Comment gouverner en sauvant son âme.
Il y a exactement huit cents ans, le 25 avril 1214, le futur Louis IX voyait le jour à Poissy. Celui qui deviendrait Saint Louis reste une des plus prestigieuses figures de notre histoire. Est-ce parce qu’il était roi et qu’il a été canonisé que la République laïque se montre si timide quand il s’agit de célébrer l’anniversaire de sa naissance? Les historiens, en tout cas, n’ont pas de ces pudeurs.
On se rappelle qu’en 1996, Jacques Le Goff, qui vient de disparaître, avait publié une biographie de Saint Louis qui avait d’autant plus marqué les esprits qu’elle était l’œuvre d’un médiéviste républicain et libre-penseur. Paraît aujourd’hui, de même, un ouvrage qui s’attaque à une facette du règne de Saint Louis du strict point de vue de la science historique, et le fait en termes particulièrement savants. Il ne faut donc pas s’arrêter aux tableaux, croquis et cartes de l’ouvrage, mais le lire en sachant qu’il ouvre des perspectives nouvelles sur l’exercice du pouvoir sous la monarchie capétienne.
Normalienne et agrégée d’histoire, Marie Dejoux a soutenu en 2012 un doctorat sur les enquêtes de Saint Louis, thèse dont est issu ce livre. Que sont ces enquêtes? En 1247, avant de partir pour la croisade, le roi fait mener par des religieux une grande enquête à travers le royaume afin de relever quelles fautes auraient pu être commises par ses agents ou ceux de ses prédécesseurs, de déterminer quelles sanctions devaient être prises contre ces mauvais serviteurs de la couronne, et d’étudier quelles réparations pourraient être décidées en faveur des personnes lésées. Cette méthode, peu ou prou, sera maintenue et pratiquée jusqu’à la fin du règne, environ dix mille doléances alors présentées nous ayant été conservées. Ce qui revêtait initialement une portée morale, visant à la purification du roi et de la royauté avant la croisade, deviendra par conséquent une méthode de gouvernement et de communication : les envoyés du roi faisaient savoir qu’il était juste et bon, ce qui légitimait d’autant plus l’obéissance qui lui était due, a fortiori dans les provinces nouvellement conquises. Ce que montre par conséquent ce livre, c’est la conjonction, au XIIIe siècle, du processus de formation de l’Etat avec l’affirmation de la foi chrétienne. Edifiant.
Jean Sévillia
Les Enquêtes de Saint Louis, de Marie Dejoux, PUF, 476 p., 27 €.
https://www.jeansevillia.com/2015/04/11/il-y-a-800-ans-saint-louis/
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