dimanche 13 décembre 2020

J’accuse… les droits de l'homme !

   


Depuis qu’ils furent « découverts » au XVIIIe siècle, les droits de l’homme font l’objet de critiques diverses, comme le montre Le procès des droits de l’homme (J. Lacrois et J.-Y. Pranchère, chez Seuil). Il n’empêche : ils sont devenus une « religion séculière), une « nouvelle morale » dénoncée par Alain de benoist (Au-delà des droits de l’homme, P.G. de Roux) et par jean-Louis Harouel (Les droits de l’homme contre le peuple, DDB). Le mur des droits de l’homme doit-il tomber ? À vous de juger.

Critiquer les droits de l'homme en commençant par charger l'islam le procédé a de quoi étonner. C'est le pari de Jean-Louis Harouel. Son constat ? L'arrivée massive en Europe d'immigrés portant l'islam dans leurs bagages. Rien de nouveau sous le soleil. Sauf qu'il pointe le rôle joué par les droits de l'homme dans l'installation pérenne et inamovible de ces populations. Harouel a le mérite d'illustrer son propos par des exemples concrets ainsi de l'allocation de prestations sociales généreuses aux immigrés clandestins. La gauche a « droit-de-l'hommisé » l'immigré, empêchant de ce fait toute saine réaction de la société ou de la puissance publique. Au fond, Harouel dénonce « l'impuissance collective » générée par les droits de l'homme. Un point de vue partagé par Alain de Benoist. Ce dernier fustige l'irruption du sujet dans le droit, restreignant d'autant le rôle du politique. La castration de l’État : voilà, pour eux, le péché mortel de l'idéologie des droits de l'homme, nouveau culte civique, relevant de la morale plus que du droit classique (Benoist) et transformant les juges en prêtres inquisiteurs (Harouel).

Je ou Nous

Symptôme de cette impuissance, le principe de non-discrimination, dogme de la « religion séculière des droits de l'homme ». Selon Harouel, l'urgence est à la discrimination et au sentiment d'appartenance. Benoist n'est pas loin : pour lui, la nocivité des droits de l'homme est ontologique car elle remplace le « nous » (la communauté) par le « je » (l'individu atomisé). À l'instar de Michel Villey, il regrette l'effacement du modèle juridique romain, où la notion de droit subjectif était inconnue. Les deux auteurs parviennent à de proches conclusions : il faut défendre la communauté, en sauvegardant le peuple dans son existence (Harouel) et dans ses libertés collectives en tant que communauté (Benoist). Le héraut de la Nouvelle Droite, c'est bien connu, est un penseur de la communauté. Sans surprise, Au-delà des droits de l'homme s'inscrit dans une perspective holiste, et l'antilibéralisme d'Alain de Benoist se déploie particulièrement dans la postface de l'ouvrage, où l'auteur critique vertement « l'atomisation du monde » qu'il attribue au modèle libéral.

Difficile de donner tort à nos auteurs, tant leurs constats se vérifient impuissance à endiguer d'immenses flux migratoires bouleversant le visage de l'Europe : règne de l'individualisme face aux logiques collectives, pourtant naturelles à l'homme.

La critique des droits de l'homme n'est pas nouvelle. Depuis plus de deux siècles, elle est le fait tant des conservateurs comme Edmund Burke (dénonçant leur abstraction) que des révolutionnaires comme Karl Marx (les droits de l'homme ne seraient pas assez émancipateurs car formels et non réels, politiques et non sociaux). La critique contemporaine vient enrichir ce scepticisme.

La grande marche en avant

Alain de Benoist et Jean-Louis Harouel écrivent en un temps où le règne des droits de l'homme doit beaucoup au gouvernement des juges. L'éditeur de Jean-Louis Harouel ne s'y est pas trompé en illustrant la couverture de l'ouvrage avec une représentation de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)… à l'envers ! À Paris comme à Strasbourg (siège dé la CEDH), le discours des droits de l'homme ne se limite pas aux textes fondateurs, à savoir la déclaration de 1789 ou la Convention européenne des droits de l'homme il est conquérant, extensif. L'interprétation y est téléologique (fondée sur la finalité des textes). Or, cette finalité n'est autre que l'émancipation de l'individu. Le mépris du Décalogue est patent, au profit de droits-créances libertaires (droit au mariage, à l'enfant, au suicide assisté, à l'avortement). Gigantesque hypocrisie de ces droits de l'homme qui, d'ailleurs, ne consacrent en rien le premier de tous les droits, la plus importante des immunités de contrainte : le droit à la vie. Alors que pléthore de droits-créances sont proclamés en Occident, le plus élémentaire des droits fondamentaux (formule affectionnée par Pie XII, entre autres) est farouchement nié. La raison en est simple : l'anthropologie des droits de l'homme est profondément matérialiste.

Si la défense des libertés concrètes est indispensable, la critique de l'idéologie des droits de l'homme prouve toujours sa pertinence, dans l'océan post-moderne.

Thibault Bertrand monde&vie 9 juin 2016 n°925

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