
(30) René Sédillot, op.cit, pp. 248-249.
(31) Robert Darnton, La fin des lumières: le mesmérisme et la Révolution, Perrin, 1984.
(32) Michel Bruguière, op.cit, 170.
(33) François Caron, Histoire économique de la France: XIXe-XXe siècles, Armand Colin, 1981.
(34) Alain Caillé, Splendeurs et misères des sciences sociales, Droz, 1986, chapitre 4, 2eme partie, pp. 172-200.
(35) Michel Morineau, «Des origines de l'inégalité de développement», dans Pour une histoire économique vraie, Presses Universitaires de Lille, 1985, pp.391-411.
(36) Michel Morineau, «Révolution agricole, révolution alimentaire, révolution démographique», dans Pour une histoire économique vraie, Presses Universitaires de Lille, 1985, pp.241-276.
(37) François Crouzet, De la supériorité de l'Angleterre sur la France, Perrin, 1985 chapitre 2, pp. 22-49.
(38) Jean Meyer, Le poids de l'Etat, Presses Universitaires de France, 1983, p.50.
(39) William H. Sewell, op.cit, 201.
(40) William H Sewell, op.cit, 219.
(41) François Crouzet, op. cit, 280.
(42) François Crouzet, op. cit, chapitre 10, «Les conséquences économiques de la Révolution française, vues de Londres».
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