Henri IV n'a certes pas volé son surnom de « Vert galant ». Mais le 14 mai 1610, devant l'auberge à l'enseigne du Cœur transpercé, dans quelle mesure les flèches d'Eros ne se sont-elles pas rendues complices du couteau de Ravaillac ? Un livre de Jean-Christian Petitfils éclaire cette question.
Notre famille de pensée critique volontiers ces hommes politiques qui nous paraissent bien volages et peu sérieux : les frasques de Nicolas Sarkozy avec Cécilia, puis Carla et toutes celles que l’on ne connaît pas, sauf à lire entre les lignes la bonne presse hebdomadaire, en témoignent. Nous avons aussi la fâcheuse habitude de croire que « c'était mieux avant », surtout aux temps regrettés de ces bons « rois qui ont fait la France » : laudator temporis acti. Pourtant, à la lecture du dernier livre de Jean-Christian Petitfils sur l’assassinat d'Henri IV nous découvrons que le roi de France, « vrai bigame », aurait non seulement pu être un excellent maître pour notre actuel président de la République, mais savait aussi transformer ses affaires de cœur en affaire d’État, quitte à faire la guerre à ceux qui osaient s’élever contre ses sentiments…
Le geste de Ravaillac, dans l’après-midi du 14 mai 1610 rue de La Ferronnerie à Paris, est bien connu. Néanmoins, l’énigme autour de ce régicide reste inexpliquée. Ce natif de la ligueuse Angoulême a-t-il agi seul ou fut-il envoyé par un autre ? Peut-on envisager que cet homme qui, lors de son supplice, déclara « Hélas, on m’a bien trompé quand on m’a voulu persuader que le coup que je ferais serait bien reçu du peuple (…)», ait été manipulé ? En son temps, Michelet, pétri de certitudes, s'était employé à résoudre la question en exposant les liens de la machiavélique Henriette, marquise de Verneuil qui donna un fils au roi, avec une bande de comploteurs. Le dessein de ces derniers menés par Charles de Gontaut, duc de Biron, visait à assassiner le roi, démembrer la France dans la bonne tradition féodale et donner le reste de suzeraineté royale au rejeton d'Henriette, Gaston Henri. Cette thèse fut reprise et étayée bien plus tard par l'historien Philippe Erlanger. Mais au hasard de ses recherches, dans l’écriture de son excellente biographie consacrée à Louis XIII, Jean-Christian Petitfils a découvert un document qui éclaire d'un jour nouveau le dossier Ravaillac.
Il ne s'agit pas ici d'en relever la teneur : nous laisserons la surprise au lecteur de ce qui constitue une véritable enquête policière, menée avec la même précision que celle réalisée sur le masque de fer par le même auteur. La thèse mérite d'être retenue, même si, parfois, l'histoire ne nous autorise que des suppositions et non des certitudes. Petitfils énumère avec précision différents faits troublants, faisant peu à peu pencher la balance du côté de cette Charlotte de Montmorency, pour laquelle Henri IV s’éprend d'un amour tout platonique. Il débute son ouvrage par cette autre histoire d'amour qui, dans la vie du roi, semble lui avoir été fatale. Mais cet assassinat créa sa légende et magnifia l'homme. Comme l’écrit Petitfils : « Oubliées les faiblesses du héros, ses fanfaronnades, son abominable avarice, sa conduite inconséquente avec ses maîtresses, sa constante duplicité, dont beaucoup souffrirent et se plaignirent. » La Fronde regretta « le restaurateur des libertés » en oubliant qu'Henri IV fut « le fondateur de l'absolutisme moderne »; quand Richelieu jugea qu'il avait « un bandeau sur les yeux » en voulant engager le royaume de France dans une guerre prématurée, si ce n’est inutile.
Jean-Christian Petitfils, L'assassinat d'Henri IV, Mystères d’un crime, Éditions Perrin, 330 pages, 20,90 €
Christophe Mahieu monde&vie 2 novembre 2009 n° 818
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