Selon la théorie classique, le premier peuplement de l'Amérique aurait été le fait de Mongoloïdes (peut-être des Eskimos) qui auraient traversé à pieds secs le détroit de Behring il y a 12000 ans, donnant naissance à la culture de Clovis. On pensait depuis 2007 que cette culture disparut brusquement, suite à l'impact catastrophique d'une comète qui aurait entraîné un fort refroidissement climatique, ainsi que la disparition de la faune locale, notamment les mammouths. Mais cette opinion vient d'être battue en brèche par deux anthropologues, David Meltzer de la Southern Methodist University, et Vance Holliday, de l'Université d'Arizona, qui estiment que rien dans les données archéologiques dont on dispose ne permet de confirmer cette hypothèse. Une équipe internationale comprenant des chercheurs brésiliens, chiliens et allemands a par ailleurs comparé les squelettes de plusieurs dizaines de Paléoaméricains avec les restes de 300 Amérindiens «modernes». Les résultats montrent que les premières cultures américaines sont probablement le résultat de deux migrations distinctes, l’une et l'autre venues d'Asie par le détroit de Behring, et non pas d'une seule. Les différences observées dans la morphologie crânienne, en particulier, démentent l'idée que les Indiens d'Amérique actuels descendent d'une même population.
D'autres recherches, effectuées ces dernières années par les archéologues James M. Adovasio, Dermis Stanford et Bruce Bradley, donnent à penser que des populations européennes sont arrivées dans le Nord-Est de l'Amérique il y a 19 000 ans, soit avant même l'apparition de la culture de Clovis. Des pointes de flèche et des lames de silex à deux faces retrouvées près de Pittsburgh, en Pennsylvanie, ainsi que sur le site de Cactus Hill, en Virginie, sont en effet typiques de l'industrie solutréenne qui s'est développée, sur le territoire de la France et de l'Espagne actuelles, entre 21 000 et 17 000 ans av. notre ère (cette industrie ayant été remplacée, vers -15000 ans, par l'industrie magdalénienne). Les Solutréens auraient traversé l'Atlantique, à partir du golfe de Biscaye, en utilisant des techniques assez semblables à celles des Eskimos.
Concernant l'Amérique du Sud, il semble bien que d'autres voyages transocéaniques aient eu lieu à date très ancienne. Des analyses de groupes sanguins et de la structure de l'ADN ont établi qu'une variété de gènes spécifiquement originaires du monde sud-asiatique et afro-asiatique est également présente, en concentrations limitées, en Mésoamérique et dans certaines régions des Andes. Un type rare de virus, propre aux Amous du Japon, a été retrouvé en Équateur et en Colombie, ce qui confirme l'hypothèse de l'archéologue américaine Betty J. Meggers d'un voyage des populations Jômons vers l'Equateur vers 4000 ans av. notre ère. Des marqueurs communs aux populations chinoises et mayas ont aussi été identifiés en 1998. Mais l'exemple le plus étonnant reste la présence de l'arachide sud-américaine dans la Chine néolithique d'il y a 4000 ans, qui a été vérifiée par Carl Johanessen et Simming Wang dans les années 1990. S.C. Jett, quant à lui, a découvert des résidus de nicotine (d'origine américaine) et de cocaïne (d'origine andine) dans des momies de l’Égypte ancienne, ainsi que des traces de cannabis eurasiatique dans des cadavres précolombiens du Pérou. Les langues amérindiennes auraient elles mêmes été influencées par l'arrivée de voyageurs océaniques, et ne dériveraient donc pas seulement de la seule migration terrestre eskimo.
Sources : PloSONE, 14 juin 2010; Current Anthropology, octobre 2010.
éléments N°138 janvier-mars2011
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