jeudi 18 février 2021

7 octobre 1571 : Bataille de Lépante 2/10

L’Âge d’or du Royaume de Chypre

En 1346, Gênes reconquiert Chios contre les Byzantins, qui réarment une flotte que les Génois coulent dans le Bosphore même. L’année suivante, les Chevaliers, qui ne sont pas intervenus dans la guerre qui opposait Gênes à Byzance, détruisent une flotte turque dans les eaux de l’île d’Imbros. Un nouvel acteur chrétien va toutefois marquer la seconde moitié du XIVe siècle : Chypre. L’île appartenait depuis 1192 à la famille de Lusignan. Sous le roi Pierre Ier (1359-1369), qui a épousé Eléonore d’Aragon, elle connaîtra l’apogée de sa gloire. Pierre Ier de Chypre veut raviver l’esprit des Croisades. Il souhaite faire de son royaume insulaire la base inexpugnable de toutes les flottes européennes dans le bassin oriental de la Méditerranée, face aux côtes du Liban et de la Palestine, face au delta du Nil.

Il fait le tour des cours d’Europe. Il ne sera guère entendu. Mais il ne se contentera pas d’attendre des secours papaux, espagnols ou français, génois ou vénitiens : il passera à l’acte. Avec succès. En 1361, avec l’appui des Chevaliers, il organise une razzia contre les ports anatoliens de Satalia et Korykos, dont il s’empare (l’actuelle Antalya).

4 ans plus tard, Pierre Ier rassemble une flotte de 115 bâtiments cypriotes, johannites et vénitiens et attaque Alexandrie en Égypte, qui est pillée dans toutes les règles de l’art : 70 bateaux bourrés de butin cinglent vers Chypre, avec 5.000 prisonniers. La vision de Pierre Ier était celle d’un bassin oriental entièrement contrôlé par les flottes européennes pour faire pièce à la reconquête mamelouk du Liban et de la Palestine et pour pallier les conquêtes ottomanes sur terre. Pour réaliser ce projet, il fallait rétablir l’idéal de la chevalerie et raviver l’esprit des croisades. Ses projets n’auront malheureusement aucun lendemain. Les caisses de l’État sont vides. Il se querelle avec son épouse, parce qu’il a une maîtresse et, elle, un amant. Il meurt assassiné le 16 janvier 1369 par 3 vassaux conspirateurs. Sa mort scelle la fin de l’âge d’or cypriote et le début du déclin politique de cette île de valeur hautement stratégique. Ses successeurs, à commencer par son fils mineur d’âge, Pierre II (1369-1382), ou “Pierrin”, ne parviendront pas à maîtriser la furie des 2 villes-États italiennes, Gênes et Venise, qui s’entredéchireront pour obtenir le contrôle de l’île et, avec elle, tout le commerce venu d’Asie pour aboutir aux ports du Liban et venu d’Afrique pour arriver dans le delta du Nil.

L’Europe occidentale, elle, pendant ce temps, se désintéresse du bassin oriental de la Méditerranée : les Croisades sont un vague souvenir, marqué par l’amertume de l’ultime défaite face aux Mamelouks d’Égypte. L’heure n’est plus aux grands projets : on revient à ses mauvaises habitudes, on s’étripe entre soi et chez soi. La France et l’Angleterre mènent la Guerre de Cent Ans. L’Église est déchirée par le schisme qui oppose Rome et Avignon. Chypre a donc perdu le contact avec l’Europe de l’ouest. Son déclin sera couronné d’une défaite humiliante : l’armée des Mamelouks envahira l’île en 1426. Les armées cypriotes sont écrasées, le roi Janus est prisonnier, les chevaliers francs de sa garde impitoyablement massacrés. Janus est promené dans les rues du Caire, les mains liés dans le dos, monté sur un âne boiteux, sa bannière trainée dans la poussière. Avec la disparition des féodaux francs, l’île se ré-hellénise, sous l’impulsion de la reine Hélène Paléologue.

La mort lente de Byzance et l’avancée turque dans les Balkans

Le rappel de la geste des Chevaliers de Rhodes nous permet de comprendre l’importance cruciale de Rhodes dans le dispositif européen en Méditerranée orientale. Avec Rhodes, et avec Chypre, l’Europe garde la maîtrise de la mer, en dépit de la conquête ottomane des Balkans et de la Grèce. Rhodes, Malte et Chypre sont d’ailleurs les enjeux des guerres euro-turques du XVIe siècle. Et l’intransigeance turque dans l’actuelle question cypriote s’explique encore et toujours par l’histoire mouvementée de l’île.

Si les Chevaliers parviennent, pendant tout le XIVe siècle, et jusqu’à la prise de Constantinople en 1453, à assurer la maîtrise du bassin oriental de la Méditerranée, les Ottomans, sur terre, ne rencontrent que peu d’obstacles. Pour comprendre leurs succès, il faut comprendre l’état désastreux de division dans lequel le monde byzantin était plongé depuis 1204, année où la quatrième croisade franco-flamande prend Constantinople et en fait le centre d’un nouvel “empire latin d’Orient”. Baudouin Ier et Baudouin II de Flandre le gouverneront entre 1204 et 1261. Cet empire comprendra à peu près toute la Grèce actuelle, la Thrace aujourd’hui turque et une bande côtière sur la rive asiatique de la Mer de Marmara. Au beau milieu de cet empire, se trouvait le Royaume de Thessalonique d’Henri de Montferrat. La latinisation de l’empire ne rencontre évidemment pas l’approbation des orthodoxes fidèles aux rites et aux traditions grecs.

3 entités étatiques grecques se créeront par dissidence et par refus de soumission à l’empereur franco-flamand : 1) l’empire de Trébizonde, à l’est du littoral anatolien-pontique ; cet empire aura le soutien des Géorgiens et des Arméniens et se maintiendra jusqu’en 1461, 8 ans après la chute de Constantinople ; son histoire et son sort nous expliquent le pourquoi des tensions turco-arméniennes et, pour partie, l’imbroglio caucasien actuel sur fond de crise russo-géorgienne ; 2) le despotat d’Épire (sur le territoire de l’actuelle Albanie), qui absorbera par conquête le royaume de Thessalonique, et entrera ainsi en conflit avec l’empire de Nicée, troisième entité étatique orthodoxe-byzantine ; 3) l’empire de Nicée qui, d’emblée, cherchera, avec l’alliance des Bulgares, à éliminer l’empire latin. Les Nicéens mèneront cette tâche de main de maître ; successivement, entre 1222 et 1254, l’empereur nicéen Jean III Vatatzes reprend pied en Thrace et en Grèce, récupère Thessalonique en 1246 et tient en échec ses rivaux ou anciens alliés épirotes et bulgares. L’île d’Eubée (le “Negroponte”) et la Crète demeurent vénitiennes.

Osman Ier et Orhan : la puissance par la maîtrise du tremplin “Bythinie”

Pour réaliser cette entreprise de restauration byzantine, toutefois, toutes les forces nicéennes étaient passées sur la rive européenne de la Mer de Marmara. Venise et Charles d’Anjou, alors maître de la Sicile, s’allient pour restaurer l’empire latin. Le Basileus Michel s’allie avec Pierre III d’Aragon, vainqueur final des guerres pour la domination de la Sicile. Tous ces efforts ont épuisé la nouvelle Byzance, dès le successeur du Basileus Michel Paléologue, le déclin s’amorce et le XIVe siècle s’ouvre par un renforcement de l’orthodoxie, qui s’opère par le truchement du monachisme, puis par des guerres civiles. Sur le territoire, à partir duquel l’empire de Nicée avait lancé l’offensive pour restaurer l’empire byzantin, s’institue d’abord un vide que comblera un chef de “ghazi” turcs, vassal des Seldjouks de Rum (Rum = “empire romain” en turc). Il s’appelle Osman Ier et proclame, sur le territoire même de feu l’empire de Nicée, le sultanat ottoman. C’est l’acte de naissance d’une future superpuissance. Nous sommes en 1301.

En 1326, le fils d’Osman Ier, Orhan, prend Boursa et complète la conquête totale de la Bythinie, région-clef, selon le grand historien britannique Arnold J. Toynbee qui était byzantinologue, rappellons-le. Qui contrôle la Bythinie, contrôle toute la région pontique et égéenne puis, par extension, le bassin oriental de la Méditerranée. Telle est la thèse majeure de Toynbee, étayée par l’étude de la Grèce antique, de l’empire romain, de Byzance et de l’empire ottoman. Le fait ottoman a pu advenir sur la scène de l’histoire parce qu’aucune puissance européenne n’a été capable de contrôler à temps la petite province de Bythinie. Sur son territoire, l’esprit “ghazi”, esprit guerrier et aventureux, va accéder à un stade supérieur, il ne sera plus simplement le terminus territorial inorganisé d’un itinéraire migratoire de nomades venus d’Asie centrale : dès la maîtrise de la Bythinie, les Ottomans commencent à s’organiser en un État viable, doté d’un projet, et à structurer leurs armées, avec les troupes légères, les akindjis, et la cavalerie du pacha. Cela donnera plus tard les fameux sipahis (parmi lesquels on trouvait beaucoup de renégats chrétiens) et les janissaires, recrutés par levée obligatoire parmi les peuples balkaniques vassalisés.

Guerres intestines à Byzance et progrès des marins turcs en Égée

De 1321 à 1341, l’empire byzantin subit une succession de guerres civiles, où l’empereur, en tentant de mater en vain la révolte des Andronic, lève des mercenaires turcs qui interviennent en Thrace et dans les Balkans, découvrant ainsi la richesse de ces régions, qu’ils ne cesseront plus de convoiter. C’est dans le cadre de ce désordre permanent qu’Osman Ier s’empare de Boursa, ce qui lui permet d’occuper la zone d’Asie Mineure qui fait directement face à la Thrace et à Constantinople : elle est le passage obligé vers les Balkans. Avec Andronic III (1328-1341), devenu empereur, l’empire byzantin connaît un répit et consolide ses positions dans les Balkans. Mais cela ne dure pas : avec l’aide des Bulgares, Andronic III s’en prend aux Serbes du roi Étienne, dans l’espoir de contrôler toute la péninsule balkanique, jusqu’à l’Adriatique. En 1330, les Serbes, vainqueurs à Velbuzd / Kustendjil, élargissent les territoires sous leur contrôle et deviennent la principale puissance balkanique orthodoxe, dans un entrelacs conflictuel inter-orthodoxe, opposant Serbes, Bulgares et Byzantins. L’enjeu est de savoir si l’ensemble de la péninsule balkanique sera dominé depuis les Balkans occidentaux (Serbie et Épire / Albanie) ou par les Bulgares dont le territoire est ouvert sur les steppes d’Ukraine par la Dobroudja ou encore par les Byzantins. Cet enjeu a été ravivé lors de la guerre russo-turque de 1877-78, où la Bulgarie a retrouvé son indépendance, et lors des guerres balkaniques de 1912-13. L’empereur, après sa défaite de Velbuzd / Kustendjil, se retourne contre ses anciens alliés bulgares puis, seconde étape, tente de mettre les Albanais au pas, à l’aide de troupes turques...

Les visées balkaniques de Byzance, épuisée, empêchaient l’empereur Andronic III de contrecarrer l’avancée des “Osmanlis”, qui, au départ, formaient l’entité turque la plus faible d’Anatolie. Andronic III perd ainsi Nicée (Iznik) et Nicodémie (Izmit). Orhan, successeur d’Osman Ier, s’empare de Pergame, que possédait l’émir de Mysie. Andronic III n’intervient pas : il réserve toutes ses forces pour combattre les “ghazis” marins et pirates comme l’émir de Saroukhan ou Omour-beg (Omar), émir d’Aydin et maître de Smyrne ou encore, Khidr-beg d’Ephèse, qui ravagent l’Égée et s’attaquent tant aux Byzantins qu’aux Latins ou aux Vénitiens. En 1333, l’émir de Saroukhan, à la tête d’une flotte de 75 navires, attaque la Thrace, pille la ville de Samothrace et rembarque quand l’armée impériale s’approche des côtes. Mais les Turcs marins ne renoncent pas pour autant à leurs raids : ils débarquent à plusieurs reprises dans les environs immédiats de Constantinople. L’empire n’a pas les moyens de se doter d’une marine suffisamment forte pour purger l’Égée des pirates turcs. Venise propose une ligue des marines chrétiennes avec la bénédiction du Pape mais les Grecs ne veulent aucune concession religieuse tandis que Français et Anglais amorcent la Guerre de Cent Ans et ne se préoccupent plus de l’Orient. Le projet, intelligent, n’aura aucune suite. La discorde entre Européens ne permet pas d’affronter le danger mortel qui se pointe dans la Mer Égée.

Les Turcs prennent Gallipoli

En 1341, Andronic III meurt, laissant un enfant de 9 ans comme héritier légitime. Contre la veuve de l’empereur, Anne de Savoie, Jean Cantacuzène prend alors le contrôle de Byzance, avec l’appui des moines hésychastes (quiétistes). À la suite d’une longue guerre civile, une de plus, il se proclame empereur et appelle les zélotes sociaux-révolutionnaires, les Serbes, les Bulgares et les Seldjouks à son secours, alors qu’il avait contribué à les faire chasser de Thrace, en même temps que les pirates turcs. Battu plusieurs fois de suite par les soldats de l’impératrice, Jean Cantacuzène fait appel à Omour-beg de Smyrne, pour repousser les Serbes d’Étienne Douchan, fidèles à Anne de Savoie, et les Bulgares du Tsar Jean Alexandre. Malgré ces succès, Jean Cantacuzène est incapable de parachever ses victoires. Il doit alors faire appel à Orhan, qui répond favorablement : une première armée de 6.000 Turcs débarque en Thrace ; elle sera bientôt suivie par d’autres, comptant jusqu’à 20.000 hommes. Le nouvel empereur parvient à reconquérir l’Épire en 1349 mais, en 1354, les Turcs qui retournent en Bythinie, sont surpris par un tremblement de terre qui fait s’effondrer devant eux la forteresse grecque de Gallipoli. Ils s’installent dans les ruines et remettent la place forte en état. Les Turcs sont non seulement sur les rives de l’Égée, y entretiennent des flottes offensives mais possèdent désormais une forteresse-clef sur la rive européenne de la Mer de Marmara. Ils peuvent passer en Europe par le passage le plus aisé : aucun obstacle naturel ne les retient plus. L’année 1354 est donc une année fatidique pour l’Europe entière. Personne ne reprendra plus Gallipoli aux Turcs.

Les Turcs à Andrinople – L’émergence de l’empire serbe

Déjà présents en Thrace dans des garnisons au service de l’empereur byzantin, les Turcs d’Orhan contrôlent désormais l’accès de Byzance par l’Égée. L’empereur Jean VI négocie pour récupérer Gallipoli : Orhan lui répond qu’il “ne peut rendre ce qu’Allah lui a donné”. L’alliance est rompue. Le Turc est dans la place. Il peut passer en Thrace à sa guise. En 1362, les Osmanlis s’emparent d’Andrinople (Édirne) et en font leur capitale, à l’Ouest de Constantinople, aux confins de la Bulgarie. Le fait turc s’est bel et bien installé en Europe, face à une Byzance secouée de querelles et sans plus aucune assise territoriale solide. Le Basileus est de facto un vassal des Osmanlis. Il est reclus dans Constantinople, dont l’arrière-pays thrace est déjà largement turquisé.

Dès la prise d’Andrinople, le sort des autres puissances orthodoxes des Balkans était scellé. La Serbie avait acquis un statut de grande puissance entre 1331 et 1355 sous la férule d’Étienne Douchan, qui s’était proclamé “empereur des Serbes et des Grecs” à Skopje en 1346. À partir de 1349, ses états sont organisés à la byzantine, selon une codification nationale, la “Zakonik”. Les Hongrois ne répondent pas à ses appels à une croisade commune anti-turque. Sous son successeur, l’État qu’il avait construit se délite. La Bulgarie n’est pas mieux lotie. Elle se disloque également entre héritiers de Jean Alexandre et grands féodaux. L’empereur byzantin Jean V se brouille avec son fils Andronic : une nouvelle dissension affaiblit l’empire et les Turcs, avec une rouerie consommée, soutiennent tantôt un parti tantôt l’autre. Le tableau est donc noir, très noir ; un contemporain, Démétrius Cydonès, écrit en 1378 : “Tous ceux qui sont hors des murs de la ville (= Constantinople) sont asservis aux Turcs et ceux qui sont à l’intérieur succombent sous le poids des misères et des révoltes”. Les Hongrois n’en profitent pas pour unir sous leur égide les autres peuples balkaniques et cherchent par tous les moyens à mener une politique égoïste sans s’imaginer que le danger turc sera bien plus mortel !

Les Ottomans, établis à Andrinople, sont devenus de fait la principale puissance dans les Balkans. Ils vont le prouver. Sous le commandement de leur sultan Mourad, ils vont attaquer les villes de Serrès et de Thessalonique, toutes 2 gouvernées par Manuel, le fils favori de Jean V. Thessalonique se défendra pendant 4 ans, entre 1383 et 1387. Après la chute de la ville portuaire de la Mer Égée, toute la Macédoine est désormais aux mains des Osmanlis. De même, l’Épire, au Sud de l’Albanie actuelle, dont les clans, divisés par des vendettas immémoriales, s’étaient unis, mais trop tard, contre les Turcs. Les clans épirotes et albanais sont battus à Sawra en 1385, bon nombre d’entre eux passent à l’islam. Les Osmanlis sont tout près de l’Adriatique. Et cherchent, en toute bonne logique, à s’emparer des points stratégiques sur le Danube. Pour réussir cette entreprise et occuper ainsi la principale artère fluviale d’Europe, Mourad occupe les nœuds routiers de Sofia (1386) et de Nis (1387) qui mènent à l’Adriatique, à l’Égée et au Danube. Ce vieux réseau romain de routes terrestres mène aussi, il faut le savoir et se le rappeler, vers le cœur de l’Europe : vers Budapest (Aquincum), où se concentraient plusieurs légions pour défendre la “trouée de Pannonie” contre les invasions venues des Jeunes Carpathes et des Tatras ou de la plaine ukrainienne, vers Vienne (Vindobona) et, au delà de Vienne, vers l’Allemagne du Sud.

Cette partie de l’Allemagne actuelle, c’est-à-dire les antiques provinces romaines de la Raetia et du Noricum, avait été organisée par l’empereur Vespasien (69-79) ; il avait fait joindre le système routier du Rhin à celui du Danube en ordonnant la construction d’une route à travers le Kinzigtal (une vallée de la Forêt Noire). Le réseau de routes romaines relie donc la partie du Würtemberg baignée par le Danube aux régions qui lui sont limitrophes et constituent le cœur même de l’Europe : la Forêt Noire chère à Heidegger, l’Alsace et la Rhénanie. La tactique ottomane, dès le XIVe siècle, est de récupérer au profit des Osmanlis l’héritage de Byzance et de Rome. Le sultan Mehmed II se rend parfaitement compte qu’il est, par la force des choses, non seulement un prince guerrier turc dont les racines lointaines plongent au cœur de l’Asie centrale, mais aussi l’héritier de la Rome orientale, Byzance, et que cette Rome orientale a toujours aspiré à reprendre la Rome occidentale comme au temps du grand empereur byzantin Justinien (527-565) qui avait repris la Dalmatie, toute l’Italie, les îles de Corse, Sardaigne et Sicile, l’Afrique du Nord, de la Libye au Nord du Maroc actuel, et le Sud de l’Espagne, avec les Baléares. Le programme de Mehmed II, et de ses successeurs dont Soliman le Magnifique, est de refaire (au moins) l’empire de Justinien, en s’appuyant cette fois sur l’idée informelle d’une translatio Imperii ad Turcos.

À suivre

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