Nous sommes dirigés par des élites libérales. Elles coulent le pays depuis la fin du gaullisme. Interrogé par la télé russe sur les élections françaises, j’avais dit que rien ne changeait dans le fond depuis 1830, soit depuis la monarchie de Juillet flanquée en son temps de sa presse anglo-libérale et de sa banque Rothschild. Je l’avais dit sans ressentiment aucun : théorie de la constatation.
On accuse ici et là la gauche ou le marxisme culturel. Mais ceux qui nous ont mis là sont bien les libéraux. Ce sont eux qui veulent la guerre à mort contre la Russie, le super-Etat européen, les migrants à tout prix, la culture pour personne et la rééducation des citoyens. Le problème de la gauche est qu’elle est devenue 100% libérale, que plus rien ne la distingue des libéraux et de leurs calembredaines. Le terrifiant ministre teuton Schauble l’a rappelé qu’il fallait protéger l’héritage libéral européen, qui rime avec le nihilisme européen de Nietzsche.
Pour bien comprendre ce qu’est un libéral je propose un auteur réactionnaire (au sens littéral : qui invite à réagir), le royaliste Léon Daudet, fils du maître du conte et disciple de la vieille école française, celle qui avait du style et du coup de gueule.
Il le définit dans son « stupide dix-neuvième siècle » le libéral :
« Vous distinguerez d’emblée le libéral à la crainte qu’il a d’être taxé de réactionnaire. »
Le libéral c’est celui qui laisse faire, celui qui avale la merde (Léon Bloy) ! Daudet prévoit notre fin il y a cent ans déjà :
« Si les choses devaient continuer de ce train-là, un enfant de sept ans, concevant les relations de cause à effet, pourrait annoncer à coup sûr, la fin du pays pour l’an 201 4 – J’entends, par la fin d’un pays, son passage sans réaction sous une domination étrangère, et le renoncement à son langage. Il y a dix ans, une pareille hypothèse aurait fait hausser les épaules. Il n’en est plus de même aujourd’hui. »
La fin du français, Giscard l’avait déjà célébrée en commentant en anglais son élection en 74 contre François Mitterrand !
Daudet comme Jacques Bainville (lisez son magnifique essai sur le démentiel traité de Versailles) remarque la nullité de notre diplomatie depuis deux bons siècles :
« C’est l’infatuation de son siècle qui l’a borné et affaibli, quant aux sommets (religion, politique) de l’esprit humain.
La prétendue émancipation de l’esprit français au XIXème siècle (telle qu’elle s’enseigne encore risiblement dans nos facultés et nos écoles) est, au contraire, un asservissement aux pires poncifs, matérialistes, ou libéraux, ou révolutionnaires. Et sur ce terrain, comme c’est la politique qui juge les doctrines humaines en dernier ressort, de même que c’est elle qui les met en mouvement, je vous dirai : comparez le traité de Westphalie (1648) à la paix de Versailles (1919). Mesurez, si vous le pouvez, la chute des parties, dites souveraines, de l’intelligence politique française, de la première de ces deux dates à la seconde ; mesurez l’affaissement de la sagesse et le recul psychologique ! »
Mais comme disait mon collègue franco-algérien, quand on touche le fond ici, on creuse encore !
Daudet tape aussi sur le bonapartisme – comme Karl Marx -, et avec quelle faconde !
« Leur administration compléta ainsi, par le nivellement, le saccage affreux de la nuit du 4 août. L’abolition des coutumes locales et des privilèges fédératifs et corporatifs, le mécanisme inhumain qui en résulta, firent plus et pire pour la dépopulation (en dehors même du pernicieux régime successoral) que n’avaient fait les hécatombes. »
Puis il définit le ou la libérale (Sarkozy, Hollande, Lagarde, Merkel, Schauble, tous les minables qui mènent l’Europe à sa fin) :
« Le libéral est un homme qui révère le Bon Dieu, mais qui respecte le diable. Il aspire à l’ordre et il flatte l’anarchie. Cela, dans tous les domaines, notamment l’intellectuel et le politique. Il va donc s’efforcer de trouver une formule qui concilie un terme et l’autre. D’où la notion du centre dans les assemblées, du « raisonnable » centre, qui tient la balance égale entre les extrêmes et défend la propriété et la famille avec la religion, par exemple, en souscrivant d’avance à tous les assauts passés, présents et futurs, donnés à la propriété, à la famille et à la religion. Il y a là, à la fois l’indice d’une faiblesse mentale et le signe d’un tempérament craintif. »
J’ai connu assez d’hommes politiques Mainstream pour savoir qu’ils ne sont pas si bêtes ; c’est la couardise et l’intérêt qui les tiennent. Comme disait Burke déjà dans son essai sur notre révolution ratée, « the age of chivalry is gone. »
Après la bêtise et la lâcheté s’industrialisent (pensez aux célébrations de Johnny ou du d’Ormesson) :
« Je n’ignore pas en écrivant ceci que le XIXe siècle a statufié un nombre considérable de libéraux, considérés comme éminents. Ces ânes bâtés ont peuplé les Académies, devenues, par l’affadissement des idées et l’affaissement des caractères, le sanctuaire de ces grotesques idoles. »
Daudet remarque justement que les réactionnaires de droite ou de gauche ont tous leur personnalité, au contraire du libéral, politicien interchangeable et universel, formaté par l’école d’administration, de commerce ou de business US :
« D’ailleurs s’il y a des réactionnaires différents d’intentions et de principes, il n’y a qu’un libéral, toujours le même, stéréotypé, inéducable et incorrigible, attendu qu’il ne sait pas et ne veut pas savoir que le poulet sort de l’œuf, le blé du grain et la catastrophe sociale de la mauvaise organisation politique, de l’acéphalie. »
Daudet se rattachait à Pagnol, à la femme du boulanger, au paysan français qui fut liquidé par les guerres, l’industrialisation des années soixante et la politique agricole dite commune :
« La propriété terrienne est le corps de la famille, comme le sacrement du mariage en est l’âme. Entre le sol cultivé, agraire, et la famille, il y a un fameux concordat. Alors que, pour la Révolution et pour le libéralisme, la famille c’est une roulotte de bohémiens. »
Notez que là aussi, notre as entrevoit le bobo, le bourgeois bohémien de nos contrées spéculatrices et relax…
Le patriotisme humanitaire décrit par mon Cochin, Daudet le définit à sa manière :
« C’est une des plus grandes leçons de l’histoire que le siècle de l’humanitarisme et du pacifisme théorique ait été aussi celui de l’enrôlement universel, et des plus atroces boucheries que le monde ait jamais connues. »
Les grands esprits se rencontrent, sauf par le style. C’est pour cela qu’on les lit.
J’ai rappelé que pour Dostoïevski le libéral russe est un laquais qui cire les bottes de l’étranger. Pour Daudet la France soumise copie servilement :
« …le XIXe siècle a été, en France, l’âge d’or du parlementarisme de style anglo-saxon. Je pense que la vague d’anglomanie politique, qui suivit la défaite de Waterloo, comparable à la vague de germanophilie intellectuelle, qui suivit la défaite de Sedan, a été pour beaucoup dans la vogue de ce mode de représentation, fort étranger à notre génie national et réaliste, et qui nous a fait tant de mal. »
Aujourd’hui l’Amérique est la puissance mimétique (René Girard). On peut supposer que nos élites libérales attendent le départ provoqué de Trump pour sauter avec leurs bons maîtres à la gorge de la Russie…
Sur l’abrutissement médiatique et le pouvoir surpuissant de la presse, Daudet écrit ces lignes bien pensées :
« Les êtres simples croient ce qu’ils lisent parce qu’ils ne lisent, en fait, que ce qu’ils croyaient préalablement. Ils cherchent, dans leurs lectures, le reflet et l’exaltation de leur ignorance et de leur duperie. »
On a dit que le libéral c’est quelqu’un qui ne veut pas réagir (à l’étatisme, à la guerre, aux migrations forcenées, aux liquidations des nations). Daudet conclue (il était médecin) :
« En clinique, l’absence de réaction, c’est la mort. Il en est de même en politique. »
* * *
Sources :
Léon Daudet – Le stupide dix-neuvième siècle (archive.org), chapitre 2
Dostoïevski – Les possédés, p. 158 (ebooksgratuits.com). On peut aussi citer Léon Tolstoï, Anna Karénine, p. 15 : « Le journal que recevait Stépane Arcadiévitch était libéral, sans être trop avancé, et d’une tendance qui convenait à la majorité du public. » Tolstoï ajoute cruellement plus loin : « Les tendances libérales lui devinrent ainsi une habitude ; il aimait son journal comme son cigare après dîner, pour le plaisir de sentir un léger brouillard envelopper son cerveau. »
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